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2. Cadres conceptuels et théoriques

2.2 Regards théoriques sur la RSE

2.2.1 La RSE : une approche systémique

À l’instar de l’approche systémique de la communication proposée par Watzlawick (1979), Grunig et Hunt (1984) appréhendent la société en tant que système composé d’une multitude de sous-systèmes tous interreliés et exerçant, les uns sur les autres, une influence. Dans cette perspective, les organisations qui constituent elles-mêmes des systèmes n’ont d’autres choix que d’être à l’écoute et de répondre aux actions des autres systèmes qu’elles côtoient – personnes, groupes de pression, concurrents, gouvernement, etc. Grunig et Hunt soutiennent que les organisations doivent s’adapter à la réalité de l’environnement dans lequel elles évoluent si elles souhaitent performer, d’une part, et, d’autre part, survivre : « Because the organization is part of a larger suprasystem, all the other systems […] affect its behavior. [Therefore] systems can not survive unless they adapt to their environment – i.e., the environment controls the organization » (1984 : 52-53).

Au regard de l’approche systémique, Grunig et Hunt (1984) postulent qu’une pression considérable provenant de l’environnement et de la société elle-même s’exerce sur les organisations. Cette approche théorique de la responsabilité sociale met donc en évidence la pertinence, pour la santé et la survie des organisations, que ces dernières soient à l’écoute de leur environnement et qu’elles tiennent compte, à travers l’exercice de leurs activités, des mouvements qui s’opèrent à l’intérieur de ce dernier, afin d’être en harmonie avec leur milieu et d’assurer, ainsi, leur prospérité : « The organization must be responsible to maintain the freedom to behave in the way it wants, which it must do in order to be profitable or to achieve other goals » (Grunig et Hunt, 1984 : 52).

Toujours en ce qui concerne les rapports avec l’environnement, Grunig et Hunt (1984) entrevoient la responsabilité sociale comme une des pratiques les plus déterminantes du succès des entreprises. Les auteurs perçoivent l’éthique comme une notion intrinsèque à la réussite des entreprises puisqu’elle est susceptible d’engendrer des répercussions importantes sur la performance organisationnelle. À ce propos, Grunig et Hunt considèrent que la prise en comptes des responsabilités sociales constitue une activité cruciale dans

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régulation dans la poursuite des objectifs organisationnels. En étant conscientes de leurs responsabilités sociales, les organisations sont plus susceptibles d’obtenir l’appui des différents acteurs de l’environnement, et ainsi, de limiter les risques de contestations et d’interventions de l’État dans leurs activités. Dans cette optique, du fait que les relations publiques ont comme principale fonction de contribuer à l’établissement et au maintien de rapports harmonieux entre les organisations et la société, Grunig et Hunt considèrent comme essentielle la prise en compte des responsabilités sociales par les entreprises, même si ces dernières ne sont pas les premières bénéficiaires de telles initiatives : « Organizations have an obligation to be responsible even if it’s not in their self-interest » (1984 : 52).

2.2.1.1 L’interpénétration des systèmes

Toujours selon la logique des systèmes, Preston et Post (1975), à travers leur modèle portant sur l’interpénétration des systèmes8, tentent de qualifier la nature de la relation qui

existe entre un environnement et les systèmes qui le composent. Or, bien qu’il existe une interinfluence entre les éléments d’un suprasystème donné, le modèle de Preston et Post suppose, d’une part, qu’aucun système n’est en mesure de contrôler la totalité des mouvements qui se produisent dans leur environnement social. Les auteurs soutiennent qu’à défaut de maîtriser parfaitement les mouvements et les pressions qui ont cours dans leur environnement social, les systèmes n’y sont pas, pour autant, complètement soumis. Selon Preston et Post, lorsqu’en interaction avec son environnement, aucun système n’est en position d’autorité ou de soumission parfaite. Preston et Post (1975) appréhendent la société en tant que macrosystème constitué de plusieurs microsystèmes à la fois en contrôle et contrôlés par leur environnement social, c’est-à-dire par les mouvements du suprasystème dont ils font partie, en l’occurrence, la société. En lien avec le modèle de Preston et Post, Cohen et Cyert (1973) décrivent bien l’interinfluence qu’exercent, d’une part, les microsystèmes entre eux et, d’autre part, l’influence qu’exerce la société en tant que suprasystème sur les multiples entités qui la composent.

The organization and the environment are parts of a complex interactive system. The actions taken by the organization can have important affects on the environment, and, conversely, the outcomes of the actions of the organization are partially determined by events in the environment […] Even if the organization does not respond to these events, significant

changes in the organizational participants’ goals and roles can occur (Cohen et Cyert, 1973 : 352).

Dans la mesure où les organisations se présentent comme des systèmes ouverts et au regard du modèle de Preston et Post (1975) sur l’interpénétration des systèmes, donc, Grunig et Hunt entrevoient les activités de responsabilité sociale comme des moyens de communication, de négociation et de recherche de compromis.

Public responsibility results from communication, negociation, and compromise between interpenetrating systems. It does not result from complete subservience to outside systems or from complete control of those other systems (1984 : 53).

Comme les comportements adoptés par les organisations exercent une influence sur l’état de l’environnement dans lequel elles évoluent et, inversement, les mouvements de l’environnement se répercutent sur les comportements adoptés par les organisations, la RSE peut traduire un comportement organisationnel à l’aide duquel des entreprises tentent de répondre aux pressions qu’exerce, sur elles, leur environnement, dans le but de mieux s’y adapter. D’ailleurs, selon Post (1978), le degré d’interpénétration entre les entreprises et la société détermine le besoin des organisations de répondre aux mouvements de leur environnement. En ce sens, selon l’auteur, les pratiques de responsabilité sociale constituent un moyen d’assurer l’équilibre entre les organisations et leur milieu – i.e. entre les systèmes d’un même environnement – sur la base du principe de l’homéostasie. Dès lors, Post (1978, 1981) entrevoit les pratiques de responsabilité sociale comme une stratégie organisationnelle nécessaire afin que les entreprises puissent répondre avec succès aux mouvements d’un environnement erratique, en mutations économiques, politiques et sociales constantes.

2.2.1.2 Le modèle hélicoïdal

Le modèle hélicoïdal présenté à la page suivante, élaboré par Caron-Bouchard et Renaud (2001) pour le secteur de la santé et repris par Maisonneuve (2004) pour illustrer le jeu des interactions dans le domaine des communications, témoigne bien du processus d’interinfluence dynamique qui s’exerce entre les acteurs d’un environnement donné – organisations, médias, groupes de pression, etc. En effet, le modèle hélicoïdal stipule que toute communication, qu’elle soit commerciale, sociale ou organisationnelle, est

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mêmes composés de plusieurs intervenants participant tous, de près ou de loin, à l’interaction (Caron-Bouchard et Renaud, 2010). Dans le domaine des relations publiques, ce modèle met de l’avant la nécessité, pour les organisations, de tenir compte, dans l’élaboration et la diffusion de leurs communications, de la pluralité et de la diversité des interactions qu’entretiennent les publics avec les différents groupes composant leur environnement. D’ailleurs, comme le soulignent Caron-Bouchard et Renaud à cet effet, le modèle hélicoïdal illustre « la dynamique de l’information d’un groupe à l’autre » (2010 : 68).

Figure 2 – Le modèle hélicoïdal (Caron-Bouchard et Renaud, 2001)

Source : Maisonneuve, 2004

Dans le cadre du présent mémoire, le modèle hélicoïdal est pertinent puisqu’il témoigne bien de la complexité, sur le plan des interactions, de l’environnement dans lequel évoluent les organisations à l’ère de l’ouverture des marchés et des communications du fait qu’il « rend compte de la diversité des acteurs en cause […] ainsi que de la multiplicité des relations et interactions qui les caractérisent » (Caron-Bouchard et Renaud, 2010 : 21). Or,

la RSE étant appréhendée, dans le contexte de notre recherche, sous une perspective systémique, le modèle hélicoïdal est aussi pertinent puisqu’il rend compte du dynamisme des communications, des interactions et des processus de diffusion de l’information dans la société. Bref, dans le domaine des relations publiques, le modèle hélicoïdal a une portée intéressante, car il souligne bien l’influence que peuvent exercer les différents acteurs d’un milieu sur la transmission et l’interprétation de l’information de même que sur la formation et l’acceptation des normes sociales et de l’image organisationnelle perçue.

2.2.1.3 La cage de Faraday

Maisonneuve (2004) considère les organisations en tant que systèmes qui, par l’intermédiaire de leurs communications, tentent de préserver leur intégrité et de maintenir la cohésion avec leur environnement social. Définie, dans le contexte organisationnel, comme un blindage par l’entremise duquel les organisations gèrent les flux d’information internes et externes de manière à maintenir leur équilibre au sein de leur environnement, la cage de Faraday agit tel un filtre organisationnel et communicationnel (Maisonneuve, 2004). Au regard du principe de la cage de Faraday, les organisations « [s’ouvrent] aux influences intérieures et extérieures [tout en gardant] le cap sur les buts [organisationnels] en protégeant des pressions extérieures les énergies déployées à remplir [leur] mission » (Maisonneuve, 2004 : 9). Dans une réalité mondialisée marquée par la montée de la société civile ainsi que par des publics plus critiques et autonomes dans leurs processus de construction du sens et de l’image, Maisonneuve souligne l’importance, pour les organisations, de créer des liens de confiance avec leur environnement à travers la gestion des flux d’information.

Les relations publiques de même que les nombreuses pratiques auxquelles elles donnent lieu se présentent comme des interfaces communicationnelles permettant aux organisations de s’ouvrir à leur environnement social, d’y établir des relations de confiance et de s’y adapter, mais aussi, d’exercer un contrôle sur ce dernier afin de maintenir une certaine stabilité.

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l’établissement de relations entre les organisations et leurs interlocuteurs (Maisonneuve, 2004 : 10).

En tant qu’interfaces de communication entre les organisations et leur milieu, les différentes actions de relations publiques exercent une influence sur la nature des liens et des relations qui existent entre les systèmes (Maisonneuve, 2004). En vue de s’ouvrir à leur environnement, mais aussi, de se prémunir contre les pressions extérieures réelles et éventuelles, des choix et des activités stratégiques sont, selon Maisonneuve, nécessaires. Dans cette perspective et toujours selon la métaphore de la cage de Faraday, la RSE peut être appréhendée comme l’une de ces activités stratégiques. Entrevue, aux fins de la présente recherche, comme un comportement organisationnel volontaire relevant des relations publiques, la RSE se présente elle aussi comme une interface communicationnelle permettant aux organisations de gérer les pressions qui s’exercent sur elles en s’ajustant aux mouvements de l’environnement, pour assurer leur intégrité, leur survie, et donc, leur prospérité.

En outre, à la lumière de nos hypothèses de recherche selon lesquelles la transparence, la fiabilité, l’implication, l’investissement et l’engagement à long terme constituent les principaux indicateurs sur lesquels reposent les stratégies d’image organisationnelle de responsabilité sociale (H1), et l’indicateur de la différenciation constitue un indicateur déterminant pour l’élaboration, par les organisations, de stratégies d’image relevant de la responsabilité sociale (H2), l’approche systémique se prête bien, à la fois, à l’étude des concepts de RSE et de stratégie d’image, car elle fait état de la mouvance de l’environnement et des opinions à laquelle les organisations sont confrontées et doivent s’adapter afin d’acquérir et de conserver un statut public des plus favorables. Il semble d’ailleurs que la théorie des systèmes en soit une des plus pertinentes pour étudier la réalité complexe dans laquelle s’insèrent les organisations de même que pour décrire le jeu stratégique des interinfluences en cours dans l’environnement organisationnel.