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Le risque sérieux de sanction pour violation du droit européen de l’environnement

b. La subsidiarité combinée à la démocratie

2. Le risque sérieux de sanction pour violation du droit européen de l’environnement

La politique européenne de l’environnement constitue certainement un domaine sensible, propice à la multiplication des condamnations pour le non-respect des règles environnementales de plus en plus restrictives.

Ainsi, la Grèce a fait l’objet d’une condamnation en 2000 dans la mesure où plusieurs communes grecques n’avaient pas établi et appliqué les plans et programmes nécessaires à

l’élimination des déchets421

.

La France a également été condamnée pour l’absence de plan et de programme

nécessaire à l’élimination de certains déchets dangereux422

et la non-mise en conformité

d’installations existantes avec les normes européennes en vigueur423

.

L’écran étatique protège ici les collectivités puisque ce sont les Etats qui supportent les

sanctions, dès lors que les normes européennes portant sur les déchets424, la gestion de

421 CJCE, 4 juillet 2000, Commission c/ République Hellénique, aff. C-387/97, rec. I-5047. Condamnation de

l’Etat à verser 20000€ d’astreinte journalière du fait de la présence d’une décharge publique qui ne répondait pas aux normes en vigueur (directives 75/442/CEE, 75/445/CEE, 78/315/CEE et 78/319/CEE du Conseil). La gestion des déchets en Grèce est une compétence communale. L’Etat Hellénique avait fait valoir l’opposition locale à la construction de sites d’incinération conformes aux directives en

vigueur. Ces circonstances avaient, bien évidemment, été rejetées : « un Etat membre ne saurait exciper

de situations internes, telles les difficultés d'application apparues au stade de l'exécution d'un acte communautaire, pour justifier le non-respect des obligations et délais résultant des normes du droit communautaire », CJCE, 7 avril 1992, Commission c/ Grèce, aff. C-45/91, rec. I-2509.

422 CJCE, 2 mai 2002, Commission c/ France, aff. C-292/99, rec. I-4097. La Cour remarque non pas un

retard dans la transposition des directives applicables, mais un retard dans la mise en conformité des installations d’incinérateurs.

423 CJCE, 18 juin 2002, Commission c/ France, aff. C-60/01, rec. I-5679. La Cour remarque non pas un

retard dans la transposition des directives applicables, mais un retard dans la mise en conformité des installations d’incinérateurs.

424 Pour un aperçu, voir le rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la mise en

l’eau425

, ou encore la protection de la biodiversité426 n’ont pas été observées. Même si les

manquements constatés sont le fait de leurs collectivités, ces dernières étant considérées comme des émanations de l’Etat, il endosse la responsabilité de la violation

communautaire427.

Pourtant, les collectivités locales peuvent toujours faire l’objet d’une responsabilité directe en matière de dommages environnementaux. La pression environnementale induite

par la multiplication des prises d’opinion428

en ce domaine oblige les appareils normatifs

de tous les ordres étatiques et internationaux429 à arrêter des mesures de plus en plus

draconiennes pour stopper les atteintes à l’environnement. Le droit de l’UE n’y a pas échappé. Le 21 avril 2004, une directive a été adoptée par le Parlement européen et le Conseil portant sur la mise en place d’une responsabilité environnementale sur la

prévention et la réparation des dommages environnementaux. La directive 2004/35/CE430

recherchait à harmoniser une responsabilité environnementale commune à tous les Etats membres. La directive est dominée par les principes fondamentaux de «

425 CJCE, 6 octobre 2009, Commission c/ Suède, aff. C-438/07, non encore publié. Condamnation de la

Suède pour retard de la mise en conformité des stations d’épuration d’eaux urbaines résiduaires des agglomérations ayant un EH supérieur à 10 000 habitants avec les obligations découlant de la directive 91/271/CEE du Conseil du 21 mai 1991 relative aux au traitement des eaux urbaines résiduaires.

426 Voir CJCE, 25 novembre 1999, Commission c/ France, aff. C-96/98, rec. I-8531. Il s’agit de l’affaire du

« Marais poitevin » où la Cour a constaté d’une part l’insuffisance du classement en ZPS Ŕzone de protection spéciale- , dans le délai prescrit, d’une superficie suffisante dans le Marais poitevin ; d’autre part, la France n’a pas adopté des mesures conférant aux secteurs classés en ZPS un statut juridique suffisant ; enfin, la France n’a pas pris les mesures appropriées pour éviter la détérioration tant des sites du Marais poitevin classés en ZPS que de certains de ceux qui auraient dû l'être. Il faut rappeler que l’élaboration des ZPS appelle une étroite collaboration des services de l’Etat et de ceux des collectivités locales Ŕcommunes, département, région-. Plus récemment, la Cour, à l’occasion d’un renvoi préjudiciel, a rappelé que s’agissant des sites susceptibles d’être identifiés comme sites d’importance communautaire et qui figurent sur des listes nationales - des sites abritant des types d’habitats naturels prioritaires ou des espèces prioritaires-, les États membres sont tenus de prendre des mesures de

protection aptes à sauvegarder l’intérêt écologique pertinent que ces sites revêtent au niveau national ;

CJCE, 13 janvier 2005, Dragaggi e.a., aff. C-117/03, rec.I-167.

427 Voir infra, §.2 « Le droit limité au juge des collectivités locales ».

428 Une conscience environnementale nait. Certains cinéastes et figures incontournables de la cause

écologique œuvrent dans ce sens pour montrer au public les ravages Ŕparfois irréversibles- des activités

humaines sur la planète. Voir notamment Une vérité qui dérange, de David Guggenheim (commentaire

de Al Gore sur le réchauffement climatique), 2006 ; Le monde selon Monsanto, de Marie Monique

Robin, 2008 ; Home, de Yann Arthus Bertrand, 2009 ; Le syndrome du Titanic, Nicolas Hulot, 2009.

429 Rappel des principales conventions internationales dans le domaine environnemental :

430 Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité

environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux,

payeur »431 et de développement durable432. Une uniformisation substantielle en matière de

responsabilité environnementale s’imposait. L’« exploitant » est « une personne physique

ou morale, privée ou publique, qui exerce ou contrôle une activité professionnelle433 ou, lorsque la législation nationale le prévoit, qui a reçu par délégation un pouvoir économique important sur le fonctionnement technique, y compris le titulaire d’un permis ou d’une autorisation pour une telle activité, ou la personne faisant enregistrer ou notifiant une telle activité434 ». Pour illustrer la démonstration dans la gestion européenne de l’eau, la directive 2004/35/CE s’applique aux dommages environnementaux causés aux

eaux couvertes par la directive 2000/60/CE435. Ainsi, les collectivités locales qui ont la

charge de la gestion de l’eau dans le cadre de leurs compétences devront se montrer

vigilantes tant dans leur gestion directe436, que dans le cadre d’une gestion confiée à un

organisme privé437. Dans le cadre d’une délégation de service public de distribution de

l’eau, la collectivité devra veiller à ce que l’exploitant à qui elle confie l’activité, remplit les exigences environnementales du moment, en plus d’un cahier des charges extrêmement précis imposés par la collectivité. Les collectivités recourent de plus en plus à ce système de concession du service de distribution de l’eau dans la mesure où les exigences

431 Ce principe exige que l’exploitant dont l’activité a causé un dommage environnemental ou une menace

imminente d’un tel dommage soit tenu pour financièrement responsable.

432 Le concept de développement durable fait référence à un mode de développement qui répond aux besoins

du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins. Il vise à améliorer les conditions de vie des individus tout en préservant leur milieu à court, moyen et surtout long terme. Le développement durable comporte un triple objectif : un développement économiquement efficace, socialement équitable et environnementalement soutenable. Source :

Glossaire de l’UE.

433 L’activité professionnelle au sens de la directive 2004/35/CE concerne « toute activité exercée dans le

cadre d’une activité économique, d’une affaire ou d’une entreprise, indépendamment de son caractère privé ou public, lucratif ou non lucratif » (art.2, §.7)

434 Article 2, §.6 de la directive 2004/35/CE.

435 Voir l’annexe III de la directive 2004/35/CE. Les opérations de rejet dans les eaux intérieures de surface

et les eaux souterraines soumises à autorisation préalable ; les rejets ou introductions de polluant dans les eaux de surface et souterraines soumises à permis, autorisation ou enregistrement, les opérations de captage et d’endiguement.

436 En France, le système de régie de l’eau est plutôt en déclin et concerne des collectivités rurales à

l’exception de quelques grandes agglomérations : Strasbourg, Nantes, Amiens, etc. Les communes ont la responsabilité complète des investissements, du fonctionnement des services des eaux, des relations avec les usagers. Et les employés de la régie sont des agents municipaux ayant un statut public.

437 Les contrats de délégation de service public. Parfois, les collectivités peuvent recourir à une gestion mixte

des services de l’eau en conservant l’entretien des réseaux et en confiant à une entreprise privée le service de distribution de l’eau (système de régie mixte).

techniques sont de plus en plus complexes et imposent des normes de qualité qui dépassent les savoir-faire des collectivités locales. Elles préfèrent donc confier la maitrise des services liés à la gestion de l’eau à des opérateurs privés qui disposent de moyens financiers importants nécessaires à la réfection des installations de captage, de distribution et de traitement, etc. En contrepartie des investissements Ŕlourds- engagés, l’opérateur se paye sur les redevances perçues auprès des abonnés. Toutefois, la collectivité peut toujours se réserver le droit de résilier le contrat de manière anticipée si jamais elle estime que le délégataire n'a pas atteint un certain niveau de performances, basé sur les indicateurs contractuels.

Cette responsabilité européenne qui se veut ambitieuse, présente aussi des limites. Notamment dans l’efficacité des traitements des dommages environnementaux : le régime de responsabilité organisé par la directive ne couvre pas l’ensemble des atteintes

envisageables438. De plus, le système n’oblige pas à mettre en place une garantie financière

de type assurance. L’article 14 de la directive énonce seulement que les Etats doivent

encourager « le développement […] d’instruments et de marchés de garantie financière, y

compris des mécanismes financiers couvrant les cas d’insolvabilité, afin de permettre aux exploitants d’utiliser des instruments de garantie financière pour couvrir les responsabilités qui leur incombent ».

En dehors des activités économiques et environnementales, le droit de l’UE a également affecté le fonctionnement interne des collectivités locales à travers le recrutement de leurs

agents. Le droit de l’UE impose que toutes les discriminations directes ou indirectes439,

tout obstacle à la liberté de circulation des personnes soient éliminés440. Dès lors, les

438 Le dommage couvert par la directive est un dommage concret et quantifiable ; il existe un lien de

causalité entre le dommage et le/les pollueur(s) identifié(s). Exit les pollutions à caractère étendu, diffus et où il n’est pas possible d’établir un lien de causalité entre les incidences et les actes ou omissions d’acteurs individuels, (13) de la directive 2004/35/CE. De plus, l’article 4 de la directive présente un large champ d’exclusions (conflits armés, phénomène naturel exceptionnel, nucléaire ou lorsqu’il existe une convention internationale qui organise la mise en responsabilité et les réparations des dommages Ŕ cf annexe 4 de la directive qui énumère les conventions internationales visées par l’article 4 §2-).

439 Les discriminations directes sont inacceptables, tandis que les discriminations indirectes peuvent toujours

être justifiées : CJCE, 28 novembre 1989, Groener, aff. C-379/87, rec.3967 Ŕ à propos de la

connaissance de la langue officielle du pays d’accueil-.

440 CJCE, 23 mai 1996, John O'Flynn contre Adjudication Officer, aff. C-237/94, rec. p.I-2617, points 17 à

emplois de la fonction publique Ŕ à travers la fonction publique territoriale- qui

bénéficiaient d’une dérogation issue de l’article 45 §4 TFUE441

ont été progressivement encadrés.

C. L

A FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE RATTRAPEE PAR LE DROIT DE L

’U

NION EUROPEENNE

La fonction publique territoriale442 regroupe les personnels des collectivités locales, des

structures intercommunales, des établissements publics, etc. Bien évidemment, cette fonction publique territoriale, d’un Etat membre à un autre prend des configurations différentes, modélisée par le type de structure locale en présence. Pour ces raisons, cette fonction publique apparait hétérogène dans la mesure où chaque territoire est différent et que le statut de ces agents affirme ses spécificités. Toutefois, ces fonctions publiques tendent aussi à se rapprocher sous l’effet de l’apparition de référentiels communs tels que la Charte européenne de l’autonomie locale, les incidences du système de l’UE et les

mouvements de décentralisation opérés dans les Etats membres de l’UE443 qui conduisent à

redéfinir les caractères, les modes de fonctionnement de la fonction publique locale444.

Au niveau de l’UE, les agents, quelque soit la nature de leur statut (de droit privé ou public) doivent être assimilés aux travailleurs communautaires (1). Toutefois, le droit de

441 Article 45 §.4 TFUE « Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux emplois dans

l’administration publique ».

442 Bourdon Jacques « La fonction publique territoriale, 20 ans d’évolution permanente », AJDA 2004,

pp.121-137 ; du même auteur, « Droit communautaire et fonction publique territoriale », RGCT, 2005,

pp. 285-295; Louis Dubouis, « La fonction publique territoriale et l’Union européenne », RAE, n°3,

2006, pp.441-453 ; Oberdorff Henri, « L’influence du droit communautaire sur la fonction publique »

in Jean Bernard Auby et Jacqueline Dutheil de la Rochère, Droit administratif européen, Bruylant,

2007, 1122p. (pp.1041-1061).

443 Voir Hélène Pauliat (dir.), L’emploi public en Europe, Pulim, 2005, 334p. Voir également, Les fonction

publiques locales dans les 25 pays de l’UE, ouvrage collectif, Dexia / CNFPT, mai 2006.

444 Toutefois, ce rapprochement ne conduit pas à une homogénéisation des structures locales. Cf. La 4ème

édition de l’Université de la fonction publique territoriale, organisée le 11 juin 2010, par la Gazette des Communes à Aix-en Provence et portant sur le thème « L’emploi public en Europe : quel est l’impact des réformes territoriales ? ». Cette université s’est intéressée aux évolutions de la fonction publique territoriale en Europe. A la question de savoir si l’on se dirigeait vers une homogénéisation des fonctions publiques en Europe, les participants ont répondu par la négative.

l’UE ne pouvait imposer de manière abrupte cette conception. Dans certains Etats, comme la France, cette « communauté » d’agents bénéficiait alors de la protection nationale reconnue dans les traités de l’UE (article 45 §.4 TUE). La Cour de justice est venue limiter de plus en plus rigoureusement cette exemption (2).