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Revue systématique et analyse thématique des MAs proposés dans la littérature

CHAPITRE IV : CONCLUSION GÉNÉRALE

4.1 Synthèse des Résultats

4.1.1 Revue systématique et analyse thématique des MAs proposés dans la littérature

Étant donné que la synthèse des hypothèses sur les MAs représentait un objectif exploratoire, aucun résultat particulier n'était attendu de prime abord. À l'aide d'un relevé exhaustif de la littérature des thérapies abordant les cauchemars basées sur les données probantes, les objectifs visés étaient de répondre aux questions suivantes : (a) quels sont les hypothèses sur les MAs des psychothérapies des cauchemars dans la littérature?; (b) y a-t-il une théorie dominante dans la littérature?; (c) les hypothèses sur les MAs sont-elles associées à certaines psychothérapies

plus qu'à d'autres ou un même MA pourrait expliquer l'efficacité de plusieurs psychothérapies?; et (d) quels types d'arguments sont invoqués pour justifier ces MAs (théoriques, observations a posteriori, démonstrations empiriques)? Combinés aux appuis de la littérature, ces résultats visaient à permettre la création d'un modèle théorique expliquant l'efficacité des psychothérapies des cauchemars.

Cent vingt publications éligibles ont été lues, dans lesquelles 64 rapportaient minimalement une fois un MA et son rationnel. Les publications portaient sur la RRIM et ses variantes, la thérapie par exposition ainsi que la thérapie par le rêve lucide. Cette recherche a donné lieu à une banque de données qualitatives, soit des phrases verbatims tirées de ces publications portant sur une ou des hypothèses expliquant l'efficacité de ces traitements. Une analyse thématique a été effectuée pour regrouper les phrases verbatims selon leurs similitudes, dans le but de synthétiser cette information en catégories.

4.1.1.1 Catégories de MA relevées.

Les six catégories de MA identifiées étaient, par ordre d'importance (plus grand nombre d'allusions dans la littérature) : une augmentation du sentiment de contrôle, le traitement émotionnel du souvenir menant à la modification de la structure de peur, la modification des croyances, la restauration des fonctions du sommeil, une diminution de la vigilance ainsi que la prévention de l'évitement. De manière générale, les arguments invoqués pour soutenir ces hypothèses étaient très largement théoriques et dans une très moindre mesure, issues d'observations non mesurées objectivement. Seules cinq études expliquaient un MA en se basant sur des données empiriques.

L'augmentation du sentiment de contrôle se définit par l'acquisition d'une conviction profonde d'avoir le contrôle sur ses rêves et cauchemars, acquis à travers une expérience concrète de contrôle (e.g., en révisant le script d'un cauchemar). Cette conviction à propos de soi (se distinguant d'une cognition sur le phénomène de cauchemars) influencerait considérablement le contenu des rêves la nuit. Il est le MA le plus souvent cité et celui avec le plus d'appuis, soit des observations a posteriori et trois études empiriques (Germain et al., 2004; Harb, Brownlow, & Ross, 2016; Miller, Davis, & Balliett, 2014).

L'hypothèse du traitement émotionnel réfère à la théorie de Foa et Kozak (1986) sur la structure de peur, présentée dans l'introduction générale. Les traitements des cauchemars seraient efficaces en incorporant de l'information incompatible pertinente aux stimuli associés à cette structure de peur. L'efficacité de l'exposition en imagination au contenu du cauchemar (Burgess, Gill, & Marks, 1998; Grandi, 2006) démontre que le contenu du cauchemar pourrait s'avérer un stimulus de cette structure de peur. Or, les protocoles de RRIM qui excluent cette composante de

traitement seraient tout aussi efficaces (Casement & Swanson, 2012; Pruiksma, Cranston, Rhudy, Micol, & Davis, 2016), suggérant que le traitement émotionnel pourrait s'opérer sur d'autres informations. En effet, il est de plus en plus admis que les stimuli associés à la survenue de cauchemars peuvent eux aussi créer une détresse et les perpétuer (Davis, 2009). Conséquemment, les conclusions de l'étude 1 sur ce MA proposent que le phénomène de cauchemar, lequel ne se limiterait pas uniquement au contenu d'un cauchemar, est le principal élément de la structure de peur.

La modification des croyances propose de modifier des cognitions erronées à propos des cauchemars pour de plus réalistes. Par exemple, selon Krakow et Zadra (2006), une croyance fréquemment rapportée est la pensée que les cauchemars sont imprévisibles; cette pensée pourrait être modifiée par celle plus réaliste que les cauchemars répétitifs n'assurent plus leur fonction initiale et sont devenus une mauvaise habitude qu'il est possible de remplacer.

La restauration des fonctions du sommeil préviendrait les interruptions du sommeil et permettrait l'intégration et la régulation des émotions et souvenirs en mémoire, notamment la structure de peur. Ce MA est soutenu par la théorie de Levin et Nielsen (2007) selon laquelle la fonction des rêves est de permettre l'incorporation d'éléments incompatibles au contenu de la mémoire de peur activée en rêves, tout en régulant l'activation émotionnelle, une forme de traitement émotionnel réalisé pendant le sommeil. Chez des participants atteints d'un TSPT, le fait de suivre une thérapie de RRIM a été associée à l'augmentation de la quantité de sommeil paradoxal et de la vigilance dans le sommeil, comme quoi les changements opérés le jour grâce à la thérapie auraient un impact sur les fonctions du sommeil (Germain & Nielsen, 2003).

La diminution de la vigilance suppose que les cauchemars sont causés par un haut niveau d'anxiété avant et pendant le sommeil (Levin & Nielsen, 2007; Spoormaker, 2008). La relaxation, une façon de réduire l'anxiété, serait ainsi efficace pour améliorer les cauchemars (Miller & DiPilato, 1983). Néanmoins, de manière théorique, il apparaît que la réduction de la vigilance puisse être possible par l'intermédiaire d'autres MAs, par exemple la modification des croyances erronées causant une anxiété d'anticipation (Davis, 2009; Spoormaker, 2008).

Finalement, la prévention de l'évitement vise à annuler l'effet d'un facteur de maintien des cauchemars récurrents, l'évitement cognitif et comportemental des stimuli associés aux cauchemars. L'évitement empêcherait l'incorporation d'éléments incompatibles à la structure de peur (Foa & Kozak, 1986) et la consoliderait (Levin & Nielsen, 2007; Spoormaker, 2008). Qui plus est, éviter de penser à quelque chose avant de dormir est associé à des rêves anxieux (Kröner‐Borowik et al., 2013). Toutes les stratégies thérapeutiques des traitements recensés pourraient constituer des outils permettant aux patients de réagir aux cauchemars autrement qu'en ayant recours à l'évitement.

Les MAs présentés ne seraient pas spécifiques à certains protocoles de traitement, ce qui suggère qu'il existe plusieurs façons de les activer et de parvenir à améliorer les cauchemars. Ils ne sont pas non plus mutuellement exclusifs, chacun d'eux pouvant avoir une influence sur les autres. Cela corrobore l'hypothèse selon laquelle plusieurs mécanismes pourraient agir de concert ou à différents niveaux pour expliquer l'efficacité des traitements (Balliett, 2013; Cranston, 2016; Davis, 2009). Pour ces raisons, un modèle des MAs des traitements des cauchemars tenant compte de ces interrelations a été suggéré dans le cadre de l'étude 1.

4.1.1.2 Modèle explicatif de l'efficacité des psychothérapies des cauchemars.

Les critiques des MAs ressortis de l'analyse thématique de l'étude 1 ont mené à la construction d'un modèle explicatif de l'efficacité des psychothérapies des cauchemars. Celui-ci vise à pallier l'absence de modèle théorique expliquant l'efficacité des traitements psychologiques des cauchemars, une des principales lacunes dans le domaine (Harb et al., 2013). Il a été construit en incluant les six catégories de MA relevées dans l'analyse thématique de l'étude 1. Ce modèle s'appuie aussi sur les théories et données empiriques issues des domaines de recherche pertinents, afin de permettre l'avancement des connaissances de manière cohérente et efficiente.

La Figure 9 présente une version francophone de ce modèle. Il y est proposé qu'une structure de peur rigide serait un obstacle à la fonction du sommeil, soit la régulation émotionnelle et la combinaison d'éléments incompatibles avec les images activées dans le rêve; un échec à cette fonction mènerait à la création d'un cauchemar. Ainsi, l'objectif principal des traitements des cauchemars serait de rendre la structure de peur plus flexible et disposée à la fonction du sommeil, c'est-à-dire par un traitement émotionnel effectué préalablement le jour. À cette fin, les stratégies thérapeutiques des psychothérapies des cauchemars seraient autant de façons d'activer et de remettre en question les trois modalités de la structure de peur pathologique des rêves et des cauchemars : les réactions émotionnelles et physiologiques (diminution de la vigilance), les réactions comportementales (prévention de l'évitement), ainsi que l'interprétation qui en est faite (modification des croyances, augmentation du sentiment de contrôle). En d'autres mots, tous ces MAs permettraient de contrer des facteurs de maintien des cauchemars récurrents, lesquels seraient responsables de renforcer la structure de peur et donc, d'empêcher les fonctions du sommeil.