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CHAPITRE 5 DE L’ÉTABLISSEMENT À L’APPLICATION DES RÈGLES LORS

5.1 La sélection des agences de sécurité

Peu d’entreprises offrant des services de sécurité pour de l’événementiel sont engagées pour les raves se déroulant à Montréal. Les agences de sécurité d’envergure qui obtiennent les contrats pour les événements majeurs comme le Black and Blue et le Bal en Blanc ne sont pas sollicitées par les promoteurs de raves de moindre importance. Deux des promoteurs interviewés nous ont expliqué que leur réticence à engager de telles agences tient d’une part au fait que le « style » de ces agences ne convient pas à leurs événements, c’est-à-dire qu’ils considèrent que ces équipes de sécurité sont constituées en majorité d’agents dont l’imposante musculature et l’attitude de rigidité intimide la clientèle, ce qui ne cadre pas avec l’atmosphère que recherche leur clientèle. D’autre part, plusieurs promoteurs interviewés ont peu de confiance envers ce type d’agences, étant convaincus que certains agents de sécurité sont payés afin que ces derniers protègent l’exclusivité d’un marché de drogues illicites, c’est-

à-dire que les organisations criminelles infiltrent ces agences afin de s’assurer que leurs revendeurs puissent opérer tout en cherchant à éliminer la concurrence.

La réputation et la confiance sont des éléments clé pour les promoteurs lorsque vient le temps de choisir une agence de sécurité. Lorsque ces derniers confient la sécurité de leur événement au superviseur d’une agence, ils lui délèguent en quelque sorte la responsabilité du bon déroulement de l’événement. En d’autres termes, les superviseurs interviewés soutiennent que les promoteurs leurs confient la responsabilité de « gérer » l’événement dans son ensemble, c’est-à-dire tout ce qui a trait à la clientèle, ainsi que les problèmes qui peuvent survenir à la porte d’entrée et dans les salles. Le promoteur se charge quant à lui essentiellement des aspects techniques (son et éclairage), de ses employés (vestiaire, service bar), et de la caisse pour la vente de billets.

Pour les promoteurs, il s’avère donc très important de pouvoir se fier sur les personnes à qui ils confient la responsabilité d’assurer le maintien de l’ordre. Il en va de même pour les superviseurs interviewés, qui nous ont tous dit sélectionner les promoteurs avec qui ils travaillent, de façon à ne pas se retrouver dans des situations problématiques. Par expérience, les superviseurs en viennent à refuser certains contrats de raves parce que des promoteurs sont parfois trop mal organisés, ce qui donne lieu à des conditions de travail difficiles à la porte d’entrée par exemple, ou à des situations qui peuvent s’avérer dangereuses si le promoteur a des liens avec des réseaux de distribution de drogues par exemple. Ce ne sont donc pas seulement les promoteurs qui choisissent les agences de sécurité, mais également les superviseurs qui choisissent les promoteurs avec qui ils veulent travailler. Voici ce que l’un des superviseurs nous mentionnait au sujet du lien de confiance qui s’établit dans la relation de travail avec le promoteur :

« Parce que je connais les promoteurs encore une fois ça m’aide vraiment. Je peux négocier n’importe quoi avec eux n’importe quand. C’est pas des inconnus alors si je leur dit là regarde ça marche pas, ils me disent toujours ok c’est correct […] Vois-tu ça c’est un critère quand je te disais que je choisis mes partys, je connais les promoteurs, je leurs fais confiance alors ça doit être une bonne clientèle aussi qui doit être avec eux. Puis on connait aussi les clientèles des promoteurs. Alors moi je suis pas mal certain quand je travaille un soir que c’est pas une place à haut risque où est- ce qui se passe du trouble. » (Superviseur)

Les promoteurs sont généralement des habitués de longue date du milieu techno. Ils vont dans plusieurs événements et ils connaissent d’autres promoteurs ainsi que des artistes de la scène rave. Ils sont d’ailleurs souvent eux-mêmes artistes, c’est-à-dire qu’ils performent

également à titre de DJ dans les événements. Ils connaissent les compagnies de sécurité qui sont le plus souvent engagées et sont à même de juger de la façon dont les agents travaillent parce qu’ils peuvent les observer dans leur pratique, en tant que participants à d’autres événements. C’est en regardant les équipes de sécurité travailler qu’ils fondent généralement leur appréciation. Les promoteurs disent également sélectionner les agences de sécurité en fonction de la réputation dont elles jouissent dans le milieu. D’autres considérations peuvent également influencer les promoteurs dans la sélection d’une agence de sécurité. En consultant des forums de discussion sur Internet auxquels les adeptes de soirées rave participent, où ils expriment leur appréciation suite aux événements au sujet de la musique, de la qualité de l’organisation et de l’attitude des agents de sécurité. Les promoteurs peuvent ainsi tenir compte des commentaires de la clientèle, par exemple, s’il y a de nombreuses critiques à l’égard de certaines agences de sécurité.

C’est souvent par le bouche à oreille que les promoteurs de raves de petite à moyenne envergure et les superviseurs d’agences de sécurité sont mis en contact. C’est du moins le cas pour toutes les personnes rencontrées dans le cadre de la recherche. Lorsque les promoteurs leur semblent peu expérimentés dans l’organisation d’événements, plusieurs des superviseurs interviewés affirment qu’au moment de la prise de contact téléphonique, ce sont eux qui posent les questions aux promoteurs et guident l’entretien pour en venir à établir un contrat de service. Les principaux points qui sont abordés sont les suivants : le lieu de l’événement, la capacité légale de la salle, le nombre de personnes attendues, le type de clientèle, le nombre d’agents de sécurité nécessaires et le type de fouille à l’entrée.

Les superviseurs ont besoin de connaître les lieux physiques où se tiendront les événements parce que certains éléments peuvent influencer le nombre d’agents nécessaires, comme le nombre de sorties de secours, la disposition de l’entrée, s’il y a la présence d’escaliers, les espaces à surveiller, etc.. Toutefois, tous les superviseurs rencontrés affirment qu’ils connaissent déjà les quelques salles encore louées pour des raves parce qu’ils y ont déjà fait la sécurité. Ils n’ont donc jamais eu à se rendre sur place à l’avance. Ils connaissent par le fait même la capacité légale des salles. Les superviseurs s’informent toujours auprès des promoteurs pour savoir s’ils ont obtenu les autorisations et les permis nécessaires afin de pouvoir tenir leur événement au lieu projeté en toute légalité. Ils leurs demandent également combien de personnes sont attendues, en précisant le nombre de billets qui ont déjà été vendus, et à combien ils estiment le nombre de personnes susceptibles de se présenter à la

porte, et ce dans le but d’éviter un débordement à l’entrée de l’événement comme cela s’est souvent produit selon plusieurs interviewés.

De façon générale, les communications entre les promoteurs et les superviseurs sont peu nombreuses et très brèves avant l’événement. Avec l’information recueillie au sujet de l’événement, les superviseurs proposent un nombre idéal d’agents de sécurité et un prix pour les services. Les superviseurs rencontrés affirment qu’il leur arrive souvent que des promoteurs leur disent ne pas avoir les moyens d’engager le nombre d’agents proposé et demandent par conséquent de réduire les effectifs. Aucun des superviseurs interviewés ne fonctionnent avec un ratio fixe d’agents par participants, quoique la plupart d’entre eux estiment que cela se situe toujours entre un pour 75 et un pour 150, dépendamment de certains éléments tels que : le type de clientèle, les lieux physiques, le type de fouille et la présence ou non d’équipe de premiers soins.

Du point de vue des superviseurs, la sécurité n’est pas un aspect qui occupe une place suffisamment importante dans l’esprit de nombreux promoteurs de raves. Même si les promoteurs rencontrés y accordent une bonne importance, ils admettent aisément que ce n’est pas le cas pour plusieurs autres promoteurs qu’ils connaissent. Les superviseurs que nous avons interviewés estiment en ce sens qu’ils ont notamment à jouer un rôle de sensibilisation auprès de certains promoteurs qui ne sont pas toujours conscients des risques présents lors de la tenue de ce type de rassemblements, et des mesures à prendre pour prévenir les problèmes.