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L’absence d’une réglementation spécifique aux raves au début des années 90

CHAPITRE 4 L’ENCADREMENT DES RAVES PAR LES AUTORITÉS

4.3 L’absence d’une réglementation spécifique aux raves au début des années 90

Selon le policier et l’organisateur d’événements rave d’envergure interviewés, il n’y avait au début des années 90 aucune réglementation particulière qui existait à Montréal pour encadrer ce type d’événements. Il n’existait aucun permis ni aucune autorisation particulière à obtenir pour un promoteur d’événement qui désirait louer un local dans le but d’y tenir un rave. Ce qui existait à l’époque était un permis de bar avec parquet de danse délivré par la RACJ. Il y avait également une autorisation de parquet de danse qui était octroyé, par exemple, à des compagnies qui donnent des cours de danse. C’est avec un tel permis que le Playground, le premier club afterhour montréalais, a ouvert ses portes. À l’époque comme on l’a vu, le phénomène était peu connu des autorités municipales. De plus, le Service de prévention des incendies n’était presque jamais interpellé pour effectuer des vérifications, les

événements de type rave se déroulaient sans vraiment avoir besoin d’autorisations selon les deux interviewés.

De 1993 à 1996, plusieurs raves se seraient ainsi déroulés à l’intérieur de discothèques ou d’amphithéâtres détenant un permis d’alcool et la seule mesure à prendre était d’obtenir auprès de la RACJ une suspension temporaire volontaire du permis d’alcool pour la date de l’événement afin de rester ouvert toute la nuit. La suspension volontaire est un article de loi qui avait été créé à l’origine pour permettre qu’un local détenant un permis d’alcool puisse être loué pour des activités impliquant des mineurs. Les promoteurs de raves se sont servis de cet article pour demander des suspensions temporaires de permis dans les salles assez grandes pour accueillir leur événement mais qui devait fermer à 3h00 du matin en raison du permis. Selon le policier et l’organisateur d’événements d’envergure rencontrés, il était assez facile à l’époque d’obtenir une suspension temporaire du permis d’alcool auprès de la RACJ, le service de police ne s’objectait jamais21, c’était pratiquement un automatisme. Ce serait donc suivant cette façon de faire qu’auraient procédé les organisateurs des premiers événements Black and Blue, les raves des Productions 514, les événements de Divers Cité qui sont par la suite devenus le Bal en Blanc, les raves des Productions Ray Junior et plusieurs autres, jusqu’en 1997-1998. Donc au cours de cette période, aucune réglementation particulière ne s’adressait encore spécifiquement aux raves. Les démarches qu’un promoteur devait entreprendre afin d’organiser un rave demeuraient sensiblement les mêmes. Il fallait d’abord trouver une salle. Ensuite, il fallait vérifier avec les pompiers la capacité légale au niveau du nombre maximal de personnes. Cette démarche n’était toutefois pas nécessaire si un permis d’alcool avait déjà été octroyé pour une salle, parce que lors de l’obtention du permis, les pompiers établissent toujours la capacité légale d’une salle.

L’inspecteur du Service de prévention des incendies rencontré mentionnait qu’en 1994, son service a reçu comme directive de ne plus autoriser la tenue de ce type d’événement si le zonage, qui était dorénavant sous la juridiction des arrondissements, ne permettait pas ce type d’occupation. Cette directive faisait suite à la tenue d’un rave autorisé par un agent de prévention des incendies au centre-ville, événement qui avait été médiatisé en raison d’une intervention policière liée à des plaintes du voisinage. À partir de la seconde moitié des années 90, la première étape pour organiser un rave a donc été d’obtenir une autorisation de

21 Nous verrons dans la section trois du chapitre le processus par lequel le Service de police peut intervenir

l’arrondissement en ce qui a trait à la conformité de l’occupation d’un local en fonction du zonage. Les propriétaires ou les responsables de salles étant de moins en moins intéressés à risquer d’avoir une série de problèmes avec les autorités municipales, jumelé au resserrement des critères établis par les pompiers pour l’obtention d’un permis d’activité temporaire, les promoteurs ont vu le nombre de salles disponibles se réduire considérablement au cours des ans.

Un responsable d’agence de sécurité nous a mentionné qu’il avait développé à l’époque des bons liens de collaboration avec des propriétaires de salles en règle pouvant encore accueillir des raves. Lorsqu’il était mis en contact avec des promoteurs qui cherchaient des salles, il disait pouvoir les aider à en obtenir si ces derniers les engageaient pour faire leur sécurité. Certains propriétaires de salles exigeaient même des promoteurs qu’ils engagent certaines agences en particulier s’ils voulaient que leur demande soit acceptée. Un artiste de la scène nous expliquait que dans la première moitié des années 90, il y avait une certaine mainmise de la part d’une agence de sécurité sur les événements rave à Montréal :

« Dans le temps, un des pré requis pour qu’un événement ait lieu était qu’il fallait que cet événement soit supervisé par une compagnie de sécurité très spécifique dont je tairai le nom. Par la suite, j’ai appris que plusieurs des patrons de cette entreprise étaient en fait d’anciens policiers et que d’un autre côté, cette agence avait aussi de très bons rapports avec certaines personnes peu recommandables. » (Artiste)

La pénurie de salles jugées conformes par le Service de prévention des incendies a eu plusieurs conséquences. D’abord, comme nous l’avons vu, le fait que l’organisation d’événements s’est fait de façon clandestine sans aucun contrôle au niveau de la sécurité des lieux. Plusieurs promoteurs ont également commencé à organiser leurs événements dans des localités en périphérie de Montréal, où les restrictions étaient moins contraignantes. Une autre conséquence fut le développement de la scène des clubs afterhours au profit de la scène rave, dont les impacts sur la question du trafic de drogues seront abordés au prochain chapitre. En effet, parallèlement à cela, il y a eu l’ouverture de plusieurs clubs afterhours qui ont commencé à louer leurs établissements aux promoteurs qui n’arrivaient plus à trouver de salles pour tenir leurs raves. Cette difficulté qu’ont éprouvé les promoteurs à se faire autoriser par le Service de prévention des incendies la tenue de leurs événements dans les salles qu’ils louaient semble avoir toujours été présente. Selon certains promoteurs rencontrés, il y aurait eu toutefois trois périodes où les exigences des pompiers seraient devenues plus strictes, soit autour des années 1994, 2000 et 2007.

4.2 Une intervention accrue du service de police et de la Régie des alcools au tournant