• Aucun résultat trouvé

Une intervention accrue du Service de police et de la Régie des alcools au tournant des années 2000 :

CHAPITRE 4 L’ENCADREMENT DES RAVES PAR LES AUTORITÉS

4.2 Une intervention accrue du Service de police et de la Régie des alcools au tournant des années 2000 :

Avec l’expansion du phénomène, les événements se déroulaient de plus en plus à l’intérieur de grands amphithéâtres. Lors de la tenue d’un rave au Stade olympique en 1998, il y a eu une intervention policière majeure. Les agents de sécurité avaient dû faire appel aux policiers parce que plusieurs membres présumés d’un groupe criminalisé voulaient entrer et les agents leur refusaient l’accès à l’intérieur. L’intervention policière avait duré plus d’une heure et demie avant que le groupe en question quitte les lieux et que les participants puissent entrer. Selon l’organisateur d’événements d’envergure interviewé, ce serait suite à cette situation, jumelée à une forte expansion du phénomène rave à Montréal, ainsi qu’à l’information sur les dangers de l’ecstasy qui était alors diffusée dans les médias, que le Service de police aurait décidé d’agir pour tenter d’encadrer la tenue de ces rassemblements.

Le policier rencontré mentionne que le Service de police a fait à cette époque des représentations auprès de la RACJ pour expliquer que l’augmentation du nombre de raves attirait les milieux criminalisés, développait une consommation de drogue, stimulait le trafic de stupéfiants, et que dans ce contexte les organisations criminelles se livraient une lutte pour s’accaparer ce nouveau marché. L’argument principal des policiers était que les raves pouvaient se tenir à l’intérieur de salles qui réussissaient à déroger aux heures légales parce qu’il y avait suspension du permis d’alcool avec l’autorisation de la RACJ. Le Service de police aurait donc fait des représentations auprès de la RACJ pour démontrer qu’il y avait là un phénomène en croissance avec lequel ils étaient totalement en désaccord, et que le retrait temporaire du permis privait les policiers de leurs pouvoirs d’intervention.

Selon l’organisateur d’événements d’envergure et le policier interviewés, à partir de 1999, plus aucun établissement détenteur d’un permis régulier de bar ou de discothèque ne serait dorénavant autorisé à le suspendre temporairement, à l’exception des établissements de type amphithéâtre comme, par exemple, le Métropolis ou le Centre Bell. Contrairement aux discothèques, seul ce type d’établissements dédiés à des événements de nature culturelle ou sportive serait dorénavant autorisé à suspendre volontairement leur permis. Le policier rencontré nous a mentionné que le Service de police n’avait pas manifesté d’objection auprès de la RACJ en ce qui concerne les amphithéâtres. Voici les raisons qu’il a évoquées:

« […] c’est devenu systématique que les bars ne puissent plus suspendre leur permis pour faire un événement de type rave. Les amphithéâtres comme le Centre Bell par exemple, c’est différent, parce que même s’il y a un permis d’alcool, c’est une salle qui est exploitée pour des spectacles, des événements sportifs, ce n’est pas un bar ouvert tous les soirs jusqu’à 3h00. Le service de police s’est donc montré plus ouvert, parce que tant qu’à tenir des événements de ce type là, avec la quantité de gens que ça attire, aussi bien que ça se passe dans des endroits comme ceux-là qui sont conçus pour accueillir beaucoup de monde, pour ne pas qu’il y ait de prolifération d’événements rave un peu partout et que l’on vienne à contourner la loi facilement en demandant une suspension de permis d’alcool. En les tolérant dans ces endroits-là, mais de façon isolée, il y a peut-être deux ou trois gros événements par année, des fois c’est dans un but non lucratif d’autres fois c’est dans un but lucratif, c’est comme ça qu’on a un peu tracé la ligne. » (Policier)

La question des permis d’alcool nous apparaît être centrale lorsque l’on aborde la régulation des événements rave. En effet, l’octroi des permis, et plus particulièrement dans le cas qui nous occupe des suspensions temporaires de permis d’alcool, constitue un enjeu pour les promoteurs qui désirent produire leurs événements. Compte tenu du fait, notamment, que cette question des permis d’alcool est devenue l’élément principal de négociation entre les promoteurs et les autorités policières pour la tenue d’événements d’envergure, il nous apparaît important d’expliquer le processus par lequel sont administrés ces permis.

Selon le policier rencontré, le service de police peut intervenir de deux façons auprès de la RACJ en ce qui concerne les permis d’alcool. Lorsqu’une personne fait une demande pour l’obtention d’un permis d’alcool à la RACJ afin d’ouvrir un club, il y a une enquête policière au sujet du demandeur pour savoir s’il a des liens avec le milieu criminel, s’il a détenu de permis d’alcool avec lesquels il a eu des problèmes, si c’est un prête nom pour blanchir de l’argent. Suite à son enquête de réputation, le Service de police s’adresse à la RACJ pour indiquer s’il s’oppose ou non à ce qu’un permis d’alcool soit octroyé au demandeur.

L’autre façon qu’a le Service de police d’intervenir auprès de la RACJ, lorsqu’un endroit est problématique, est de faire un signalement au service d’analyse de la RACJ et de soumettre un rapport démontrant les anomalies qui surviennent à cet endroit, comme par exemple de nombreuses plaintes pour le bruit, des problèmes de surcapacité ou du trafic de drogues. C’est le service d’analyse qui décide s’il y aura audition devant juges mais selon ce qu’en dit le policier rencontré, de façon générale avec les rapports de police il y a audition. La RACJ est en quelque sorte le tribunal pour les détenteurs de permis d’alcool. Elle peut retirer

un permis ou imposer au propriétaire certaines conditions pour le conserver, comme par exemple d’avoir des agents de sécurité ou des caméras de surveillance à certains endroits.

La RACJ est également un canal d’informations. À chaque fois qu’un détenteur de permis reçoit un constat pour avoir commis une infraction à un de ses règlements, elle en reçoit une copie. Les agents de la RACJ peuvent donc parfois constater que des établissements posent problème et faire une demande au Service de police pour que ce dernier puisse se rendre sur les lieux vérifier et éventuellement faire un signalement. Le Service de police soumet un rapport qui démontre les problèmes et fait des recommandations lors de l’audition devant juges. Les propriétaires ou les promoteurs peuvent alors expliquer leur version des faits avec l’aide de leurs avocats. Puis ce sont finalement les juges qui tranchent. Ils peuvent retirer le permis, le suspendre, ou imposer des conditions.

Le Service de police intervient donc auprès de la RACJ en ce qui concerne l’octroi ou le retrait des permis d’alcool. De plus, lorsque des promoteurs de raves font une demande de suspension temporaire du permis, la procédure prévoit que la RACJ consulte le service de police pour savoir s’il s’objecte ou non. S’il y a objection, le Service de police doit cependant démontrer pourquoi la RACJ ne doit pas accorder une suspension temporaire, de la même façon que le Service de police doit démontrer pourquoi il faut retirer le permis à un établissement qui pose problème.

4.4 Les clubs afterhours et le certificat d’occupation de danse de fin de nuit : une