b. Une Charte victime de son audace
1. Le rôle contingent de l’Union européenne dans les modifications de l’organisation territoriale de l’Union à 15
Dans l’Europe des 15, l’évolution des compétences et des pouvoirs des collectivités locales tient tantôt des exigences communautaires, tantôt des demandes directes des autorités locales elles-mêmes. Il est difficile d’imputer à la seule construction
communautaire114 les réformes territoriales engagées dans les cadres nationaux des Etats
membres l’Union à 15. De plus, ces réformes ont également démontré une diversité des formes de « régionalisation » qui ont irrémédiablement guidé les Etats sur la voie de la
décentralisation115. Ainsi, nous rapporterons quelques exemples de réformes territoriales
engagées dans l’UE des 15.
113 Le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009, reconnait l’existence des autorités locales et
régionales dans l’UE (article 4 et 5 TUE).
114 Laurent Malo, L’autonomie locale et l’Union européenne, Bruylant, Bruxelles, 2010, 719p.
115 La régionalisation favorise l’émergence d’un niveau intermédiaire : la région. Tandis que la
décentralisation ne crée pas de niveau intermédiaire. Il s’agit de transférer des compétences aux
niveaux déjà existants. Pour reprendre l’expression de M. Francis Delpérée, « Il n’y a pas qu’une
a. L’exemple des Etats fédéraux de l’Union européenne
Les Etats fédéraux (Allemagne, Autriche et Belgique) ont connu chacun des vagues de
décentralisation116. Soit en raison de la présence d’identités régionales fortes à l’image de
la Belgique117. Soit le processus de régionalisation révèle un comportement nouveau des
entités fédérées (en Allemagne et en Autriche) qui se mobilisent pour protéger leurs compétences qui fuient de plus en plus vers l’ordre de l’Union européenne. Sur ce point, la construction communautaire a eu des incidences directes sur l’envolée des compétences
relevant traditionnellement des Länder vers le niveau européen. Les Länder ont dû
défendre ardemment leur participation aux affaires européennes, et ont également profité
de l’occasion pour revendiquer toujours plus de pouvoir dans l’ordre interne de leur Etat118
.
L’Allemagne, partisane d’un fédéralisme qu’il était convenu de qualifier d’« unitaire »119, a
évolué vers un fédéralisme coopératif, résultant en partie d’un mouvement de
décentralisation en faveur des Länder. En 2006, une nouvelle réforme est venue ancrer la
gouvernance territoriale120. Le fédéralisme allemand ainsi réformé présente dès lors une
Pirandello. A chacun sa décentralisation… », Francis Delpérée, « Les collectivités locales et
l’Europe », Annuaire international de justice constitutionnelle, vol. XXI, 2005, pp. 315-351 (p.323).
116 Ce qui a pu être qualifié de régionalisation par les autorités fédérées.
117 Suite à une crise déclenchée par les Flamands en 1968, qui réclamaient une stricte application de la
territorialité des langues, une série de réformes constitutionnelles ont été engagées. D’abord, en 1968-1971, la Belgique reconnait l’existence de Régions socio-économiques (Flandre, Wallonie et Bruxelles) et des Communautés linguistiques (une française, une flamande et une minorité germanophone). En 1980, une nouvelle réforme constitutionnelle précise les compétences de ces Régions et Communautés. En 1988-1989, il est question du statut de Bruxelles (parité entre flamands et francophones s’impose). Enfin, la réforme constitutionnelle de 1993 achève le processus de réforme : la Belgique est un Etat fédéral composé de Communauté et de Régions. Il aura fallu 25 ans pour que la Belgique passe d’un Etat unitaire à un Etat fédéral.
118 Gérard Marcou, op.cit.pp. 33-34.
119 Gérard Marcou, « L’évolution récente du fédéralisme allemand sous l’influence de l’intégration
européenne et de l’unification », RDP 1995, pp. 883-919. Volmerange Xavier, Le fédéralisme allemand
face à l’intégration européenne, Thèse 1999, directeurs de recherche Georg RESS, université de SAARLANDES et Gérard MARCOU, université PARIS I, 540p. ; Dickhaut Andreas, « L’expérience allemande en matière de contrôle de la décentralisation », Colloque International sur le contrôle
juridictionnel de la décentralisation, Cotonau, les 3/5 Avril 2000, (in) Les Cahiers de l’Association
Ouest Africaine des Hautes juridictions francophones, 2000, pp.78-82.
120 « Gouvernance territoriale », Regards sur l'économie allemande [En ligne], 84 | décembre 2007,
document 4, mis en ligne le 22 avril 2008, Consulté le 12 mai 2008. URL : http://rea.revues.org/index419.html
clarification et un élargissement des compétences des Länder121. L’Etat allemand démontre
à chaque instant sa capacité à procéder à des adaptations fonctionnelles122 pour assurer aux
autorités fédérées une meilleure expression et davantage de liberté et d’autonomie dans la prise de décision touchant à leur domaine d’action. Depuis, les entités fédérées disposent d’un pouvoir de plus en plus important dans la relation triangulaire autorités fédérées, Etat national et Union européenne, provoquant ainsi une mutation des comportements. Tantôt, les entités fédérées revendiquent un statut de régions afin de nouer des relations avec d’autres collectivités d’autres Etats membres ou extra communautaires. Elles élaborent des projets sur la base de problématiques locales ou régionales communes. Tantôt, elles se réclament de leur statut d’Etat, pour affirmer leurs prérogatives. L’UE doit alors discuter
avec les représentants des Länder dès lors qu’il est question de toucher à une de leurs
compétences. Le système allemand révèle une capacité d’adaptation considérable, sans jamais nuire à sa substantielle structure fédérale.
b. L’exemple des Etats régionaux de l’Union européenne
Concernant les Etats dits régionaux123, l’Italie et l’Espagne124 ; la poussée
communautaire n’a eu qu’une relative incidence. A l’origine, il s’agissait de deux Etats unitaires où la régionalisation a eu pour conséquence de modifier la substance même de l’Etat. Si ce constat est moins vérifié en Italie, en Espagne, il se confirme, jusqu’à tendre irrésolument vers une fédération.
121 Notamment dans le domaine de l’éducation et la recherche, le logement, l’environnement, la gestion de la
fonction publique territoriale et l’organisation judiciaire.
122 Voir notamment Xavier Volmerange, Le fédéralisme allemand face à l’intégration européenne, Thèse
1999, directeurs de recherche Georg RESS, université de SAARLANDES et Gérard MARCOU, université PARIS I, 540p. L’auteur analyse l’évolution du fédéralisme en Allemagne. Jeffery C., « Les
Länder allemands et l’Europe. Intérêts, stratégies et influence dans les politiques communautaires », in
E. Négrier et B. Jouve (dir.), Que gouvernent les régions d’Europe ?, L’Harmattan, Paris, 1998, 335p.
(pp.55-83).
123 A la base, il s’agissait bien d’Etats unitaires. Or, ces derniers ont connu un processus de régionalisation
institutionnelle très abouti, qui est venu porter un sérieux accroc à la structure unitaire de l’Etat. C’est particulièrement vrai pour l’Espagne.
124 Vuillermoz Riccardo, La Belgique, l’Espagne, L’Italie face à l’intégration communautaire. Quelles
En effet, la tendance centrifuge de la régionalisation constatée en Espagne ne s’observe
pas de la même manière en Italie125 ; alors même que ce pays fut longtemps le seul où la
Constitution prévoyait l’institution de régions. De nombreuses compétences ont été octroyées aux régions italiennes : en matière de santé, d’éducation, de recherche, de formation professionnelle, d’environnement, etc. Si une fédéralisation a pu être suspectée, cette dernière s’est vite heurtée au refus net des Italiens de poursuivre dans cette voie. Un référendum en juin 2006 a coupé court aux espoirs du premier Ministre italien, Silvio
Berlusconi, de voir un jour une Italie fédérale126.
En revanche, concernant l’Espagne, la situation est toute autre. Il est possible de considérer l’existence d’un processus de fédéralisation, même si le mot demeure sous la censure en Espagne. A l’origine, l’Espagne franquiste, ultra centralisée, ne reconnaissait aucun droit politique, culturel ou linguistique aux régions (notamment au pays Basque, la Galice et la Catalogne). Aussi, la fin de la dictature (1977) et la transition vers une véritable démocratie espagnole qui a mis un terme à l’autoritarisme et à la centralisation du pouvoir, se décuplent des espoirs d’un retour à l’autonomie des communautés autonomes. L’essor des autonomies régionales est favorisé par la nouvelle Constitution espagnole qui
reconnaît que l’Espagne est composée de 17 régions autonomes - las comunidades
autónomas- . Elles disposent alors d’une autonomie et de compétences très importantes127 ;
125 Luciani Massimo, Passaglia Paolo, « Italie », Table ronde sur l’autonomie régionale et locale et
constitutions, Annuaire international de justice constitutionnelle, Vol.II, 2006, pp. 229-284.
126 En Italie, la révision constitutionnelle de 2001 avait donné aux régions une autonomie statutaire et un
pouvoir législatif de droit commun, mais le référendum de juin 2006 a rejeté à une forte majorité le nouveau projet de révision qui prévoyait de nouveaux transferts aux régions et, surtout, de leur conférer un poids nouveau dans les institutions nationales. Gérard Marcou, « Les collectivités locales et
l’Europe », p. 63, (in) Les collectivités locales et l’Europe, Regards sur l’actualité, n°331, mai 2007, La
Documentation française, pp.53-66.
127 La constitution reconnait notamment le droit pour chaque Communauté d’édicter des statuts d’autonomie
propres, une sorte de constitution interne élaborée par une assemblée d’élus locaux (députés et
sénateurs), mais adoptée par les Cortes Generales (le Parlement espagnol qui est constitué de deux
chambres, la Chambre des Députés et le Sénat). Les Communautés autonomes assument des compétences exclusives dans de nombreux domaines : les institutions gouvernementales locales (parlement, gouvernement, administration, écoles), l’aménagement du territoire et la protection de l’environnement, les chemins de fer et les routes (qui ne traversent qu’un seul territoire d’une Communauté autonome), l’agriculture et l’exploitation forestière, la chasse et la pêche, le développement économique, la culture, l’enseignement et l’emploi des langues, la santé et l’assistance sociale, le tourisme et le loisir, la police. Les Communautés autonomes disposent ainsi de larges pouvoirs qui leur permettent de se gouverner localement, mais les municipalités ne sont pas assujetties aux gouvernements communautaires ; elles demeurent complètement autonomes dans leurs champs de compétence
ce qui tend à les comparer à des mini Etats fédérés128. Toutefois, cette comparaison doit demeurer prudente ; car si les compétences cédées par l'Etat central demeurent
importantes, les termes «indépendance» et « fédéral » sont très discutés en Espagne, voir
tabous129. De plus, en fonction des communautés, les rapports entretenus avec l’Etat
central restent parfois très tendus : les communautés autonomes qui possèdent de puissants
particularismes linguistiques, culturels et économiques (comme la Catalogne130 et le Pays
Basque) exigent toujours plus d’autonomie. Ce qui remet régulièrement en question l’unité
de l’Espagne en tant que Nation. L’Etat espagnol semble alors s’enfoncer dans un
processus centrifuge, où les identités régionales rencontrent un terrain très fertile pour exprimer, parfois violement, leur aspiration à la scission.
Du coté d’autres Etats unitaires de l’Union européenne, la déferlante « décentralisatrice » poursuit sa percée.
128 A propos de l’Espagne, Philippe Lavaux a fait remarquer que « […] d’un point de vue substantiel, l’Etat
des Communautés autonomes…est plus proche du fédéralisme très atténué de la RFA que celui-ci l’est du fédéralisme américain, quelles que soient par ailleurs les tendances contemporaines de toute structure fédérale à la centralisation », in, Les grandes démocraties contemporaines, Paris, P.U.F., 1990, 719p. (p.134).
129 Pourtant, de nombreux auteurs envisagent une évolution de l’Espagne qui tend irrésolument vers le
fédéralisme. Toutefois, ce fédéralisme inquiète car il risque de porter atteinte à l’intégrité de l’Espagne
plutôt que de la servir : « Cependant l’évolution qui se déroule en Espagne amène à penser que ces
Etats pourraient évoluer vers une structure authentiquement fédérale. Elle amène aussi à se demander si ce fédéralisme de dissociation sera aussi solide que le fédéralisme initial d’association, et si le caractère apparemment insatiable de la revendication autonomiste ne mettra pas un jour en danger l’unité de la Nation et de l’Etat » ; Pierre Deyon, Régionalisme et Régions dans l’Europe des Quinze, Bruylant, Editions locales de France, 1997, p.25.
130 Le 3 novembre 2005, le parlement catalan a adopté le projet de loi de réforme du statut de la Catalogne,
qui a ensuite été débattu devant l'assemblée parlementaire espagnole à Madrid. A l’origine, le projet faisait de la Catalogne une nation qui veut continuer à vivre parmi les peuples d’Espagne. Après des discussions ayant montré des divisions, et une révision à la baisse négociée par le président du gouvernement espagnol, José Luis Zapatero et le chef du premier parti catalan, Pasqual Maragalli Mira, le projet a été adopté par l'assemblée et proposé aux Catalans par référendum. Malgré certains indépendantistes ayant appelé à voter non (car le projet ne reconnaissait pas la Catalogne comme nation, ne lui laissait pas la totale maîtrise des impôts, des ports et des aéroports), presque 75 % des votants l'ont accepté le 18 juin 2006. Cependant le taux de participation était légèrement inférieur à 50 %.
c. L’exemple d’Etats dits centralisateurs : la France et le Royaume Uni
L’Etat français, véritable modèle de l’Etat centralisé, a également cédé aux tentations de la décentralisation. Le terme « régionalisation » ne correspondant pas aux inspirations françaises qui ont mobilisé l’Etat vers une réforme de l’organisation de son territoire, la décentralisation s’impose à partir de la fin des années 70. Puis le processus de
décentralisation s’accélère à partir des années 1982-1983131
, mais connaitra une période de « sommeil » ou d’inachèvement. A partir des années 2000, le processus recouvre une
nouvelle vigueur et aboutit à un sacre constitutionnel, en mars 2003132. Les collectivités
territoriales françaises absorbent de nouvelles compétences et surtout, obtiennent un
pouvoir réglementaire133. Toutefois, ce pouvoir demeure restrictivement soumis à
l’habilitation législative134
.
Partant du postulat qu’un pouvoir excessivement concentré tend à anéantir les synergies
locales135, la décentralisation se présente comme un processus adéquat qui permet
131 Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, départements et régions, JO
du 3 mars 1982, complétée par les lois du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, du 31 décembre 1982 définissant les statuts particuliers de Paris, Lyon et Marseille, et des 7 janvier 1983 et 22 juillet 1983 relatives à la répartition des compétences entre les collectivités locales et l’État.
132 Loi constitutionnelle n°2003-276 du 28 mars 2003, JO du 29 mars 2003.
133 Avant la révision constitutionnelle de 2003, ce pouvoir n’était admis par le législateur ou par la
jurisprudence que dans des cas particuliers ; voir CC n°2001-454 DC du 17 janvier 2002, Loi relative à
la Corse, cons.29 : « Considérant que toutes ces dispositions ne transfèrent à la collectivité territoriale
de Corse que des compétences limitées, dans des matières ne relevant pas du domaine de la loi ; qu'elles en définissent précisément le champ d'application, les modalités d'exercice et les organes responsables, dans le respect de la règle énoncée par l'article 34 de la Constitution en vertu de laquelle "La loi détermine les principes fondamentaux (...) de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources" ; que ces compétences devront être mises en œuvre dans le respect des règles et principes de valeur constitutionnelle, ainsi que dans celui des lois et règlements auxquels il n'est pas explicitement dérogé par la volonté du législateur ; qu'aucune des dispositions contestées ne peut être regardée comme portant atteinte à l'indivisibilité de la République, à l'intégrité du territoire ou à la souveraineté nationale ; qu'elles ne touchent pas aux principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales ni à aucune des matières que l'article 34 de la Constitution a placées dans le domaine de la loi ; qu'en particulier aucune ne méconnaît les compétences propres des communes et des départements ou n'établit de tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre ; qu'eu égard aux caractéristiques géographiques et économiques de la Corse, à son statut particulier au sein de la République et au fait qu'aucune des compétences ainsi attribuées n'intéresse les conditions essentielles de mise en œuvre des libertés publiques, les différences de traitement qui résulteraient de ces dispositions entre les personnes résidant en Corse et celles résidant dans le reste du territoire national ne seraient pas constitutives d'une atteinte au principe d'égalité ».
134Cf. infra, Section II.
l’adaptation des organisations administratives et politiques aux nécessités et aux circonstances du moment. Parallèlement à cet impératif de réorganisation de l’appareil administratif et politique français, la décentralisation allie efficacité à l’expression citoyenne. Ce renouveau démocratique est porté par l’élection des exécutifs locaux par les citoyens, par un processus décisionnel local plus proche du citoyen et, à terme, l’émergence d’une démocratie participative réelle. La décentralisation a également propulsé l’idée d’une autonomie des collectivités locales. Or, l’autonomie n’appartient pas à la culture juridique française. La Constitution de 1958 lui a préféré la notion de libre
administration136. Bien qu’il soit établi l’existence d’un lien indéfectible entre la libre
administration et le développement de la décentralisation, il s’agit bien de deux notions distinctes. La libre administration est intrinsèque aux collectivités : elles disposent d’une liberté dans l’usage des pouvoirs qui leur sont confiés. Quant à la décentralisation, elle relève d’une autre sphère : celle de l’Etat central qui décide de confier des compétences supplémentaires à ses collectivités. C’est un mouvement qui part du sommet - l’Etat - vers le bas - les collectivités- .
En France, une question taraude l’ensemble de la doctrine : jusqu’où l’Etat est-il prêt à décentraliser l’appareil étatique français ? Existe-t-il une limite à la décentralisation ? Le maintien et la réaffirmation du principe d’indivisibilité de la République française lors de la révision constitutionnelle de 2003 semble constituer la limite au processus de décentralisation-qui a désormais valeur constitutionnelle-. La France demeure un Etat unitaire, dont la caractéristique est d’être décentralisée. Est-ce l’annonce d’une nouvelle forme d’Etat aux cotés des Etats fédéraux, régionaux, unitaires ? En tout cas, la décentralisation est consacrée ; tout en préservant le caractère unitaire Ŕ et sacralisé- de l’Etat français.
Enfin, le Royaume Uni137 mérite quelques points de réflexion. En effet, la
décentralisation en Grande Bretagne donne lieu à une interprétation différente de celle
136 Cf. infra Section II.
137 « Le Royaume Uni est un mélange d’Etat unitaire et de fédération », (in)James Mitchell, « Core
Executive and devolution » Conference of Europeanist, 11-13 March 2004, 15pp. L’Etat unitaire est perçu à travers la toute puissance du Parlement britannique qui implique la primauté du centre sur la périphérie, et de l’exécutif sur les assemblées locales. S’agissant de la perception d’un embryon de
rencontrée dans d’autres pays européens, comme la France. La décentralisation signifie que l’Etat britannique attribue des fonctions étatiques à l’entreprise privée, à l’industrie ou encore à des associations volontaires. L’Etat ne renforce pas nécessairement les
compétences de ses collectivités locales (bien au contraire138). La structure territoriale du
Royaume Uni est caractérisée par une importante hétérogénéité, ce qui ne facilite pas la visualisation des compétences de chacun des niveaux locaux : entre comtés métropolitains et non métropolitains de l’Angleterre et du Pays de Galles, les comtés régionaux d’Ecosse et les districts d’Irlande du Nord représentants les échelons locaux « supérieurs » et les districts au niveau inférieur, la cartographie des collectivités infra-étatiques du Royaume Uni apparaissait bien peu lisible. Des discussions envisageaient depuis longtemps de jeter les bases d’une structure de gouvernement local. Il était question de procéder à une réduction des échelons locaux (trop nombreux), tout en procédant à une rationalisation des compétences de ces derniers et en confiant les fonctions gouvernementales locales à une
autorité unique139. La question de mettre en place un gouvernement régional a également
été posée. Elle concernait l’Ecosse et le Pays de Galles. L’arrivée du travailliste Tony
Blair140 a précipité l’engagement du pays sur la voie de la dévolution141 à partir de la fin
des années 1990. La « dévolution » britannique se traduit par un transfert du pouvoir de décision en matière économique, sociale et culturelle du Parlement vers une assemblée régionale élue au suffrage universel, dotée, à cet effet, de moyens politiques et
fédération : ceci est en partie dû à l’intégration de quatre peuples différents. Le pays de Galles est
rattaché à l’Angleterre en 1536, puis l’Ecosse en 1707 (Union Act 1707) et enfin l’Irlande en 1800 (qui
conduit à une guerre civile et finit par la partition de l’Irlande en 1921). Voir également, M. Breuillard, « Le processus de dévolution et de régionalisation en Grande Bretagne », Pouvoirs locaux 2000 n°45,
p.30, J.Loughlin, « Quand l’Europe réforme le Royaume Uni », Pouvoirs locaux 2001 n°49, p.115.
138 Alain Delcamp, John LOUGHLIN (dir.) La décentralisation dans les Etats de l’Union Européenne, La
Documentation Française, Paris, 2003.
139 Christian Engel et Joseph Van Ginderachter, Le pouvoir régional et local dans la communauté
européenne, Editions Pedone, Paris, 1992, 120p. (p.28)
140 La dévolution faisait partie des promesses de campagne électorale du parti Travailliste (Labour Party).
141 Caroline Davison, « La dévolution au pays de Galles : état des lieux et perspectives », RDP n°3, 2005,