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CHAPITRE IV : CONCLUSION GÉNÉRALE

4.4 Considérations Méthodologiques

La présente thèse constitue un travail de recherche exploratoire et préliminaire, ayant surtout l'avantage d'orienter les pistes de recherche futures. Les implications venant d'être discutées sont donc majoritairement spéculatives et doivent être considérées d'après les limites et les forces du devis de recherche.

4.4.1 Limites de la thèse.

L'étude 1 visait à recenser systématiquement et synthétiser les hypothèses de MA dans les publications portant sur un traitement des cauchemars supporté empiriquement. Toutefois, une grande proportion des publications incluses n'ont pas été trouvées à l'aide des moteurs de recherche mais plutôt dans les références des études déjà recensées; les mots clés utilisés pour la recherche systématique n'étaient donc pas optimaux et il n'est pas impossible que des publications d'intérêt n'aient pas fait l'objet de l'analyse.

Une plus grande proportion de publications portait sur des protocoles basés sur la révision du scénario d'un cauchemar; les protocoles sur le rêve lucide et l'exposition étaient beaucoup moins représentés. Il est donc fort probable que les groupes de chercheurs travaillant sur la RRIM et la thérapie d'exposition, relaxation et révision aient plus largement répandu leurs hypothèses sur le

fonctionnement de leur traitement. De la même façon, les auteurs dans ce domaine de recherche peuvent avoir d'autres explications ou résultats en faveur d'une hypothèse qui n'ont pas été publiés. Ces considérations sont susceptibles d'avoir influencé la critique des catégories de MA formées et leur place dans le modèle théorique.

Une possible lacune de l'analyse thématique est l'absence de distinction entre la RRIM et la thérapie d'exposition, relaxation et révision, les deux formes les plus connues de traitement utilisant la révision d'un scénario de cauchemar comme composante thérapeutique principale. Ces traitements ont été regroupés sur la base de leurs très grandes similarités; les analyser séparément aurait accentué la disparité entre ces protocoles, alors que le but de l'étude 1 visait à trouver les MAs similaires au sein des traitements existants. De plus, une analyse thématique exploratoire réalisée en différenciant ces deux protocoles n'apportait pas d'information supplémentaire aux résultats, si ce n'est que la thérapie d'exposition, relaxation et révision était davantage associée au MA de traitement émotionnel et la RRIM au sentiment de contrôle.

Le modèle explicatif de l'efficacité des traitements des cauchemars peut s'avérer simpliste et aurait avantage à être peaufiné; notamment, des résultats démontrent que la fréquence et la détresse des cauchemars seraient affectées par des stratégies thérapeutiques différentes (Davis, 2009; Germain & T. Nielsen, 2003; Krakow, 2015; Levrier et al., 2016; Simard & Nielsen, 2009). Les résultats de l'étude 2 qui montrent que l'impact de la PEP se limiterait à l'insomnie et à la qualité du sommeil supportent que les MAs n'auraient pas un impact égal sur toutes les mesures d'efficacité. Finalement, malgré un souci de baser ce modèle sur une revue systématique des MAs et en considérant les modèles explicatifs des cauchemars existants, ce dernier reste construit sur des appuis majoritairement théoriques, est biaisé par la compréhension de la présente candidate au doctorat et nécessite d'être interprété avec précaution en attendant d'être testé empiriquement.

Le but de l'étude 2 était de vérifier comment une mesure de PEP pouvait être un médiateur de l'efficacité de la RRIM sur les symptômes nocturnes. Une petite taille d'échantillon a été utilisée pour parvenir à cette fin, ce qui a pu réduire la puissance statistique, laquelle s'est avérée insuffisante pour prédire les symptômes nocturnes dérangeants associés au TSPT et la détresse des cauchemars. La qualité des instruments de mesure a aussi pu réduire la détection d'effets significatifs; le Questionnaire de détresse des cauchemars n'avait pas de version francophone validée. La PEP était quant à elle une échelle de mesure exploratoire non validée et démontrait beaucoup de variance entre les participants.

De plus, la mesure de détresse des cauchemars utilisée pouvait être incomplète pour rendre compte de l'efficacité du traitement. La sévérité des cauchemars renvoie à deux concepts : (1) la détresse ressentie pendant que le cauchemar se produit et (2) la détresse que cause le phénomène de

cauchemars dans la vie quotidienne d'un patient. Dans l'étude 2, seule cette deuxième facette était mesurée par le Questionnaire de détresse des cauchemars (Belicki, 1992a, 1992b).

La question sur la fréquence des cauchemars s'est avérée non valide, probablement à cause d'un phénomène de sensibilisation à la mesure qui n'était pas équivalent dans les deux conditions : les participants ayant suivi la RRIM devaient compléter un journal des cauchemars quotidiennement durant toute la durée du traitement, contrairement à ceux du groupe contrôle. Or, il est démontré que les mesures rétrospectives tendent à sous-estimer la fréquence des cauchemars, alors que les mesures prospectives la surestimerait (Spoormaker & Montgomery, 2008). Ainsi, malgré une mesure rétrospective au post-traitement, les participants ayant suivi la RRIM ont pu évaluer à la hausse la fréquence de leurs cauchemars en comparaison du groupe contrôle, atténuant l'écart entre les deux groupes. En appui à cette hypothèse, la fréquence des cauchemars au pré-traitement n'était pas un prédicteur significatif de la fréquence au post-traitement (étude 2), laissant présager une pauvre fidélité test-retest de cette mesure dans cette étude. La tenue d'un journal des cauchemars par les participants des deux conditions aurait permis d'offrir une mesure prospective de la fréquence des cauchemars équitable (pouvant être jumelée à une mesure rétrospective) ainsi qu'une mesure de l'intensité de chaque cauchemar sur une échelle de type Likert, ce qui aurait permis de compléter la mesure de détresse des cauchemars.

Le protocole de l'étude 2 ne comprenait aucune mesure de suivi; les améliorations observées sont celles ayant eu lieu seulement une semaine après la fin de la thérapie, alors que le protocole de RRIM utilisé s'étalait sur cinq semaines. L'échantillon était constitué de victimes d'agression sexuelle avec un TSPT, majoritairement des femmes, ce qui diminue la généralisation des résultats à d'autres populations souffrant de cauchemars récurrents. L'absence de mesures répétées au fil de la thérapie ne permet pas de conclure en un effet causal et limite l'interprétation que l'on peut faire de la PEP comme étant un MA de la RRIM. Qui plus est, aucun autre MA n'a été mesuré, alors que le modèle explicatif de l'efficacité des traitements des cauchemars propose que l'augmentation du sentiment de contrôle serait efficace à travers le traitement émotionnel de la structure de peur qu'il permet. Puisque son impact sur les cauchemars serait indirect, des mesures de traitement émotionnel et des fonctions du sommeil auraient été nécessaires pour témoigner de son rôle dans l'efficacité de la RRIM.

4.4.2 Forces de la thèse.

Malgré ces limites, l'étude 1 est la première à proposer un modèle intégratif sur le fonctionnement des traitements psychologiques des cauchemars, basé sur l'état de la littérature à ce jour. La méthode utilisée est novatrice en combinant une revue systématique à une analyse

qualitative. Elle a permis d'unifier des informations disparates, souvent des observations et des raisonnements théoriques trouvés dans la section discussion d'articles scientifiques, pour en faire ressortir l'essentiel. Cette étude a soulevé les opinions similaires et opposées présentes dans ce domaine de recherche et a permis de reconnaître les différents types d'arguments invoqués pour chaque hypothèse.

Notamment, l'étude 2 a révélé que la PEP est un concept pouvant mesurer le sentiment de contrôle, l'un des mécanismes du modèle suggéré dans l'étude 1. L'étude 2 est la première à mesurer quantitativement un MA de la RRIM et à le lier à des mesures d'efficacité à travers des analyses de médiation, une condition nécessaire pour démontrer scientifiquement un MA. L'assignation des participants aux conditions de traitement était aléatoire. Tous les psychologues ont reçu une formation standardisée et de la supervision; le manuel de traitement était standardisé et l'évaluation de l'intégrité du traitement s'est révélée excellente.