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explicatives en classe de langue

1.4.2. Hypothèses psycholinguistiques

L’observation des pratiques langagières des enseignants est dépendante des phénomènes cognitifs d’apprentissage et d’enseignement. D’une part, les enseignants mettent en place des stratégies d’enseignement pour rendre leur explication efficace. Nous supposons que leur travail relève d’une certaine métacognition. D’autre part, ils doivent gérer le degré de compréhension du discours explicatif par les apprenants et s’assurer du fonctionnement cognitif de chacun. C’est aussi le travail de l’apprenant que de mettre à contribution des stratégies d’apprentissage adéquates afin de faciliter l’accès au sens lexical. Mais est-ce que les interactions explicatives observées ont amené à une rétention du lexique dans la mémoire à long terme ? Et dans quelles situations ? Nous présumons que la fréquence d’exposition du lexique en classe de langue joue un rôle dans le degré de rétention du lexique par les apprenants. Nous supposons également que les explications partagées et co-construites au sein de la classe permettent une meilleure rétention du lexique que celles qui sont imposées par l’enseignant car elles impliquent directement, linguistiquement et cognitivement, les apprenants.

Ceci dit, le discours explicatif n’est véritablement partagé que s’il est perçu comme tel par les acteurs pédagogiques. Les représentations des enseignants et des apprenants doivent être en adéquation sur ce qu’est une explication et l’importance accordée dans l’acquisition d’une langue. Mais comment un discours explicatif est-il actualisé dans une classe et comment intègre-t-il les particularités de l’enseignant, des apprenants et du texte (particularités qui interviennent indépendamment et conjointement) ? Nous prévoyons que les explications des enseignants n’amènent pas forcément à obtenir des explications identiques de la part des apprenants mais qu’il existe tout de même des traces lexicales (ou sémantiques) identiques entre les deux types de discours. De même, nous pensons que le texte influencera les réponses des apprenants en laissant des traces en mémoire.

86 Par ailleurs, le discours explicatif de l’enseignant est élaboré en fonction de ses représentations sur ce qu’est un enseignement, un apprentissage, une explication (lexicale) mais il dépend aussi de sa formation, des influences méthodologiques et de leurs propres pratiques. La pratique enseignante serait-elle constituée d’une succession de cognitions ? Et le discours explicatif de l’enseignant serait-il le résultat de plusieurs cognitions ? Nous présumons que l’enseignant construit par étape son discours explicatif : avant le cours et pendant le cours. Et que le travail opéré en classe relève d’une certaine métacognition.

Seulement, le discours explicatif est, dans notre cas, un discours sur le lexique. L’explication d’une règle de grammaire n’est sans doute pas identique à l’explication d’une lexie (Pottier, 1992), tout comme elle serait différente d’une explication en mathématique. De la sorte, le type de lexique étudié influe sur le processus explicatif de l’enseignant. Les qualités intrinsèques d’une lexie influenceraient-elles l’élaboration d’un discours explicatif par l’enseignant avant et pendant le cours ? Mais surtout auraient-elles un effet sur le degré de rétention du lexique par les apprenants ? Nous pouvons supposer que plus une lexie contient des traits sémantiques abstraits, plus elle sera difficile à expliquer par l’enseignant et plus elle sera difficile à intégrer en mémoire par l’apprenant. A l’opposé, plus une lexie a des propriétés sémantiques concrètes, plus elle sera facile à expliquer et facile à retenir.

Toutes ces hypothèses constituent la base d’interrogations de notre travail. Le chapitre suivant se propose d’aborder le contexte didactique d’enseignement-apprentissage du lexique dans lequel nous avons mené notre protocole d’expérimentation. Il traite de la collecte du corpus que nous avons opérée à l’aide de la vidéoscopie1 et de plusieurs questionnaires2.

1 Cf. DVD fourni avec la thèse présentant des exemples de séquences explicatives d’enseignants en classe de langue.

2 Cf. Annexes 6 à 10 : questionnaire destiné aux apprenants, tests de connaissances destinés aux apprenants et questionnaire destiné aux enseignants.

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Chapitre 2. Présentation du corpus et de son contexte

« Il est beaucoup plus facile pour un philosophe d’expliquer à un autre philosophe qu’à un enfant. Pourquoi ? Parce que l’enfant pose les vraies questions. »

Jean-Paul Sartre

Nous sommes ici dans un contexte didactique d’enseignement-apprentissage du lexique en classe de langue, enseignement bien spécifique par rapport à un enseignement de la grammaire ou de l’orthographe1. C’est ce que ce deuxième chapitre s’attachera à définir. Il décrira également le protocole expérimental mis en place pour observer des classes de langue, quelles soient de langue maternelle ou de langue étrangère ou seconde.

2.1. Enseignement-apprentissage du lexique en classe

de langue

Le lexique constitue pour les enseignants de français, tous domaines confondus, un point crucial des préoccupations didactiques. Nous sommes tous conscients que disposer d’un répertoire lexical varié est indispensable à toute activité d’échange et d’utilisation de la langue (dans le cadre scolaire et dans la vie quotidienne). Les jeunes enfants commencent par établir une certaine communication et à donner du sens à leur propos en employant du lexique (Jisa, 2003 ; Jisa & Richaud, 2005).

D’une part, les travaux linguistiques se sont efforcés de décrire, catégoriser et théoriser le lexique, tant en lexicologie qu’en morphologie. Les chercheurs se sont rapidement heurtés à l’irrégularité de la réalité lexicale (Jisa, 2003). A une époque où la théorisation est de mise, le fait lexical se révèle être assez volatil. D’autre part, l’apprentissage du lexique renvoie souvent à une conception simpliste qui consiste à

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88 établir une correspondance référentielle entre les mots et les choses alors qu’il n’en est rien réellement.

Le lexique se distingue des vocabulaires car il désigne l'ensemble des lexèmes propres à une communauté linguistique alors que les vocabulaires sont les sous-ensembles du lexique (Niklas-Salminen, 1997 : 27). Ces derniers correspondent à des domaines, des champs linguistiques spécifiques : on parle de vocabulaire médical, juridique, scolaire, etc. Nous pourrons ainsi parler de vocabulaire tout en précisant le domaine auquel il fait référence et l’insérer dans le lexique du texte comme dans les quelques exemples suivants :

Lexique Vocabulaire correspondant

Une gargote Une collation

Domaine de la gastronomie Un fiacre

Une boite noire

(désignant le fiacre dans le texte)

Domaine des transports Un office (religieux)

Bénir

Domaine religieux

Tableau 1: Différence entre le lexique et le vocabulaire

Le lexique est composé de constituants qui donnent tout leur sens au texte. C’est plus particulièrement ce qui nous intéresse ici. Lors d’une étude de texte, un lexique difficile peut compromettre la compréhension des idées présentées par le narrateur. Les apprenants ont conscience qu’ils identifient du lexique et lui donnent du sens pour établir de la compréhension entre les éléments du texte. Ils cherchent aussi, dans un but didactique, à intégrer le lexique dans leur répertoire afin de le réutiliser ; la production écrite faisant partie des priorités d’enseignement de la langue (c’est le cas pour nos deux types de classe). L’apprenant n’est pas le seul à travailler, l’enseignant tente d’attirer l’attention sur le lexique qu’il estime poser problème ou important à comprendre, et tend à réduire dans l’interaction l’ambigüité des mots en en affinant le sens. Il s’assure que ses explications sont comprises de tous et qu’elles aideront à la rétention du lexique en mémoire.

Toutes ces actions pédagogiques ne sont pas sans soulever des questions : quelle méthodologie est appropriée à l’enseignement du lexique ? Répond-elle aux

89 attentes des instructions officielles ? Pour cela, il faut identifier le type de lexique présent dans les textes ? Mais quelle est la place accordée à l’enseignement du lexique dans les classes de langue française ?

2.1.1. Spécificités de l’enseignement du lexique en