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L’Union européenne et les collectivités locales

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-00590966

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Submitted on 5 May 2011

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L’Union européenne et les collectivités locales

Aurélie Noureau

To cite this version:

Aurélie Noureau. L’Union européenne et les collectivités locales. Droit. Université de La Rochelle, 2011. Français. �NNT : 2011LAROD023�. �tel-00590966�

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U

NIVERSITE DE

L

A

R

OCHELLE

F

ACULTE DE

D

ROIT ET DE

S

CIENCE POLITIQUE

ÉCOLE DOCTORALE PIERRE COUVRAT

L’U NION EUROPEENNE ET LES COLLECTIVITES LOCALES

Thèse pour le doctorat en droit

présentée et soutenue publiquement le 2 avril 2011 par

Aurélie NOUREAU

D

IRECTEUR DE RECHERCHE

Hélène G

AUDIN

Professeur de Droit Public, Université de La Rochelle

S

UFFRAGANTS

Danielle C

HARLES

- L

E

B

IHAN

Professeur de Droit Public, Université Rennes 2, Rapporteur

Laurence S

OLIS

- P

OTVIN

Maître de Conférences, Université Paul Verlaine, Metz, Rapporteur

Sébastien P

LATON

Professeur de Droit Public, Université de La Rochelle

Daniel G

ROSCOLAS

Vice-Président de l’AFCCRE (Association française du Conseil des Communes et Régions d’Europe)

(3)

L'université de La Rochelle n'entend donner aucune approbation ni

improbation aux opinions émises dans les thèses ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

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(5)

Je tiens tout d’abord à exprimer ma profonde gratitude envers le Professeur Hélène Gaudin qui a accepté de suivre cette thèse et l’a fait de manière constante, avec une disponibilité totale. Je salue son extrême patience devant mes difficultés à trouver « le mot juste » et ses précieux conseils qui m’auront permis l’achèvement de ce travail.

J’adresse de vifs remerciements aux membres du jury qui ont accepté de lire les lignes qui vont suivre et de venir en discuter au cœur de nos terres charentaises.

J’aimerai aussi remercier ma famille pour leur soutien sans faille pendant ces années. Leur constance et leur compréhension devant, il faut le dire, les quelques sautes d’humeur qui ont parfois rythmé la finalisation de cette étude.

J’ai une pensée particulière pour mon Papa qui m’a encouragée à poursuivre mes études et aller le plus loin possible. Je sais que de là haut, il ne m’a jamais abandonnée dans ce long périple qui s’achève aujourd’hui. J’espère qu’il ne sera pas déçu.

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R ESUME ET MOTS - CLES A BSTRACT AND KEYWORDS

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Résumé en français

Ignorées à l’origine par le droit de l’Union européenne, les collectivités locales s’inscrivent pourtant dans les enjeux de l’intégration européenne et s’imposent en qualité de « quasi- sujet » du droit de l’Union européenne.

A l’échelle de l’Union européenne, les collectivités locales sont associées de plus en plus à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques de l’UE. Cependant, leur action reste dépendante des cadres étatiques qui édifient des limites institutionnelles à une participation plus accrue. L’Etat demeure l’acteur institutionnel par excellence.

En dépit de ces obstacles, les collectivités locales parviennent à élaborer des stratégies pour influer sur le processus décisionnel en utilisant une diversité de canaux formels et informels.

Enfin, elles participent directement à la mise en évidence d’un territoire de l’Union européenne. L’ingénierie locale constitue alors un atout pour l’avenir de l’Union, qui consciente des différences et de la diversité de son territoire, adapte ses politiques et ancre de plus en plus sa démarche dans les préceptes de la Multi level governance (ou gouvernance multi-niveaux). L’émergence de ce modèle de gouvernance est censée pérenniser les acquis et la poursuite de la construction européenne, tout en respectant les traditions constitutionnelles nationales.

Ainsi, l’objet de cette thèse est d’envisager les rapports complexes entre l’Union européenne et les collectivités locales. Cette étude ouvre alors sur des perspectives territoriales nouvelles intéressant directement l’Union européenne et inspire une réflexion sur le rôle de ces pouvoirs infra-étatiques dans une Union qui s’inscrit aussi dans un monde globalisé.

Mots-clés en français

Collectivités locales Ŕ Pouvoirs régionaux et locaux Ŕ Droit de l’Union européenne Ŕ Etats membres Ŕ Intégration européenne Ŕ Autonomie locale Ŕ Territoire Ŕ Subsidiarité Ŕ Gouvernance multi-niveau Ŕ Comité des Régions Ŕ Coopération transfrontalière Ŕ Coopération territoriale Ŕ Cohésion territoriale Ŕ Principe de cohérence Ŕ Aménagement du territoire de l’Union européenne Ŕ Glocalisation Ŕ GECT Ŕ Partenariat Ŕ NUTS Ŕ SDEC Ŕ Proximité Ŕ Dialogue territorial

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Abstract

For a long time, the European Union has not known about the local and regional authorities.

However, local and regional level is a real asset to the Union. They become some almost subject of the European Union.

Indeed, local and regional authorities currently have significant powers in key sectors such as education, environment, economic development, land use planning, public services and social policies. They implement the European legislation. Therefore, they also help ensure the exercise of European democracy and citizenship.

Despite some significant advances in terms of recognizing their role in the European process, their actions are controlled by their national’s institutional architecture. And as the Union respects the constitutional autonomy of the Member States, which order their relations with regional and local authorities in different ways, it is really complicated to organize relations between European level and local and regional level.

In spite of these impediments, the local authorities succeed in establishing strategies in order to be closely involved in shaping and implementing European strategies.

Finally, the local authorities also take part into the construction of a European territory.

Indeed, the diversity of the local and regional situations shows that it could be a chance.

European policies have to be set up to the disparities and the local level is involved into the European decision making process.

By another way, the recognition of the key role played by local and regional authorities in the European Union is developing a multilevel vision in the relations between the European actors. If the member States stay the institutional speaker of the European process, their local authorities succeed in integrating the European level. The multi level governance (MLG) has attracted the European Union. The MLG should coordinate action by the European level, the member states and local and regional authorities.

This thesis shows the complicated relations between the European Union and the local authorities. Territorial perspectives and new objectives and tools should drive the European Union towards a better democratic integration.

Keywords

Local authorities Ŕ Regional & local power Ŕ Right of the European Union Ŕ Member States Ŕ Local autonomy Ŕ European Integration Ŕ Territory Ŕ Subsidiarity Ŕ Multi Level Governance Ŕ Committee of the Regions Ŕ Cross Border cooperation Ŕ Territorial cooperation Ŕ Territorial cohesion Ŕ Coherency Ŕ Land use planning Ŕ Glocalisation Ŕ EGCC Ŕ Partnership Ŕ NUTS Ŕ ESDP Ŕ Proximity Ŕ Territorial dialogue

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S OMMAIRE

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RESUME ET MOTS-CLES ABSTRACT AND KEYWORDS... 6

SOMMAIRE ... 10

LISTE DES ABREVIATIONS... 12

INTRODUCTION ... 16

PARTIE I. LA CONJUGAISON DE L’EUROPE ET DU LOCAL ... 34

TITRE I. EUROPE ET LOCAL, LA RENCONTRE DE DEUX SYSTEMES DYNAMIQUES... 38

Chapitre I. Entre l’Europe et l’Etat, un niveau local en voie d’affirmation ... 42

Chapitre II. Entre l’UE et le local, l’Etat écran ... 128

TITRE II.LE LOCAL, UN NIVEAU INTEGRE DANS L’UNION EUROPEENNE ... 216

Chapitre I. L’intégration verticale des Collectivités locales dans l’Union européenne ... 220

Chapitre II. L’intégration horizontale des collectivités locales dans l’Union européenne ... 306

PARTIE II. LE LOCAL AU SERVICE DE L’UNION EUROPEENNE... 384

TITRE I. LE LOCAL, MATRICE DUN TERRITOIRE DE L’UNION EUROPEENNE ... 388

Chapitre I. Systématiser un territoire de l’Union européenne ... 392

Chapitre II. Systématiser un droit du territoire de l’Union européenne ... 468

TITRE II. LE LOCAL, MATRICE DUNE ACTION PUBLIQUE EUROPEENNE RENOVEE ? ... 536

Chapitre I. L’ancrage des niveaux locaux dans la gouvernance multi- niveaux ... 542

Chapitre II. Vers une configuration de plus en plus « glocalisée » de l’Union européenne ... 602

CONCLUSION GENERALE ... 656

ANNEXES ... 662

BIBLIOGRAPHIE ... 672

TABLE DE LA JURISPRUDENCE CITEE... 716

INDEX... 724

TABLE DES MATIERES ... 730

.

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L ISTE DES ABREVIATIONS

(14)

ADE ... Annuaire de Droit européen

AJDA ... Actualité juridique Droit administratif AMF ... Association des maires de France ARE ... Assemblée des Régions

ARFE ... Association des régions frontalières de l’Europe AT ... Aménagement du territoire

AUE ... Acte unique européen

BEI ... Banque européenne d’investissement CC ... Conseil constitutionnel français CCA ... Cadre communautaire d’appui CCE... Conseil des Communes d’Europe

CCRE ... Conseil des Communes et Régions d’Europe CDE ... Cahiers de Droit européen

CDLR ... Comité directeur pour la démocratie locale et régionale du Conseil de l’Europe

CdR ... Comité des Régions CE ... Communauté européenne

CEMAT ... Conférence européenne des ministres responsables de l’aménagement du territoire

CES ... Comité économique et social CIG ... Conférence intergouvernementale CJUE ... Cour de justice de l’Union européenne COM ... Collectivités d’Outre Mer

Conv. EDH ... Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales

COSAC ... Conférence des Organes Spécialisés dans les Affaires Communautaires et européennes des Parlements de l'Union européenne

CPLRE ... Congrès des pouvoirs locaux et régionaux

CRPM ... Conférence des régions périphériques et maritimes CRSN ... Cadre de référence stratégique national

DATAR ... Délégation interministérielle à l’Aménagement du Territoire et à l’Attractivité Régionale

DIACT ... Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires

DOCUP ... Document unique de programmation DOM ... Département d’outre mer

EEE ... Espace économique européen

FEDER ... Fonds européen de développement régional FSE ... Fonds social européen

GEC ... Groupement européen de coopération

GECT ... Groupement européen de coopération territoriale GEIE ... Groupement européen d’intérêt économique GIP ... Groupement d’intérêt public

GLCT ... Groupement local de coopération transfrontalière

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GTCT ... Groupement transfrontalier de coopération territoriale IC ... Initiative communautaire

INS ... Instituts nationaux de statistiques

INSEE ... Institut national de la statistique et des études économiques JOCE ... Journal officiel des Communautés européennes

JOUE ... Journal officiel de l’Union européenne LDE... Lignes directrices pour l’emploi

MLG ... Multi level governance (gouvernance à multi niveau) MOC ... Méthode ouverte de coordination

NUTS ... Nomenclature des unités territoriales statistiques OMC ... Organisation mondiale du commerce

ORATE ... Observatoire en réseau de l’aménagement du territoire européen OSC... Orientations stratégiques communautaires

PAC... Politique agricole commune

PCL ... Programme communautaire de Lisbonne PCP ... Politique commune de la pêche

PDR... Plan de développement régional PE ... Parlement européen

PECO ... Pays d’Europe centrale et orientale PIC ... Programme d’initiative communautaire PNR... Programmes nationaux de réforme PO ... Programme opérationnel

PTOM ... Pays et territoire d’outre mer RAE-LEA ... Revue des affaires européennes RBDI ... Revue belge de droit international RDI comp ... Revue de droit international comparé RDP... Revue de droit public

RDUE ... Revue du droit de l’Union européenne Rec ... Recueil

RFAP ... Revue française d’administration publique RFDA ... Revue française de droit administratif RGIP ... Revue général de droit international public RMC ... Revue du marché commun

RMCUE ... Revue du marché commun et de l’Union européenne RNB ... Revenu national brut

RTDE ... Revue trimestrielle de droit européen RUP... Région ultrapériphérique

SDEC ... Schéma de développement de l’espace communautaire SEML ... Société d’économie mixte locale

SGAR ... Secrétariat général pour les affaires régionales SIEG ... Service d’intérêt économique et général SSE ... Système statistique européen

TFUE ... Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne TPIUE ... Tribunal de première instance de l’Union européenne

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TUE... Traité sur l’Union européenne UAL ... Unité administrative locale UE ... Union européenne

ZEAT ... Zone d’étude pour l’aménagement du territoire

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I NTRODUCTION

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L’élargissement sans précédent de l’Union européenne a obligé à procéder à une révision des traités de l’Union afin de permettre au système européen de continuer à fonctionner et de pérenniser ses acquis. Après l’échec du projet de Constitution européenne1, le Traité de Lisbonne a été introduit et tente de répondre aux défis imposés par une Union riche de 27 Etats membres et comptabilisant environs 500 millions de citoyens. La question de la révision des méthodes de fonctionnement de l’Union se pose inévitablement.

En effet, de cet élargissement ont résulté plusieurs interrogations. Notamment des tensions majeures et propres à l’avenir de la politique de cohésion de l’UE, ainsi que la question de la configuration d’un territoire européen et de ses frontières2. Ce contexte d’incertitudes prend d’autant plus d’ampleur qu’il fait écho à une autre problématique qui s’est installée concomitamment à la construction européenne : l’éloignement entre l’UE et ses citoyens, caractérisé par un déficit démocratique3. L’Union serait arrivée à un moment charnière de son existence. Elle doit restaurer un climat de confiance dans ses institutions et rassembler les citoyens autour du projet européen.

Dès lors, l’Union doit repenser sa manière de faire ses politiques. La démarche qui consistait à définir, agir à partir des secteurs des activités économiques semble avoir atteint

1 Suite à l’échec des référendums français et néerlandais en 2005.

2 Jusqu’où l’Europe peut-elle s’étendre ? Les traités permettent l’adhésion de tout Etat européen. Or, ce critère géographique apparait extrêmement flou. Voir Paul BAUER et Mathilde DARLEY (dir.), Frontières de l’Union Européenne : franchissements et résistances, Prague, Cefres, 2007, 293 p.

3 Pour un rapide aperçu, voir www.robert-schuman.eu/question_europe.php?num=sy-30 , Muriel Rouyer, Union Européenne, l’autre face de la démocratie, synthèse n°30, fondation Robert Schuman, 4 février 2002. Voir également, Robert Toulemon, « Pour une Europe démocratique » in L’Union européenne au-delà d’Amsterdam, Bruxelles, Presses interuniversitaires européennes, 1998, p.191. L’expression

« déficit démocratique » a été introduite par le juge Pescatore, lors d’une allocution en juillet 1974 à la faculté de Droit comparé et du centre international d’études et de recherches européennes du Luxembourg, « les exigences de la démocratie et la légitimité de la Communauté européenne », CDE, 1974, n°5, p.511 ; puis l’expression a été reprise par le politologue britannique, David Marquand à la fin des années 70( Parliament for Europe, London, Jonathan Cape, 1979 ; cité par Yves Mény, De la démocratie en Europe, « old concepts and new challenges », Journal of Common Market, Studies, 2002, vol.41, n°1, pp.1-13). Cet auteur travailliste stigmatisa l’absence de légitimité démocratique du PE et souligna l’intérêt de le faire élire directement par les peuples des Etats membres. Voir Bourlanges Jean Louis, « Déficit démocratique ou crise de légitimité ? », in Bronislaw Gremek, Robert Pitcht (dir.), Visions d’Europe, Editions Odile Jacob, Paris, 2007, 467p. (pp.68 et s.), Delmas - Darroze S., « Le Traité d’Amsterdam et le déficit démocratique de l’UE », RMUE 4/99, pp.142-183 ; Chaltiel Florence,

« Le comité des sages : réponse au déficit démocratique de l’Europe ? », RMCUE 2008, n°54, pp.5-8.

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les limites de son efficacité. La cohésion, le territoire, la définition d’un espace citoyen apparaissent désormais comme les leitmotivs qui devront dicter les actions futures de l’Union. En effet, il ne faut plus raisonner de manière cloisonnée, mais prendre en compte que toutes les activités et actions de l’Union sont imbriquées. L’Union sert des buts, elle a des missions, à travers lesquels elle transmet des valeurs4. Par conséquent, elle doit parvenir à traiter l’ensemble de ses missions à partir de stratégies interdépendantes pour remplir la première de ses missions, la réalisation d’une « une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l'Europe, dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture et le plus près possible des citoyens »5.

Dans ce contexte plutôt incertain, les autorités locales et régionales de niveau infra- étatique ont su profiter de la situation. Elles multiplient les manœuvres pour se faire reconnaitre du niveau européen. Dans la mesure où elles constituent naturellement les premiers niveaux de pouvoir proches du citoyen européen, elles se sentent investies de prétentions européennes. Elles pourraient ainsi aider l’Union dans cette tâche difficile qu’est le rapprochement de ses citoyens.

Si l’expérience européenne des entités infra-étatiques s’est révélée parfois positive, en raison de l’octroi de mannes financières à partir de la politique de cohésion de l’UE, ces territoires ont le plus souvent vécu la construction européenne de manière négative. A travers les dédales des organisations nationales, il s’est avéré que ce sont les autorités infra-étatiques qui ont subi l’exécution du droit de l’Union européenne, entrainant pour elles des charges financières conséquentes sur leur budget. Par conséquent, il devenait déraisonnable de ne pas impliquer davantage les autorités infra-étatiques dans le processus européen. Toutefois, nous verrons que cette implication des autorités locales n’est pas si évidente et ne va pas toujours de soi.

Des avancées récentes laissent pourtant présager que ces entités seront amenées à jouer un rôle de plus en plus important dans l’ordre de l’Union.

Ainsi, l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009, semble entériner le rôle et la place des acteurs infra-étatiques dans l’UE. Les niveaux locaux et régionaux,

4 Article 2 et 3 TUE.

5 Article 1 TUE.

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aux cotés des Etats membres, sont reconnus dans la mise en œuvre du principe de subsidiarité6. Cependant, cette reconnaissance apparait rapidement circonscrite. Le rappel du respect de l’UE de l’identité nationale « inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l'autonomie locale et régionale7 » fait varier le degré de la reconnaissance de ces acteurs infra-étatiques à partir du prisme des Etats. Néanmoins, il faut reconnaitre que leur inscription dans les traités européens constitue un progrès.

L’ascension des entités infra-étatiques dans l’UE n’a pas été innée. Elle est le résultat d’un long processus engagé au niveau européen par des collectivités locales désireuses d’affirmer une troisième voix sur la scène européenne, après l’UE et les Etats. Car originellement, par souci de neutralité à l’égard de l’organisation administrative de ses Etats membres, l’ordre de l’UE méconnaissait les autorités infra-étatiques, ou alors ne les appréhendait seulement qu’à partir de données strictement économiques8.

Pour comprendre les véritables enjeux de l’émergence des niveaux locaux dans l’UE, il faut clairement définir ce que l’on entend par « collectivités locales ». Qui sont-elles ?

Les collectivités locales dans l’Union européenne, de qui s’agit- il ?

Les collectivités locales dans l’Union européenne sont loin de constituer une catégorie homogène. Bien au contraire, l’Union regroupe des Etats aux structures aussi diverses qu’originales qui obéissent à des traditions constitutionnelles et historiques propres à chacun de ces ordres nationaux. Etats unitaires, Etats régionaux, Etats fédéraux sont autant

6 Article 5 TUE §.3 : « En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union ».

7 Article 4 TUE §.2.

8 La mise en place de la politique de cohésion et du FEDER en 1975 devait permettre de réduire les écarts de développement des régions européennes. La région n’était pas considérée en tant qu’entité politique distincte de l’Etat membre. Elle n’était qu’une circonscription administrative dont le rôle était de recueillir et de distribuer les aides structurelles sur son territoire.

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de formes dont les différences structurelles apparaissent irréductibles au sein de l’Union.

Et à la diversité des organisations étatiques correspond une diversité des organisations territoriales qui varient en fonction de la taille, de la population, des pouvoirs et des compétences des collectivités infra-étatiques et caractérisent ainsi chacun de ces ordres nationaux.

Aussi trouver des définitions communes aux niveaux infra-étatiques est relativement difficile face à la variabilité des architectures sub-nationales. Le système de l’Union européenne s’est souvent référé à la notion de « région » alors même qu’il n’en a jamais donné de définition exacte (ou seulement des ébauches)9.

Le mot région10 ne reçoit pour l’heure aucune définition juridique commune.

Couramment, il s’agit d’une aire géographique délimitée à l’intérieur d’un Etat et correspondant souvent à un découpage administratif. Plus généralement, la région renvoie à l’idée d’un territoire intermédiaire entre le niveau local et l’Etat.

C’est sur ce fondement que le Conseil de l’Europe distingue les membres du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux11. Ou encore, l’article 3 des statuts de l’Assemblée des Régions d’Europe12 retient pour définition : « les entités situées immédiatement au-dessous du niveau de l’Etat central, dotée de la représentativité politique, celle-ci étant assurée par l’existence d’un conseil élu, ou, à défaut, par une association ou un organisme constitué au niveau de la région par les collectivités de niveau immédiatement inférieur ».

9 Voir le projet de Charte communautaire sur la Régionalisation. JOCE C n°326/296 du 19 décembre 1988, résolution du Parlement européen du 18 novembre 1988 portant sur une politique régionale communautaire et le rôle des régions.

10 Marc Vaucher, « Réalité juridique de la notion de région communautaire », RTDE 1994, pp.525-550.

11 L’idée de représentation des niveaux locaux et régionaux était déjà en germe dès 1953 avec la convocation d’une Conférence européenne des pouvoirs locaux. En 1979, cette conférence devient la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe et rend ainsi compte des deux niveaux d’autonomie infra-étatique. Enfin, c’est en 1994 par une résolution statutaire du Comité des Ministres que le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux devient l’institution représentante des collectivités locales et régionales au sein du Conseil de l’Europe. Il est composé de deux chambres, la Chambre des Pouvoirs locaux et la Chambre des Régions, et assisté par un Secrétariat, dirigé par un Secrétaire Général élu par le Congrès pour une durée des 5 ans (renouvelable).

12 Fondée en 1985, l'Assemblée des Régions d'Europe (ARE) est le porte-parole politique des régions et le partenaire clé des institutions européennes et internationales sur toutes les questions de compétence régionale. L'ARE compte actuellement parmi ses membres plus de 250 régions de 33 pays européens et 13 organisations interrégionales. Son siège est à Strasbourg. Voir le site internet : www.a-e-r.org

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Cependant, cette distinction proposée n’est pas toujours pertinente dans la mesure où l’observation des échelons immédiatement situés au dessous du niveau national rend compte d’une diversité de situations ne permettant pas d’appréhender les régions de manière uniforme. D’une part, cette définition classe dans la même catégorie, les Länder allemands et les régions françaises13 ; ce qui est loin d’être satisfaisant pour la recherche de dénominateurs communs à la définition de « région ». D’autre part, elle qualifie de région des structures qui n’ont pas été envisagées comme telles à l’intérieur des Etats14, ou encore, sans tenir compte de l’architecture infra-étatique de l’Etat15. Aussi ces définitions constituent seulement des esquisses, des ébauches d’une définition commune.

Le Parlement européen tentera à son tour de définir la région, en lui donnant une définition communautaire : le projet de Charte communautaire de la régionalisation16 énonçait à l’article 1er :

1. Aux fins de la présente Charte, il faut entendre par région un territoire qui constitue géographiquement une entité propre ou un ensemble de territoires semblables dans lesquels il existe une certaine continuité ou dont la population possède certains éléments en commun et souhaite sauvegarder la spécificité qui en résulte et la développer afin de promouvoir le progrès culturel, social et économique.

L’article 1 poursuit :

13 D’autres exemples pourraient être cités, mais il s’agit de celui qui marque le plus de différences entre les statuts et les fonctions attribués à chacune de ces entités. Les Länder constituent en Allemagne le véritable niveau régional, dans la mesure où les Länder constituent le niveau immédiatement inférieur de l’Etat Allemand. En France, c’est bien la région. Or, les compétences et les fonctions attribuées à chacun des acteurs ne sont en aucuns points comparables. Dans un cas, elles ont une essence constitutionnelle, dans l’autre, elles ont une essence législative.

14 C’était le cas en France pour les départements, avant la création des Régions par la loi du 5 juillet 1972 qui met en place des établissements publics régionaux ; mais c’est la loi de décentralisation du 2 mars 1982 qui donne aux régions le rang de collectivités territoriales et instaure l’élection des conseillers régionaux aux suffrage universel. Elle transfère aussi le pouvoir exécutif au président du conseil régional et établit que le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région.

15 En Grèce, 13 régions administratives ont été créées, mais c’est le département qui répond à la définition citée, car il est seul doté de la « représentativité politique ».

16 JOCE C n°326/296 du 19 décembre 1988, résolution du Parlement européen du 18 novembre 1988 portant sur une politique régionale communautaire et le rôle des régions.

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2. Par « éléments communs » d’une population donnée, il faut entendre une spécificité commune dans le domaine de la langue, de la culture, de la tradition historique et des intérêts liés à l’économie et aux transports. Il n’est pas indispensable que tous ces éléments soient chaque fois réunis.

3. Le fait que ces entités puissent être connues sous des appellations et des formes juridico-politiques différentes dans les divers Etats membres (communautés autonomes, Länder, nationalités, etc.) ne les exclut pas du champ d’application de la présente Charte.

Cette définition communautaire rassemble des critères géographiques, juridiques, mais surtout historico-culturels qui caractérisent, à des degrés différents, les niveaux intermédiaires de chacun des Etats membres de l’UE.

L’article 2 poursuit : « Les Etats membres […] sont invités, en prenant en considération la volonté populaire, la tradition historique et la nécessité d’une administration efficace et apte à remplir ses fonctions […] à institutionnaliser sur leur territoire, ou à maintenir si elles existent déjà, des régions répondant à l’article premier ».

La Charte reconnait une valeur ajoutée aux régions en terme d’efficacité et encourage les Etats membres à créer, quand elles n’existent pas de telles structures, ou encourage à les maintenir dès lors qu’elles répondent aux critères énoncés par l’article 1er de la Charte.

Cette Charte complète les définitions ébauchées jusque là, en y introduisant un critère culturel. Toutefois, le projet n’ayant pas été adopté, aucune définition solennelle n’a été depuis consacrée.

Le terme région n’apparaissait pas approprié. Il fallait par conséquent, se référer à un autre vocable, plus souple capable d’englober les différentes structures infra-étatiques présentes dans l’UE. En rappelant que la région renvoie à l’idée d’un territoire intermédiaire entre le niveau local et l’Etat, la recherche de ce vocable fédérateur s’oriente vers ce qu’il est convenu d’appeler le niveau local.

A priori, il s’agit d’un échelon encore inférieur à l’échelon régional. Or, ayant une vague idée de ce qu’est le niveau régional, le local renverrait logiquement à l’idée de

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niveau le plus proche du citoyen. Une relative unanimité semble ici régner. La collectivité la plus proche du citoyen identifiable per se est la commune. L’échelon communal est tout désigné comme le socle infra-étatique commun à tous les Etats membres. Cet échelon de base est la seule structure commune à tous les Etats membres, dotée de compétences propres attribuées par la loi de l’Etat national ou par la loi de l’Etat fédéré, ou les deux, selon la configuration étatique de l’Etat.

L’échelon local se reconnait dans l’échelon communal alors qu’il n’est pas possible de trouver de dénominateur commun à la région au niveau des Etats membres.

Cependant, les discours traitant des problématiques locales au niveau européen font souvent état des collectivités locales dont le sens ne semble pas correspondre à la seule désignation des échelons communaux. Force est de constater que le vocable collectivités locales a une vocation beaucoup plus globalisante.

Si l’on se réfère au préambule de la Charte sur l’autonomie locale, cette dernière évoque bien les « collectivités locales », sans toutefois donner de définition. Ensuite, l’article 3 de la Charte sur l’autonomie locale rappelle que les collectivités locales disposent de l’autonomie locale qui octroie à « la collectivité locale le droit et la capacité effective de régler et gérer une part importante des affaires publiques sous sa propre responsabilité et au profit de sa population, et ce droit s’exerce par des organes élus par la population et par la participation directe de la population.

Ce droit est exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d'organes exécutifs responsables devant eux. Cette disposition ne porte pas préjudice au recours aux assemblées de citoyens, au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là ou elle est permise par la loi ».

La Charte s’intéresse davantage aux droits et à la manière dont ils sont exercés par les collectivités locales. Elles ont d’abord une utilité fonctionnelle en se dotant d’une double dimension : une dimension administrative dans la mesure où elles exercent des fonctions qui leur permettent de gérer leurs propres affaires ; et une dimension politique dans la mesure où la collectivité locale est pressentie comme « l’un des principaux fondements de tout régime démocratique » (Préambule de la Charte). La représentation au sein d’organes

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élus, directement ou indirectement par les citoyens, et désignés pour exercer des compétences spatialement limitée par rapport à la sphère de compétences générales de l’Etat17 constitue un critère primordial dans la reconnaissance d’une collectivité locale.

Ces caractéristiques permettent alors d’englober un maximum d’autorités infra-étatiques sous le vocable de collectivités locales.

Toutefois, il faut souligner l’existence d’un autre vocable également largement utilisé : celui de collectivités territoriales. A priori, ces termes seraient synonymes. Pourtant, il apparait que le terme de collectivités territoriales renvoie à des caractéristiques plus marquantes que ne le permet celui de collectivités locales. Si la collectivité locale est un terme suffisamment général qui permet d’englober de la manière la plus large possible toutes les entités administratives distinctes de l’appareil étatique et répondant à un certain nombre d’exigences, selon certains auteurs de la doctrine, le terme n’apparait pas assez discriminant18. Dès lors, le terme de collectivité territoriale serait plus précis. D’une part, le terme porte en germe l’idée d’un rassemblement autonome d’un ensemble de citoyens19 ; d’autre part, il a le mérite de souligner l’idée de territoire. La collectivité comporte des limites spatiales sur lesquelles elle exerce ses compétences.

Pourtant, la notion de collectivité territoriale est susceptible de recevoir deux acceptions. Dans un sens restreint, les collectivités territoriales sont des collectivités de rang régional ou local subordonnées à l’Etat central. Cette subordination résulte du Constituant et du législateur qui se sont reconnus le droit de fixer le statut de certaines collectivités. Par exemple, la loi du 5 avril 1884 a été considérée comme la grande loi municipale venue définir les principes généraux d’organisation, de tutelles et de compétences des communes françaises.

17Voir le rapport explicatif de la Convention Cadre de Madrid du 21 mai 1980 relative aux coopérations transfrontalières ; le rapport précise au §24 que les entités publiques évoquées à l’article 2§2 - les collectivités, autorités ou organismes exerçant des fonctions locales ou régionales et considérées comme telles dans le droit interne de chaque Etat- disposent d’une compétence spatiale limitée par rapport à celle de l’Etat.

18 Raphaël Déchaux, Alexandra Leturcq et Alexis Le Quinio, Compte rendu des discussions et débats à propos d’une table ronde portant sur « L’autonomie régionale et locale et constitutions », Annuaire international de justice Constitutionnelle, XXII Ŕ 2006, pp. 459-468. « […] l’idée de collectivité locale ne me paraît pas en effet un critère suffisamment discriminant. Mieux vaut adopter une dénomination générique susceptible de s’appliquer à différents niveaux » p.462.

19 Raphaël Déchaux, Alexandra Leturcq, Alexis Le Quinio, op. cit. p.462.

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Dans un sens plus large cette fois, une collectivité territoriale comprend également l’ensemble des collectivités infra-étatiques capables de régler leurs propres affaires. Les différences principales entre ces deux conceptions reposent alors sur le degré d’autonomie laissé à la disposition de l’autorité concernée.

Dès lors, il n’est pas rédhibitoire d’évoquer dans le système de l’Union la présence de collectivités locales ou de collectivités territoriales, dans la mesure où ces deux terminologies soulignent la présence d’entités infra-étatiques autonomes, représentatives et dotées de compétences, parfois importantes.

L’une a une vocation très globalisante ; l’autre est précisée par l’idée de territoire.

Toutefois, dans le système de l’UE, c’est l’utilisation de collectivités locales qui revient fréquemment dans les études, travaux, réglementations européennes, etc. et désigne l’ensemble des entités infra-étatiques présentes dans l’Union européenne.

Parfois, ce vocable se rattache avec son sens littéral : il est utilisé pour distinguer les autorités régionales des autres structures inférieures, telles que les départements, communes, provinces, etc. Le terme « collectivité locale » désigne alors les autorités infra- étatiques qui, bien que disposant de compétences parfois importantes, sont placées immédiatement en dessous de l’échelon régional.

Par conséquent, notre préférence sera donnée à l’utilisation du vocable de collectivités locales, dans la mesure où il revient fréquemment dans la littérature empruntée aux institutions européennes. Même si ce vocable apparait parfois flottant, il présente l’avantage indéniable d’être suffisamment souple et globalisant pour réunir toutes les variantes locales et régionales rencontrées dans le système de l’UE.

Les interactions entre les collectivités locales et l’Union européenne

En dépit de ce flou volontairement entretenu sur la terminologie pour préserver les sensibilités culturelles et identitaires de chacun des Etats membres, il n’en demeure pas

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moins que les collectivités locales font partie intégrante du système de l’UE. Toutefois, ce sont des éléments « passifs » de l’Union, dans la mesure où leur intégration résulte de celle de leur Etat. Elles ne sont pas reconnues comme des actrices institutionnelles de la construction européenne, même si elles sont conduites à assumer un rôle de plus en plus important au sein de l’ordonnancement européen.

Elles sont des exécutantes de la mise en œuvre du droit de l’Union20. Elles participent à la cohésion du territoire européen et elles concrétisent la proximité du citoyen européen.

Ces caractéristiques font alors de ces dernières, des pivots importants dans la transmission du droit de l’UE. Néanmoins, cette reconnaissance du rôle des collectivités infra-étatiques dans l’ordonnancement européen s’est réalisée par étapes.

C’est de manière « négative » que l’UE a commencé à s’intéresser à ces entités. Tout d’abord, la construction du marché intérieur a généré des déséquilibres territoriaux. Les Communautés européennes Ŕ à l’époque Ŕ ont mis en place des systèmes compensatoires destinés à enrayer les écarts et les disparités à travers la création de fonds structurels. Cette manne financière à destination des régions européennes les plus touchées, a constitué un élément d’éveil des collectivités locales sur la scène européenne.

L’ensemble des entités infra-étatiques européennes se sont alors fortement mobilisées pour tenter d’influer sur la construction européenne rendant nécessaire leur représentation au niveau européen. La création du Comité des régions a répondu à ces revendications et a définitivement ancré les collectivités locales dans le paysage institutionnel européen.

Cet organe fut un temps pressenti comme le futur Sénat européen des Régions de l’UE.

Rapidement, le Comité des Régions a réclamé le statut d’institution européenne, à l’égal de la Commission, du Parlement et du Conseil21 pour influer à son tour sur le processus

20 Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009, l’UE et la CE sont fusionnées en une seule Union européenne. L’expression « Communauté » est partout remplacée par celle d’ « Union » et le droit communautaire, par droit de l’Union européenne. Toutefois, dans la mesure où la quasi-totalité de cette étude a été rédigée antérieurement à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, il est possible que quelques expressions telles que « droit communautaire », « juge communautaire »,

« politiques communautaires », etc. subsistent encore, en dépit des corrections apportées.

21 Avis CdR n°136/95 du 20 avril 1995 sur la révision du traité sur l’Union européenne et du traité instituant la Communauté européenne, JOCE n°C 100 du 2 avril 1996 : « La nature et la légitimation du rôle politique des régions et des collectivités locales, leur apport décisif et général au processus d’intégration européenne ainsi que le rôle qui leur est dévolu par le principe de subsidiarité, qui les définit comme deux niveaux de partage du pouvoir politique au sein de l’Union, exigent que le Comité qui les réunit et qui les représente au sein de cette Union se voie reconnaitre le rang d’institution ».

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décisionnel européen et faire entendre la voix des collectivités locales européennes. Or, la dernière révision des traités européens opérée par le Traité de Lisbonne a privé le Comité des Régions de tout accès au rang d’institution de l’Union. Les collectivités locales bénéficient d’une représentation européenne et elles devront visiblement s’en satisfaire.

Certes, elles constituent des rouages de la mise en œuvre du droit de l’UE, mais elles ne peuvent pas prétendre à une mise à égalité avec les Etats membres dans le processus décisionnel européen. Cette solution apparait d’ailleurs la plus sage. La construction européenne reste le fait des Etats. L’élargissement à 27 Etats membres démontre les difficultés à accorder l’ensemble des acteurs étatiques. Alors, si jamais il fallait considérer leurs entités infra-étatiques et leurs divisions administratives dans le processus européen, l’avenir de l’UE serait considérablement obscurci.

En dépit de ces obstacles, les collectivités locales ne désarment pas. Si cette représentation européenne ne les satisfait pas entièrement, c’est parce qu’elles assument de plus en plus de responsabilités européennes dans l’Union. Elles considèrent qu’il n’est plus justifiable de les maintenir à l’écart du processus européen et que leur association de plus en plus étroite à l’UE dégage des synergies nouvelles susceptibles de configurer de nouveaux modes d’organisation de l’Union, sans pour autant anéantir la place des Etats.

Il faut trouver un nouvel équilibre entre le triptyque désormais connu du paysage européen : Etats, Union, collectivités locales. Quelles relations peuvent s’établir entre ces trois niveaux de pouvoir ? Préalablement, il faut partir du postulat que ces relations opéreront dans un cadre nécessairement étroit, soumis à la liberté laissée par les Etats à leurs démembrements étatiques, pour nouer des relations avec le niveau européen. Car l’Union ne peut obérer la présence des Etats.

Quel est alors l’intérêt pour l’UE de se préoccuper des niveaux locaux ? Les Traités européens ne mentionnent, ni ne créent de statut des niveaux locaux dans l’ordre de l’UE.

Et d’ailleurs, en raison de l’extrême diversité, la tâche serait périlleuse et par avance condamnée à l’échec.

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Cependant, l’Union parvient à entrer en contact avec ces derniers, voire elle les instrumentalise. Les collectivités locales22 constituent les premiers lieux de démocratie européenne. Leur association serait censée attribuer une sorte de brevet de légitimité aux décisions de l’UE qui entend par la même rénover ses méthodes de travail. Une concertation plus systématique des niveaux locaux dans le processus décisionnel semble se dessiner. N’était-ce pas le souhait de ces derniers ? Cependant, il n’est toujours pas question de leur consacrer un rôle identique à celui des Etats dans le processus décisionnel.

En effet, l’intégration des niveaux infra-étatiques dans le processus décisionnel de l’UE n’est ni souhaitable, ni réalisable. Ni souhaitable, dans la mesure où leur incursion ralentirait assurément le processus décisionnel. Ni réalisable en raison de l’extrême diversité des collectivités locales dans l’UE. Il est déjà difficile de concilier la variété entre Etats membres. Aussi, adjoindre au processus décisionnel des niveaux encore plus diversifiés conduirait la construction européenne à une impasse inextricable.

Si cette participation directe n’est pas réalisable, en revanche, l’UE soutient ces niveaux en leur offrant les moyens de participer indirectement à l’intégration européenne. Par le biais de programmes, d’outils juridiques, l’UE favorise son rapprochement des collectivités. Elle offre aux collectivités les moyens de résoudre par elle-même des difficultés communes ou mettre en place des projets valorisant un savoir-faire ou des compétences ; l’UE les observe afin, pourquoi pas, d’étendre le projet à l’échelon européen si jamais les résultats s’avèrent prometteurs.

Les collectivités locales deviennent en quelque sorte, des petits laboratoires où l’on expérimente des projets susceptibles à termes d’être étendus à l’ensemble du territoire européen.

Quel est l’objet précis de cette étude ?

22 Nous rappelons que le terme de collectivités locales est un terme générique qui permet de ne pas se focaliser sur des régions ou d’autres niveaux infra-étatiques particuliers. Par ailleurs, le terme englobe aussi les villes, les agglomérations, etc. qui constituent aussi des pouvoirs de proximité.

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Une des premières difficultés rencontrées dans ce sujet résulte de son intitulé même : L’Union européenne et les collectivités locales. A priori, aucun effet de surprise puisque les protagonistes apparaissent clairement identifiés. Toutefois, dès qu’il s’agit de déterminer les natures, les contours, les traits caractéristiques de ces entités pour mieux en comprendre leurs interactions, la situation se complexifie considérablement. A commencer par l’Union européenne qui n’est ni un Etat, ni une fédération, ni une organisation internationale traditionnelle23. La « chose » européenne, que Jacques Delors avait qualifiée d’OPNI24, interagit avec des niveaux auxquels les traités européens n’avaient pas pensé.

Cette interaction nous conduit donc vers un schéma de relations inédites. Normalement, les entités infra-étatiques sont naturellement exclues des relations du droit international. A fortiori, cet argument rencontrait un certain écho dans l’ordre de l’Union européenne puisqu’aucun des traités européens ne faisait état des acteurs infra-étatiques. Seuls les Etats sont reconnus par l’ordre de l’Union. Et lorsque le traité de Lisbonne a reconnu les autorités infra-étatiques, c’est pour mieux rappeler le respect de l’Union envers l’organisation interne de ses membres. Ainsi, des limites existent à l’établissement de liens directs entre l’Union et les entités infra-étatiques, qui n’ont pourtant pas empêché l’ouverture d’une brèche. Certes, l’Union s’engage à ne pas s’immiscer dans l’organisation des autorités subnationales des Etats membres. Mais, la construction européenne a produit des effets, a créé des dynamiques qui n’ont pas échappé aux collectivités locales. De manière négative, ou de manière positive, les deux niveaux finissent par s’imprégner l’un de l’autre. Il convient alors d’envisager si cette imprégnation commune est vectrice de bienfaits réciproques ou si, au contraire, elle conduit à de nouveaux déséquilibres.

23 Pourtant, elle réunit des caractères qui ont trait à chacun de ces modèles. Toutefois, nous ne nous attarderons pas sur cette question qui renvoie directement à la question de la nature de l’Union européenne. Car cela nous écarterait considérablement de l’objet de notre étude. Voir Claude Blumann, Louis Dubouis, Droit institutionnel de l’Union européenne, Litec, 2007, pp.43-58. Pour des analyses plus détaillées, Charles Leben, « Nature juridique des Communautés européennes », Revue Droits, n°14, 1991, pp.61 et s. Jean Claude Piris, « L’Union européenne, vers une nouvelle forme de fédéralisme ? », RTDE, 2005, pp.243 et s. L’auteur énonce que l’UE n’est ni une organisation internationale de type classique, ni un Etat. Elle serait une « union partiellement fédérale » (p.243).

Voir également Olivier Beaud, « Le projet de Constitution européenne sous l’angle du droit constitutionnel », Annuaire de Droit européen, vol.1, 2005, p.87. Même si l’UE se dotait d’une Constitution, elle n’en constituerait pas pour autant une véritable fédération.

24 Objet politique non identifié.

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De plus, les collectivités locales sont, elles aussi, des entités difficiles à cerner. De quelles collectivités locales allons-nous traiter ? Toutes les collectivités locales européennes ? Ce terme générique permet d’englober la diversité des autorités infra- étatiques présentes dans l’Union européenne. Or, il n’est pas dans notre propos d’établir un répertoire des collectivités locales rencontrées en Europe25, ni même de tenter de fixer un statut des collectivités locales européennes. L’extrême diversité des entités infra-étatiques ne permet pas que l’on s’adonne à une telle entreprise. Nous évoquerons certaines collectivités de manière plus détaillées, telles les collectivités territoriales françaises, mais pas seulement. Les Länder allemands, les régions belges, les Comunidades espagnoles, etc.

viendront étayer notre propos. Cette étude présente à certains égards quelques éléments de droit comparé pour mieux appréhender les relations qui se nouent actuellement entre le niveau européen et les niveaux locaux et l’efficacité des solutions de rapprochement de l’Union européenne de certaines de ces entités. Cette étude n’a pas non plus pour objet d’étudier le fait régional dans l’Union26 qui appelle des remarques de nature sociologique, identitaire et s’éloigne finalement des fondements juridiques des interactions entre UE et niveaux locaux. Certes, certains aspects de la montée du fait régional en Europe ont contribué à des revendications des niveaux locaux dans l’octroi de davantage d’autonomie, mais ils ne fondent pas à eux seuls les possibilités d’interaction entre ces deux niveaux qui a priori, n’auraient jamais dû se rencontrer.

Ainsi, il s’agit de comprendre les mécanismes et les processus qui conduisent à ce rapprochement des niveaux locaux de l’Union européenne.

Il faut bien mesurer que le système de l’Union conduit à mettre en place des relations atypiques. Ces relations présentent dès lors des aspects politiques, institutionnels et matériels. Les collectivités locales ne peuvent demeurer éloigner du processus

25 Bien sur des auteurs tels qu’Alain Delcamp et John Loughlin, La décentralisation dans les Etats membres, La documentation Française, Paris, 2002, 336p, ont procédé à une sorte de répertoire d’identification des collectivités infra-étatiques des Etats de l’UE.

26 Levrat Nicolas, « La complexité de la prise en compte du fait régional au sein de l’Union Européenne », in Le fait régional et la construction européenne, BITSCH Marie Thérèse (sous la direction), coll.

Organisations internationales et relations internationales, Bruxelles, Bruylant, 2003, pp.187-211 ; Clergerie Jean Louis, « La prise en compte du fait régional par l’Union européenne », in L’Union européenne à l’aube d’un nouveau siècle, 40 ans de la signature des Traités de Rome, Liber amicorum Jacqueline Lastenouse-Bury, Paris, Juridica, 1997, pp. 379-392.

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d’intégration européenne. Et s’il existe des mécanismes de représentation au niveau de l’Union, il faut constater que leur influence présente des limites en termes de participation directe des collectivités locales au processus décisionnel. C’est au niveau de la mise en place, de la manière de penser les politiques de l’Union que les collectivités seraient désormais le plus impliquées. Et à partir de là, leur intrusion conduit à repenser les modalités de fonctionnement de l’Union européenne. Les collectivités locales permettrait ainsi de mieux connaitre l’Union, d’en approfondir la connaissance.

Tout l’intérêt de ce sujet repose dès lors dans la coordination des différentes interactions entre le niveau européen et les niveaux locaux. Comment ces interactions ont-elles été rendues possibles ? Et à quoi aboutiront-elles ?

Le système de l’Union européenne repose sur un système construit par les Etats et pour les Etats. Et l’insertion des collectivités locales interpelle forcément. Qu’ont-elles à gagner ? Certainement pas la constitution d’un statut européen les désignant comme des actrices à part entière du niveau européen. De l’autonomie ? Certes, « la construction communautaire modèle la décentralisation 27». Le postulat selon lequel la construction européenne aurait favorisé l’autonomie des entités infra-étatiques semble aujourd’hui désavouée28, même s’il avait un temps paru emporter l’adhésion. Même si la construction a produit des effets indéniables sur les collectivités locales, dans leurs désirs de porter leur voix jusque sur la scène européenne, les Etats maintiennent le contrôle sur leurs entités. Et si ces dernières se voient garantir de nouveaux statuts plus autonomes, cela ressort bien de la volonté des Etats.

Finalement, serait-ce le niveau européen qui bénéficie des avantages d’une telle association aux niveaux locaux ? L’Union laisse miroiter aux niveaux locaux la possibilité d’une emprise sur les enjeux européens à travers la mise en place de stratégies de dépossession des Etats, ou encore la mise en œuvre de programmes, du développement d’outils de concertation et de dialogue. Toutefois, le processus décisionnel continue, dans

27 Jean Bernard Auby, « L’Europe et la décentralisation », Revue française de la décentralisation, n°1, 1995, p.16.

28 Voir la démonstration de Laurent Malo, L’autonomie locale et l’Union européenne, Bruylant, Bruxelles, 2010, 719p.

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l’ensemble à leur échapper. L’Union apparait, a priori gagnante. C’est ce que nous tenterons de démontrer et de considérer les gains emportés par l’Union.

Et le triptyque « Etats, Union européenne, collectivités locales » révèle en fait l’inégalité des partenaires. Pourtant, en dépit de ces inégalités, les interactions entre ces trois niveaux de pouvoir, parviennent curieusement à réaliser de nouveaux schémas relationnels qui s’inspirent largement des techniques de management des entreprises.

Elle parvient en effet à imposer un schéma relationnel qui fait abstraction des diversités et des enchevêtrements de compétences entre les différents niveaux, qui occulte l’existence de rapports hiérarchiques. Les préceptes de bonne gouvernance européenne apparaissent.

Ils reconfigurent la manière de penser l’action publique européenne et favorise l’insertion des collectivités locales. Le paradigme de la gouvernance, ou plus exactement la multi level governance29, dernier mythe européen inventé destiné à relancer l’Europe dans les consciences des citoyens européens, accomplira-t-il de manière plus efficace les missions de l’Union ? En tout cas, il manifeste une nouvelle fois, la présence des collectivités locales. La MLG répondra-t-elle aux ambitions d’une Union plus en phase avec ses citoyens ou bien n’est-elle qu’une tour de Babel dans le paysage européen, porteuse de grands desseins, mais qui finalement n’aboutira qu’à peu de résultats ?

Voici, en quelques lignes, la trame de notre étude à laquelle nous tenterons d’apporter des éléments de réponses soit à partir de données institutionnelles nationales et européennes, soit à partir d’expériences, de réalisations de coopérations, ou encore à partir de la mise en œuvre de certaines politiques européennes à impact territorial manifeste.

Partant du postulat que les niveaux européen et local interagissent, ces derniers sont guidés par des objectifs qui se résument à la quête d’autonomie pour les niveaux locaux, la recherche de cohésion et de légitimité pour l’Union, tout en veillant au respect de

29 Gary Marks, « Structural policy and Multi level governance in the EC » in A. Cafruny et G. Rosenthal (dir.), The state of the european Community II : The Maastricht debates and beyond, Boulder, Riener, 1993, pp.391-410. Nicolas Levrat, L’Europe et ses collectivités territoriales. Réflexions sur l’organisation et l’exercice du pouvoir territorial dans un monde globalisé, P.I.E.-Peter Lang, Bruxelles, 2005, p.19.

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