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Les clubs afterhours et le certificat d’occupation de danse de fin de nuit : une brèche dans la

CHAPITRE 4 L’ENCADREMENT DES RAVES PAR LES AUTORITÉS

4.4 Les clubs afterhours et le certificat d’occupation de danse de fin de nuit : une brèche dans la

Les clubs afterhours étaient des établissements qui s’inscrivaient quant à eux dans un certain vide au niveau de la réglementation. En effet, ces établissements pouvaient rester ouverts toute la nuit parce qu’ils n’étaient pas détenteurs d’un permis d’alcool, à l’exception d’un qui avait trouvé une formule d’affaires un peu différente. Le club était divisé en deux sections : une section discothèque vendait de l’alcool et fermait à 3h00 du matin, puis la section afterhour ne vendait pas d’alcool et pouvait donc rester ouverte toute la nuit. Selon plusieurs personnes ayant travaillé au sein de ce club, ceci permettait à l’établissement de subvenir aux besoins d’une scène techno, donc nocturne, tout en pouvant engendrer suffisamment de revenus de la vente d’alcool pour demeurer rentables. Voici ce qu’en disait un DJ de la scène rave montréalaise qui se produisait au sein de différents clubs afterhours dont celui-ci :

« Le modèle d’affaire pour les clubs au Québec c’est un sérieux handicap à cause des permis d’alcool. En Allemagne et en France, tu peux vendre de l’alcool jusqu’à la fermeture à 10h00 le matin. Ici, il y avait le X Club22 qui avait trouvé une faille, c’était deux établissements en un avec deux portes, à 3h00 tu fermes le club et la section afterhour reste ouverte toute la nuit. Eux ils avaient le modèle d’affaire qui pouvait subvenir au besoin d’une scène techno tout en étant lucratif. L’autre modèle d’affaire qui est celui des afterhours qui ne bénéficie pas d’un bar pour engendrer suffisamment de revenus, c’est d’être directement impliqué dans la vente de stupéfiants. Au X Club, il y avait de la drogue, mais ce n’était pas relié à l’administration. Ils fermaient les yeux parce qu’ils avaient besoin qu’il y ait de la drogue. Il n’y a pas juste l’endroit, la musique et la « croud ». Sans drogue, le party peut pas vraiment se faire, il n’y aura pas la magie que les gens recherchent, c’est pas juste un spectacle ou une soirée dans une discothèque, c’est un happening ». (Artiste)

Plusieurs interviewés ont émis l’hypothèse que d’autres afterhours se trouvaient d’une certaine manière plus vulnérable à des pressions venant du crime organisé afin que leurs revendeurs de drogues soient tolérés au sein de l’établissement. Cela ne signifie pas que le club en question était exempt d’un réseau de revendeurs de drogues liés à un groupe criminalisé, comme nous en ont témoigné des agents de sécurité qui y ont travaillé. Certains ont toutefois soulevé que les propriétaires devaient probablement être moins dépendants de revenus supplémentaires comme ceux provenant du trafic de drogues.

Toutes les personnes rencontrées dans le cadre de la recherche reconnaissaient que les clubs afterhours étaient des endroits où les organisations criminelles opéraient un trafic de drogues de façon relativement tolérée par l’établissement. Du point de vue du policier interviewé, cette problématique n’est pas exclusive aux clubs afterhours, mais se retrouve également au sein de nombreuses discothèques et de bars de quartier à Montréal. La différence entre les deux types d’établissements se situe au niveau des pouvoirs d’interventions des policiers qui n’ont pas juridiction sur ces établissements. En l’absence d’un permis d’alcool, les clubs afterhours fonctionnent en quelque sorte dans un vide juridique du point de vue des pouvoirs policiers, parce que c’est le permis d’alcool qui donne la juridiction aux policiers. Si la RACJ n’est pas impliquée, le Service de police n’a pas d’emprise juridique pour fermer un établissement de type afterhour, par exemple, s’il y a des problèmes de vente de stupéfiants. Dans le cas d’une discothèque, les policiers peuvent faire des démarches auprès de la RACJ pour qu’elle retire le permis d’alcool obligeant ainsi l’établissement à fermer.

22 Malgré que les informations révélées par l’interviewé sont bien connues du milieu de même que des autorités

policières, nous avons préféré donner un nom fictif à l’établissement afin de préserver l’anonymat de nos sources.

Au cours des années 90, les policiers auraient fait le constat qu’ils avaient peu d’emprise sur ce nouveau phénomène des clubs afterhours qui se popularisait rapidement dans le centre-ville. Selon le policier ainsi que l’organisateur d’événements d’envergure rencontrés, il y avait des craintes relativement fondées au Service de police que ces établissements deviennent des lieux privilégiés pour les activités des organisations criminelles cherchant à étendre leur marché pour la vente de stupéfiants. Le Service de police aurait donc fait des pressions auprès des élus municipaux afin que l’arrondissement amende un règlement créé quelques années auparavant pour encadrer ces établissements. Les clubs afterhours opéraient antérieurement, comme nous l’avons mentionné, avec un certificat de parquet de danse. Devant la prolifération de ces clubs au cours des années 90, la municipalité avait élaboré en 2002 un règlement plus spécifique s’adressant à ce type d’établissement : le certificat d’occupation de danse de fin de nuit. Au début des années 2000, des citoyens mécontents de se faire réveiller à toute heure de la nuit avaient commencé à interpeller les conseillers municipaux au sujet de ces problèmes que posaient les activités des clubs afterhours. Les forces policières dénonçaient de leur côté leur incapacité d’intervenir dans ces établissements en raison du problème de juridiction.

Cela n’a pas empêché le Service de police d’envoyer des agents en civil pour intercepter des revendeurs de drogues qui exerçaient leur trafic à l’intérieur de clubs afterhours. Mais comme nous l’a mentionné le policier interviewé, les policiers ne pouvaient cependant que faire un rapport constatant qu’il y avait manifestement du trafic de drogues à cet endroit. Il n’y avait pas de sanctions autres que l’arrestation du revendeur pris sur le fait. Voici ses propos à cet effet :

« Dans les clubs afterhours, si on avait l’information qu’il y avait un pusher à l’intérieur, on aurait tenté d’aller faire des achats avec ce pusher là et on aurait procédé à son arrestation. Mais si le propriétaire d’un club dit qu’il le tolère, on va faire une opération dans son établissement et il va devoir venir répondre devant la régie ce qu’il a fait comme mesure. S’il l’a toléré il va perdre son permis. Les afterhours c’est difficile parce qu’ils ont pas de permis d’alcool. Si on veut le fermer c’est sur la base de quoi? C’est qu’il n’y a pas de règlement qu’on peut appliquer. La vente de drogue c’est criminel mais ça ne te donne pas le pouvoir de fermer un établissement commercial. Il n’y a aucune loi qui prévoit ça. Dans le cas d’un endroit licencié, si on démontre à la régie que le propriétaire ne fait rien pour contrôler le trafic, on peut lui faire perdre son permis et il va fermer. Mais un endroit qui n’a pas de permis comme un afterhour, je n’ai aucun pouvoir. Ce qu’on pouvait faire dans le fond, c’était des interventions isolées, d’aller procéder à l’arrestation d’une couple de vendeurs à l’occasion, et ça ne change pas grand chose parce que les vendeurs vont être remplacés par d’autres le lendemain. Il faut s’attaquer aux réseaux pour que ça marche et on n’a pas les effectifs, du moins ce n’est pas une priorité du Service de police. On va commencer par

s’occuper des gens qui se tirent dessus comme les gangs de rue, 80% de l’argent s’en va là en ce moment parce que c’est ça qui préoccupe la population, pas la présence de pushers dans les afterhours. » (Policier)

Devant les pressions des policiers et des citoyens, l’arrondissement Ville-Marie a donc voté en 2003 qu’il n’y aurait plus d’autres certificats de ce type qui seraient délivrés, ceux déjà existants pouvant continuer à opérer sur la base de droits acquis. À partir de ce moment, l’arrondissement a donc amendé son règlement pour qu’à chaque fois qu’un club afterhour ferme, il perde son droit acquis. Depuis 2003, le nombre de clubs afterhours à Montréal est passé de cinq établissements à deux qui sont encore en activité aujourd’hui.

4.5 Le protocole de 2001 : une nouvelle réglementation stricte des événements rave