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La PEP comme médiateur de l'efficacité de la RRIM

CHAPITRE IV : CONCLUSION GÉNÉRALE

4.1 Synthèse des Résultats

4.1.2 La PEP comme médiateur de l'efficacité de la RRIM

Parmi les six catégories de MA, l'augmentation du sentiment de contrôle est le plus souvent invoqué par les chercheurs pour justifier l'efficacité des psychothérapies des cauchemars. L'étude 2 visait à apporter un appui empirique à ce MA, en suggérant d'opérationnaliser le sentiment de contrôle par une mesure de PEP. Plus spécifiquement, l'étude 2 visait à démontrer qu'une mesure de PEP peut être un médiateur de l'efficacité de la RRIM, au sein d'une population victime d'agression sexuelle souffrant de TSPT. Pour ce faire, trois hypothèses ont été formulées : (1) le fait de suivre la RRIM devrait prédire une diminution des symptômes nocturnes au post-traitement; (2) le fait de suivre la RRIM devrait prédire une augmentation de PEP à propos de ses rêves et cauchemars; et (3) la RRIM serait efficace pour réduire les symptômes nocturnes indirectement à travers l'augmentation de PEP qu'elle a induite.

Trente-cinq participants atteints de TSPT et faisant régulièrement des cauchemars ont été assignés aléatoirement à prendre part à cinq séances de RRIM ou à une période d'attente. Les participants ont rempli des questionnaires sur leurs symptômes nocturnes avant et après la thérapie : qualité du sommeil, comportements nocturnes perturbateurs associés au TSPT, insomnie, fréquence et détresse des cauchemars. Trois questions créées pour mesurer la PEP avant et après la thérapie ont été ajoutées. Étant donné la présence de problèmes de sensibilisation à la mesure de fréquence des cauchemars, celle-ci n'a pas pu être utilisée dans les modèles de régression.

4.1.2.1 Analyses de médiation.

Afin de déterminer le rôle de la PEP dans l'explication de l'efficacité de la RRIM sur l'amélioration des symptômes nocturnes, la réalisation d'une série de régressions était nécessaire pour démontrer d'abord l'effet de la RRIM sur les symptômes nocturnes (hypothèse 1) et sur la PEP (hypothèse 2). La RRIM s'est trouvée à être un prédicteur significatif de l'amélioration de l'insomnie et de la qualité du sommeil, ce qui ne fut pas le cas des comportements nocturnes dérangeants associés au TSPT et de la détresse des cauchemars. L'hypothèse 1, selon laquelle suivre la RRIM permettrait de prédire une réduction des symptômes nocturnes au post-traitement, est partiellement supportée. Ces résultats corroborent l'efficacité de la thérapie de RRIM observée dans d'autres études sur la qualité du sommeil (Augedal et al., 2013; Casement & Swanson, 2012; Hansen et al., 2013) et l'insomnie (Davis & Wright, 2005, 2007; Moore & Krakow, 2010).

Ensuite, la RRIM s'est trouvée être un prédicteur significatif de la PEP à contrôler ses rêves et à surmonter ses cauchemars au post-traitement, mais pas à surmonter ses symptômes post- traumatiques, conformément à l'hypothèse 2. Ces résultats supposent que le sentiment de contrôle

mesuré dans le scénario d'un cauchemar révisé en cours de RRIM (Germain et al., 2004) se généraliserait trois semaines plus tard en un sentiment plus général de sa capacité à contrôler le contenu de ses rêves et de la conviction de sa capacité à surmonter ses cauchemars. Ces résultats vont dans le même sens qu'une étude ayant trouvé que seul le locus de contrôle interne à propos des cauchemars et du sommeil avait augmenté après une thérapie d'exposition, relaxation et révision, comparativement au locus de contrôle interne global (Miller, Davis, & Balliett, 2014). Ainsi, lorsqu'elle est spécifique au domaine des rêves et des cauchemars, la PEP paraît un construit pertinent à utiliser dans l'étude de la RRIM et pourrait opérationnaliser le concept de sentiment de contrôle.

Finalement, les modèles de médiation ont mis en évidence que la PEP serait un médiateur partiel de l'efficacité de la RRIM à réduire l'insomnie et à améliorer la qualité du sommeil. De manière générale, cela appuie les observations a posteriori de plusieurs auteurs qui soutenaient que la thérapie est efficace en augmentant le sentiment de contrôle (Encel & Dohnt, 2007; Krakow, Hollifield, et al., 2001; Krakow, Kellner, Pathak, & Lambert, 1996; St-Onge, 2003; Ulmer, Edinger, & Calhoun, 2011). Nos résultats viennent préciser sur quels symptômes nocturnes le sentiment de contrôle aurait un impact. La RRIM augmenterait la PEP à contrôler le contenu de ses rêves, ce qui serait responsable d'une partie de l'amélioration de l'insomnie au post-traitement. Ces données s'ajoutent aux résultats exploratoires de Miller et ses collègues (2014) qui démontraient une corrélation entre l'augmentation du locus de contrôle interne sur les cauchemars et le sommeil et une réduction de la latence d'endormissement. Nos résultats montrent aussi que la RRIM augmenterait la PEP à surmonter ses cauchemars, et plus le score à cette échelle est élevé, plus il prédirait l'amélioration de la qualité du sommeil.

Les données théoriques et empiriques sur l'insomnie fournissent des pistes d'explication intéressantes pour comprendre l'impact de la PEP sur l'insomnie et la qualité du sommeil. Comme les cauchemars se produisent dans le même environnement que l'insomnie, il est possible que les troubles d'insomnie et de cauchemars partagent des facteurs de maintien similaires (ou éléments de la structure de peur). D'abord, un sentiment d'impuissance serait lié positivement aux facteurs de maintien cognitif, comportemental et émotionnel de l'insomnie (Morin, 1993); un tel sentiment d'impuissance semble correspondre à la définition d'une faible PEP. Or, une forte PEP à propos du sommeil serait associée à des facteurs de succès thérapeutiques, tel que l'observance au traitement psychologique de l'insomnie (Bouchard, Bastien, & Morin, 2003) et l'arrêt de la prise d'hypnotiques (Belleville & Morin, 2008). Il est possible que la PEP à contrôler le contenu de ses rêves soit un médiateur de l'efficacité de la RRIM sur l'insomnie parce qu'elle diminue les cognitions selon

lesquelles un patient souffrira de cauchemars, l'état de vigilance, ainsi que les comportements d'évitement du sommeil.

L'augmentation de la PEP à surmonter ses cauchemars pourrait quant à elle être interprétée davantage comme la modification d'une cognition erronée, où la personne passe d'une pensée "les cauchemars sont hors de mon contrôle" à une plus réaliste, telle que "les cauchemars peuvent être traités". Or, chez des patients souffrant d'insomnie, la modification des croyances erronées suivant une thérapie cognitive-comportementale pour l'insomnie était associée à l'amélioration de la qualité du sommeil, de la détresse et des symptômes diurnes (Eidelman et al., 2016; Jansson-Fröjmark & Linton, 2008). La PEP à surmonter ses cauchemars pourrait de la même manière avoir réduit la détresse et permis aux participants de mieux bénéficier de leur sommeil, d'où l'impact sur la qualité du sommeil. Néanmoins, ces spéculations nécessitent d'être testées empiriquement.

Bien qu'une médiation partielle de la PEP ait été démontrée sur les variables dépendantes d'insomnie et de qualité du sommeil, ce ne fut pas le cas pour les variables des comportements nocturnes perturbateurs associés au TSPT et de la détresse des cauchemars. L'hypothèse 3, qui soutenait que la PEP serait un médiateur de l'amélioration des symptômes nocturnes, n'est donc que partiellement supportée. Il est donc possible que le sentiment de contrôle ne soit pas un médiateur de l'efficacité des traitements des cauchemars sur le principal symptôme ciblé, les cauchemars. Cela permet de croire que d'autres MAs pourraient être impliqués dans l'efficacité de la RRIM, comme le suppose le modèle explicatif de l'efficacité des traitements des cauchemars présenté dans l'étude 1. D'ailleurs, le fait que la PEP n'expliquait pas la totalité de l'amélioration de l'insomnie et la qualité du sommeil constitue un appui supplémentaire à cette hypothèse. Finalement, une lacune méthodologique, soit la forme très exploratoire et incomplète de l'échelle de PEP à propos des rêves et cauchemars, pourrait aussi expliquer l'absence de médiation de la PEP sur les comportements nocturnes perturbateurs associés au TSPT et la détresse des cauchemars.