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Ce qui fait défaut dans le système de protection sociale – plus particulièrement en France, mais il semble que cela soit le cas un peu partout en Europe – est que le dispositif actuel n’est pas suffisamment apte à permettre l’accès et le retour à l’emploi des allocataires et doit donc être perfectionné. Il apparaît alors que cette perfectionnement passe principalement par deux mécanismes complémentaires : tout d’abord, favoriser les

possibilités de recours aux techniques d’intéressement, donc de cumul allocation – revenu

d’activité ; ensuite, étendre les aides financières aux allocataires.

1. Favoriser les possibilités de recours aux techniques d’intéressement

L’intéressement, autrement dit le cumul allocation sociale – revenu d’activité, est une pratique bien ancrée en France. En fait, ce mécanisme est intéressant dans la mesure où il permet aux allocataires d’être incités au travail sans pour autant y être contraints. Il permet en effet, même en cas de reprise d’activité réduite, d’accroître le revenu disponible des personnes au chômage ou bénéficiaires de l’aide sociale et, en assurant un minimum de ressources en cas de retour au chômage ou à l’inactivité, évite ainsi le creusement de la trappe à pauvreté. D’autant que, contrairement à ce préconise le workfare « pur », l’intéressement n’impose pas d’obligations spécifiques à la recherche ou à l’acceptation d’emplois mal rémunérés et/ou à faible qualification et permet ainsi de respecter les principes de solidarité, de cohésion sociale et de justice redistributive propres aux politiques d’insertion françaises.

Ce dispositif présente donc tout à la fois les avantages du workfare sans en avoir les inconvénients : en tant que moyen d’inciter l’offre, il empêche le creusement de la trappe à chômage (la célèbre trappe à inactivité chère aux libéraux), sans pour autant induire un phénomène de montée en puissance des working poors, caractéristique des mécanismes de crédit d’impôts (subvention aux bas revenus) tels que pratiqués dans les pays anglo-saxons (EITC aux Etats-Unis et WFTC au Royaume-Uni). Même si l’intéressement semble préférable au workfare « pur », son développement et son extension comme instrument efficace d’incitation au travail demande toutefois à ce qu’il soit perfectionné.

Pour ce faire, une amélioration possible pourrait être notamment, en France, de transformer le RMI en allocation dégressive, même au-delà de la période d’un an de cumul revenu d’activité – RMI, pour les personnes qui reprennent une activité faiblement rémunérée244. Le RMI ne serait plus alors essentiellement basé sur un mécanisme différentiel pur qui, bien qu’il soit à même d’assurer une redistribution efficace, risque de créer des « pièges à pauvreté » pour les bénéficiaires les plus vulnérables245. La dégressivité devrait

244 L’intéressement pourrait par exemple être porté à une durée de cinq ans, comme le préconise le rapport

Belorgey.

245 J.-M. Belorgey et A. Fouquet, « Quelle garantie de revenu aux personnes les plus défavorisées ? », in

alors être proportionnelle en fonction du montant du revenu perçu sans référence au délai d’épuisement des droits246, le risque étant toutefois de pousser les entreprises à proposer des emplois faiblement rémunérés.

Dans la même optique et selon le même mécanisme précédemment décrit, il devrait alors être envisageable d’accorder aux chômeurs bénéficiaires du régime d’assurance chômage ou de solidarité la possibilité de cumuler une partie de leur allocation chômage avec le revenu issu de l’exercice d’une activité salariée (quel que soit le type d’emploi : CDI, CDD, à temps plein ou partiel,…et le niveau de rémunération perçu) ou indépendante. Le CERC est d’ailleurs d’accord avec cette idée en affirmant que les « formes d’emplois atypiques

constituent « un tremplin » facilitant l’accès aux emplois stables et à temps complet... »247 et que, dans cette optique, « l’incitation la plus efficace réside alors dans un dispositif d’aide

temporaire, à l’image des mécanismes d’intéressement (Laurent et L’Horty, 2000)... »248. Dans ce sens, et contrairement aux pays fervents pratiquants du workfare, l’insertion française, au travers de l’intéressement, conserverait ainsi sa vocation originelle (l’insertion comme vecteur d’insertion et de réinsertion à la fois sociale et professionnelle) tout en incitant davantage l’offre à réintégrer le marché du travail.

2. Etendre les aides financières aux allocataires

Une autre façon de rendre le travail plus rémunérateur est de jouer sur les aides accordées à l’allocataire quand ce dernier reprend un emploi. Bien évidemment, il s’agit là d’un moyen artificiel, puisque, contrairement à la technique de l’intéressement qui constitue un mécanisme propre à agir directement sur le montant des allocations via le supplément de rémunération obtenu par le travail, les aides financières, quant à elles, représentent un gain

246 L’avantage d’un tel système est de permettre aux allocataires de bénéficier du cumul au-delà d’une période

définie légalement. Dès lors, les droits à indemnisation ou à prestations sociales deviennent potentiellement inépuisables et la limitation dans le temps est opératoire dans la mesure où la dégressivité induit mécaniquement une annulation des allocations au bout d’un certain temps. Tant que l’allocataire est bénéficiaire de l’assurance chômage ou d’un minimum social il perçoit donc une partie des allocations cumulables avec le revenu d’activité, ce droit étant de fait épuisé quand l’allocataire est sorti du système, c’est-à-dire lorsque son salaire devient égal au montant de l’allocation précédemment versée.

247 CERC, « Accès à l’emploi et Protection sociale », Rapport du CERC, Rapport n° 1, La Documentation

française, Paris, 2001, p. 99.

financier déconnecté du salaire. Celles-ci peuvent alors prendre principalement la forme d’aides à la mobilité ou encore au logement, comme c’est le cas en France249.

Alors qu’en France les aides financières à la recherche d’un emploi se concentrent surtout autour du remboursement des frais de déplacement des demandeurs d’emploi pour se rendre à un entretien d’embauche et sont donc essentiellement tournées vers la mobilité géographique250, dans d’autres pays, ces aides apparaissent plus diverses ou, en tous cas, différentes de celles en vigueur en France. On pourrait alors peut-être s’inspirer, au niveau national mais également à l’échelle de l’Europe, des exemples du Japon, de l’Australie ou encore du Royaume-Uni, lesquels versent des « primes » aux chômeurs lors de leur retour à l’emploi. Le CERC (2001) précisant à ce sujet que « ces sommes forfaitaires sont versées

ponctuellement et indépendamment du revenu d’activité, pour faciliter la transition du non- emploi vers l’emploi, en aidant l’individu à faire face aux dépenses liées au travail qu’il prend ou reprend »251.

On pourrait aussi tenter de mettre en place des « primes de retour à l’emploi », comme celles pratiquées aux Etats-Unis ou au Canada entre autres252, afin notamment de réduire la durée moyenne effective de recherche d’emploi et ainsi alléger les dépenses de protection sociale liées à l’indemnisation du chômage. Néanmoins, dans leur ensemble, ces expériences étrangères se sont révélées plutôt décevantes253. Il semble donc qu’en matière d’aides

financières à la recherche d’emploi, les aides à la mobilité constituent la meilleure solution en France.

249 A ce sujet, cf. le site Internet www.unedic.fr, « Nouvelle convention de l’assurance chômage, Aides à la

mobilité géographique, au logement et accessoires au logement, pour congés non payés, pour fin des droits ».

250 Pour plus de précisions, cf. le site Internet www.service-public.fr, « Recherche d’emploi, Aide financière à la

recherche d’emploi ».

251 CERC, « Accès à l’emploi et Protection sociale », Rapport du CERC, Rapport n° 1, La Documentation

française, Paris, 2001, p. 73.

252 Aux Etats-Unis, des expériences ont été entreprises au cours des années 1980 dans plusieurs Etats, lesquelles

consistaient à verser une prime d’environ 500 US $ (soit 3 500 FF) à tout demandeur d’emploi qui retrouvait un emploi dans un délai maximal de quatre mois. Au Canada, le programme « Projet d’autosuffisance » (PAS, inscrit dans le programme « Développement des ressources humaines »), instauré en 1992 dans deux provinces, avait pour but de verser un complément de salaire pendant trois ans à tout chef de famille monoparentale bénéficiaire de l’aide sociale, mais ayant repris un emploi à taux plein dans un délai maximal d’un an. Pour plus de précisions à ce sujet, se reporter au chapitre « Favoriser l’accès à l’emploi des personnes peu qualifiées », in

Accès à l’emploi et Protection sociale, Rapport du CERC, Rapport n° 1, La Documentation française, Paris,

2001, p. 110.

253 Le rapport du CERC (2001) affirme en effet que, si les résultats ont été plutôt favorables en termes de retour à

l’emploi dans le cas du programme PAS au Canada (ibid., p. 111), le dispositif américain, quant à lui, s’est révélé insuffisant pour permettre une réduction significative du temps de chômage (ibid., p. 110).

B) Des dispositifs novateurs ayant pour but d’accroître le revenu