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Les arrêtés fédéraux de 1962 et de 1975 ont eu le mérite de tirer les autorités et les banques suisses d’une situation extrêmement inconfortable. Cependant, en ménageant des mesures qui ne dérogeaient pas aux principes politiques et juridiques en vigueur, ils ont conduit à l’adoption d’une solution consensuelle, mais insatisfaisante à bien des égards. D’un côté, les banques, soucieuses de minimiser l’ampleur du problème, ont largement sous-estimé le nombre de comptes et les montants appartenant à des victimes de l’Holocauste. De l’autre, la volonté politique et bancaire de maintenir la « sécurité du droit » privé helvétique sur la propriété a engendré l’occultation des enjeux moraux dont était porteuse la déshérence créée par l’Holocauste (idem : 430) :

Pour tenir compte de la situation exceptionnelle créée par la politique d’extermination nazie, il aurait fallu que les banques dérogent aux conditions normalement applicables au remboursement d’un compte. L’holocauste aurait justifié une interprétation des règles de droit favorable aux victimes pour remettre les biens aux héritiers légitimes ou à des organisations autorisées à prendre leur succession.

Or, tel ne fut pas le cas. L’entrée en vigueur de l’arrêté fédéral ne mit pas un terme aux tracasseries imposées aux requérants désireux de reprendre possession de leurs biens, certaines banques allant jusqu’à exiger la production d’actes de décès, qui n’avaient bien sûr jamais été établis à Auschwitz. De même, elle n’interrompit pas la politique d’obstruction et le silence buté, adoptés par les banques depuis des décennies. De telle sorte que les avoirs auxquels n’était crédité aucun intérêt, mais sur lesquels étaient régulièrement prélevés des frais de gestion, finirent par être épuisés. Autrement dit, la solution issue des arrêtés fédéraux de 1962 et 1975 répondait aux intérêts politiques et financiers du gouvernement et des banques. En revanche, elle ne résolvait que très imparfaitement le problème de la déshérence créée par l’Holocauste.

A la lumière de ces quelques éléments historiographiques, il apparaît que le débat des années 1990 a plongé ses racines dans une problématique dont les contours ont été dessinés plus de deux décennies auparavant. Cependant, la Commission Indépendante d’Experts (CIE) a tort d’en déduire que c’est « le problème mal résolu des droits patrimoniaux,

débat sur le rôle de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale » (idem : 405). Certes,

cette thèse a le mérite de la limpidité. Elle suggère que la déshérence issue de l’Holocauste est revenue sur le devant de la scène publique parce qu’elle était restée sans solution. Cependant, l’analyse définitionnelle rendra ce rapport causal moins évident. Il apparaîtra en effet que la thèse défendue par la CIE succombe à une illusion rétrospective qui confine au déterminisme historique. En effet, elle revient à supposer qu’un « problème mal

résolu » doit fatalement revenir sur le devant de la scène publique. Or, il n’en est rien. Une

recherche attentive à la définition du problème montrera d’ailleurs que c’est en 1995 (et non en « 1996 ») que les discussions au sujet du destin des réfugiés refoulés (et non sur les « droits patrimoniaux ») ont relancé le débat sur le rôle de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais elle montrera surtout que la réapparition de ce problème n’a rien eu de mécanique. Au contraire, elle a impliqué un intense travail de dénonciation et de

revendication, avant que soient envisagées des démarches visant à restaurer les droits

patrimoniaux des victimes de l’Holocauste et de leurs descendants.

1.2.1 Les interventions israéliennes à l’occasion des célébrations de la Shoah

En Suisse, les premières mentions des « fonds en déshérence » sont apparues dans des interventions parlementaires3. La première remonte au 6 décembre 1994, lorsque le

conseiller aux États* socialiste fribourgeois Otto Piller a posé une question ordinaire

intitulée « fortunes tombées en déshérence » (« Herrenlose » Vermögenswerte). Il demandait alors des éclaircissements au gouvernement suite aux affirmations de « la

presse étrangère » selon lesquelles des banques suisses prendraient possession des biens de

leurs clients qui ne se manifestent pas durant plusieurs années. Trois mois plus tard, le 7 mars 1995, la question spécifique des « fonds en déshérence appartenant à des victimes

juives du génocide nazi » a été explicitement abordée dans une question ordinaire intitulée

« fortunes des victimes de l’holocauste dans les banques suisses ». Le conseiller national socialiste genevois Jean Ziegler demandait alors au gouvernement de dire quel était le montant des fonds et des objets de valeur en question et quelles mesures les autorités entendaient prendre pour qu’ils soient restitués sans délais à leurs créanciers légitimes. Puis, la conseillère nationale indépendante Verena Grendelmeier a lancé, le 24 mars 1995, une initiative parlementaire* intitulée « Fortunes tombées en déshérence des victimes des

persécutions national-socialistes ». Elle y demandait qu’un arrêté fédéral de portée

générale réglemente « le recensement ainsi que la restitution des fortunes tombées en

déshérence suite à des persécutions national-socialistes et qui ont été confiées à la garde des banques suisses ».

La presse suisse est restée extrêmement discrète au sujet de ces interventions parlementaires. Cependant, elle a également évoqué les biens des victimes de l’Holocauste dès le printemps 1995. Ainsi, Le Nouveau Quotidien a abordé la question le 28 avril 1995. Il titrait alors, en première page et sans ambiguïté : « ‘Les banques suisses ont volé les

victimes de l’Holocauste’ ». Dans ce texte, le correspondant à Jérusalem rapportait qu’à

« l’occasion de la célébration de la Shoah, plusieurs journaux israéliens exige[aient] que

les milliards déposés par les juifs morts dans les camps soient restitués aux héritiers ».

Cette revendication était étayée par une enquête du « très sérieux quotidien économique Globs », relayée par le quotidien Haaretz. Dans l’éditorial qui commentait cette information, Jean-Jacques Roth en reprenait la substance pour poser un double constat sévère. Il remarquait que les banques étaient loin d’avoir « tout tenté pour retrouver les

ayants-droit [sic.] de ces fortunes grandes et petites », et que la Suisse n’avait pas su faire

« les gestes politiques, symboliques, qui prouveraient sa volonté de ne s’enrichir d’aucun

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centime sur les victimes de l’Holocauste ». Dès lors, il rappelait « [n]os devoirs envers les enfants de l’Holocauste », estimant que « sur un tel chapitre et à un tel moment, il serait indigne d’en rester à l’approche administrative qui nous tient si souvent lieu de bonne conscience. Comment opposer, à la mémoire d’une incommensurable souffrance, l’application tatillonne de notre secret bancaire ? ».

Dans son édition suivante, celle du 1er mai 1995, Le Nouveau Quotidien est revenu sur les « violentes attaques [adressées aux banques suisses] dans la presse israélienne à

l’occasion de la commémoration de l’Holocauste ». Cette fois, la question était traitée par

une brève, placée en première page et intitulée : « L’UBS attaquée en Israël ; elle aurait

versé au CICR des fonds appartenant à des Juifs ». Cet article rapportait une annonce de la

radio israélienne selon laquelle « l’Union de Banques Suisses a versé des fonds

appartenant à des juifs disparus dans le génocide nazi au CICR, malgré son rôle contesté durant la Seconde Guerre mondiale ».

Trois jours plus tard, le 4 mai 1995, deux quotidiens romands Le Journal de Genève et La Liberté ont à leur tour abordé la question. Le premier présentait, en rubrique « Suisse », un long article intitulé « Des parlementaires israéliens s’attaquent aux banques

suisses » placé sous le surtitre : « POLÉMIQUE Comptes des victimes de l’Holocauste ». La

première partie annonçait que, « [r]éagissant à des révélations de la presse sur les biens

juifs dormant en Suisse depuis la Seconde Guerre mondiale, deux députés de l’opposition veulent saisir la Knesset de la question ». Le titre de la seconde partie citait le secrétaire

général de l’Association suisse des banquiers affirmant que « [n]ous n’avons pas

d’éléments propres à rouvrir le dossier ». Il « rappell[ait] qu’un arrêté fédéral adopté en 1962 a en principe réglé la question ». De même, le directeur de la Commission fédérale des banques* estimait que « l’affaire [était] donc légalement close [et qu’elle] ne pourrait reprendre qu’à l’initiative de l’Association suisse des banquiers ». Dans cet article, le

quotidien genevois ne citait qu’une voix discordante, celle de la conseillère nationale Verena Grendelmeier, qui considérait que « [t]out porte à croire […] que d’autres avoirs

sont toujours déposés dans les banques suisses ». A quelques détails près, les mêmes

informations étaient reprises par La Liberté, en rubrique économique, dans un article intitulé : « Victimes de l’Holocauste : Les coffres des banques helvétiques contiendraient

d’énormes sommes ».

Deux semaines plus tard, L’Hebdo a abordé la question sous une couverture sans ambages intitulée « PRESSION SUR LES BANQUESQu’avez-vous fait de l’argent des juifs? ». Cette

accroche introduisait un long dossier, présentant de manière succincte l’état du dossier :

Les biens des victimes du nazisme dorment encore dans des coffres suisses. Combien? Dans la polémique qui resurgit en Israël, le chiffre avancé (300 millions) paraît fantaisiste. Les banques reconnaissent toutefois que l’arrêté de 1962 sur les « avoirs d’apatrides » n’a pas résolu la question et acceptent de rouvrir le dossier – sur pression de la Commission fédérale. Mais comment procéder ? Le secret bancaire, consacré dans les années 30 pour... protéger l'anonymat des persécutés, rend aujourd’hui kafkaïennes les recherches de leurs héritiers.

Le seul élément nouveau apporté par l’hebdomadaire romand était une information passée pratiquement inaperçue, annonçant qu’un groupe de travail de l’Association suisse des banquiers étudiait la possibilité d’entreprendre de nouvelles recherches. Jusqu’alors, seul le quotidien Tages-Anzeiger l’avait annoncé dans une brève datée du 9 mai, intitulée « Recherche des fortunes des victimes des nazis » (Suche nach Vermögen von Nazi-

Opfern).

C’est donc en 1995 que les biens des victimes du nazisme sont réapparus sur les scènes politique et médiatique suisses. Cependant, force est de constater que ce retour est resté fort discret. En dehors de quelques interventions parlementaires et de rares articles publiés dans la presse, il n’a suscité que peu de réactions.

Pourtant, l’Association suisse des banquiers a pris quelques mesures. Lors de son rapport annuel du 12 septembre 1995, elle a présenté les résultats d’une enquête préliminaire sur les comptes et dépôts ouverts avant 1945, et dont les banquiers étaient sans nouvelles des propriétaires au moins depuis 1985. Cette étude a établi que les montants concernés s’élevaient à une valeur totale de 41 millions de francs. Le même jour, l’ASB a annoncé sa décision de créer une centrale de recherche rattachée à l’ombudsman des banques, chargée d’examiner toutes les requêtes concernant des avoirs « dormants » depuis 1985.i

Au Parlement, la Commission des affaires juridiques du Conseil national* s’est chargée d’examiner l’initiative parlementaire déposée au printemps par Verena Grendelmeier. Le 23 octobre 1995, elle a institué à cet effet une sous-commission, chargée de conduire des recherches approfondies sous la présidence du parlementaire démocrate- chrétien appenzellois Rolf Engler. Fin février 1996, après avoir rencontré les différents milieux concernés, ce groupe de travail a estimé que, malgré les mesures adoptées par l’Association suisse des banquiers, il restait des zones d’ombres au sujet des fortunes tombées en déshérence. Reprenant à son compte ces conclusions, la Commission des affaires juridiques a affirmé qu’il fallait clarifier de manière « définitive et indépendante » le sort réservé aux fortunes tombées en déshérence, en particulier à celles déposées entre 1933 et 1945 par les victimes du nazisme dans les instituts financiers suisses. En conséquence, elle a demandé à sa sous-commission de poursuivre ses recherches, de manière à lui fournir des éléments lui permettant de prendre position sur l’initiative parlementaire Grendelmeier avant la session d’été 1996ii.

Troisièmement, le gouvernement israélien et deux importantes organisations juives ont mandaté le président du Congrès juif mondial (CJM), Edgar Bronfmaniii, pour négocier avec le gouvernement suisse et les banques en vue de récupérer l’argent des juifs disparus déposé sur des comptes helvétiques4. Par l’entremise du président de la Fédération des communautés israélites de Suisse Rolf Bloch*, Edgar Bronfman, accompagné du président de l’Agence juive*, Abraham Burg*, a rencontré, le 14 septembre 1995, les dirigeants de l’Association suisse des banquiers, puis le président de la Confédération Kaspar Villiger*. Devant la première, il a insisté pour qu’elle fasse toute la lumière sur cette affaire compliquée, notamment en lançant une enquête impartiale et minutieuseiv. Du second, il a tenté d’obtenir « sinon une intervention directe auprès des établissements bancaires

concernés, du moins qu’il leur suggère discrètement de faire preuve de compréhension, de diligence et pratiquer dans cette affaire, en toute occasion, la transparence » (Journal de Genève, 12.9.95)v. Pour leur part, les autorités fédérales ont immédiatement minimisé la portée de cette entrevue (Journal de Genève, 12.9.95)5 :

Daniel Eckmann [conseiller de Kaspar Villiger] explique : « Cette courte visite de courtoisie nous permettra de faire connaissance et d’échanger des idées. Mais cette rencontre ne revêt pas de caractère officiel et il ne s’agit en aucun cas de régler dans ce cadre le problème

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Par la suite les médias suisses ont ordinairement présenté le Congrès juif mondial comme un acteur autonome, agissant de son propre chef. Cependant, le mandat qui lui avait été délivré par le gouvernement israélien a été épisodiquement mentionné, notamment par le Tages-Anzeiger (15.9.95) : « Höflichkeiten

statt Geld. Bronfman dankt Villiger », par Le Nouveau Quotidien (1.4.96) : « Le Congrès juif mondial déclare une guerre totale aux banques suisses » et par La Liberté (18.4.96) : « Les banquiers suisses créent une commission indépendante ».

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Un argument similaire est rapporté dans le Tages-Anzeiger du 15 septembre 1995 : « Kurz vor Mittag

machte Bronfmann [sic.] einen Höflichkeit Besuch beim Bundespräsidenten. Wie Daniel Eckmann betonte, wurde dabei nicht über Geld gesprochen. Die herrenlosen Konti seien […] eine privatrechtliche Angelegenheit der Banken. […] Statt über Milliarden und Himmler-Schatz wurde aber über Rassismus, Fundamentalismus und Gewalt Gesprochen ».

qui opposerait certains clients juifs à des banques suisses. D’ailleurs ce dossier n’entre pas dans les compétences de M. Villiger ».

A la lumière de ces données, il apparaît clairement que, contrairement à ce que suggère la CIE dans son rapport final, le « problème mal résolu des droits patrimoniaux » n’a pas mécaniquement conduit au « débat sur le rôle de la Suisse durant la Seconde

Guerre mondiale ». En 1995, plusieurs interventions parlementaires et quelques articles de

presse n’ont pas suffi à convaincre le gouvernement suisse d’intervenir. Selon ce dernier, il ne s’agissait alors que d’une question marginale de déshérence ordinaire, susceptible d’être réglée par les banques dans le cadre des dispositifs légaux usuels. Cette position n’a pourtant pas convaincu l’ensemble des députés. Le 12 juin 1995, Otto Piller est revenu à charge en déposant une motion parlementaire intitulée « Biens sans maître dans les

banques suisses » (Herrenlose Vermögen auf Schweizer Banken)6. Dans son intervention, il demandait que le Conseil fédéral soumette sans tarder au Parlement un projet concrétisant la mise en place d’un service centralisé, chargé de rechercher dans les banques les biens non réclamés des victimes de guerre. Selon ce texte, les banques et autres gestionnaires de fortune (avocats, fiduciaires) auraient dû lui annoncer les biens qui n’avaient pas été réclamés depuis un certain temps. Le service à mettre en place devrait s’efforcer de retrouver les héritiers des victimes des nazis et les aider dans leurs démarches auprès des banques. Enfin, il incomberait au Conseil fédéral de régler à des fins d’utilité publique les biens dont les ayant droits n’auraient malgré tout pas été retrouvés.

C’est en séance du 20 décembre 1995 que le Conseil des États a discuté cette motion. A cette occasion, le gouvernement a fermement réaffirmé sa position par la voix du président de la Confédération Kaspar Villiger :

Wir haben schon in der Antwort auf die einfache Anfrage Piller […] präzisiert, dass sich die Beziehungen zwischen den Banken und ihren Kunden nach privatrechtlichen Vorschriften richten. Es besteht – nach Meinung des Bundesrates – kein Anlass, andere oder Zusätzliche Privatrechtsvorschriften zu erlassen […]. Wir haben aber damals hervorgehoben, dass die damalige Situation verbessert werden könne, namentlich dass die Nachforschung durch die Berechtigten nach Guthaben bei Schweizer Banken erleichtert werden müsse, denn es ist ein sehr ernsthaftes Problem […] und es muss, auch im Interesse des Images der Schweiz gelöst werden. Übrigens ist es auch ein Interesse der Banken, Hand zu einer guten Lösung zu bieten.

(Nous avons déjà précisé dans la réponse à la question ordinaire Piller que les

relations entre les banques et leurs clients se conforment à des prescriptions de droit privé. Il n’y a – de l’avis du Conseil fédéral – aucun motif de promulguer des prescriptions de droit privé différentes ou complémentaires. […] A l’époque, nous avions cependant soulevé que la situation d’alors pouvait être améliorée, notamment que les recherches des avoirs auprès des banques suisses par les ayants droit devraient être simplifiées, car il s’agit d’un problème très grave […] qui doit être résolu aussi dans l’intérêt de l’image de la Suisse. Par ailleurs, il est également dans l’intérêt des banques, de prêter la main à une bonne solution.)

C’est donc sans surprise que le Conseil fédéral a recommandé le rejet de la motion, au profit d’un soutien des démarches entreprises par l’Association suisse des banquiers. La pleine mesure de la retenue des autorités politiques à l’égard de cette question a été manifestée par le résultat du vote qui a suivi. En effet, le Conseil des États a rejeté la motion Piller par le score aussi inhabituel que significatif de 6 voix contre 4 et une trentaine d’abstentions.

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Les biens des victimes de l’Holocauste : une question privée et marginale

A ce point, deux constats s’imposent. Il apparaît sans ambiguïté que c’est en 1995 – et non en 1996 – que la question des biens des victimes du nazisme a resurgi dans les arènes politiques et médiatiques suisses. En revanche, l’analyse montre également que le gouvernement suisse la considérait alors comme une question marginale et strictement privée, ne concernant que les relations entre les banques et leurs clients.

Le Conseil fédéral a longtemps maintenu cette position de retrait, entérinant ainsi le faible intérêt suscité par ces discussions. Il avait clairement exprimé son intention de ne pas intervenir à ce sujet dès ses réponses des 15 février et 31 mai 1995, aux questions ordinaires Piller et Ziegler7. A l’époque, il avait justifié sa décision en rappelant que les biens des victimes de l’Holocauste avaient été déclarés, recherchés et restitués dans le cadre des arrêtés fédéraux de 1962 et 1975, par lesquels « le Conseil fédéral et le

Parlement attestent que la Suisse ne doit pas être ne serait-ce que soupçonnée de vouloir s’enrichir des avoirs ayant appartenu aux victimes d’événements révoltants ». Cependant,

il a reconnu que ces mesures n’avaient pas résolu le problème des comptes d’entreprises, et de ceux ouverts par l’entremise de prête-noms et sous de fausses identités. En conséquence, il a dit être conscient de la possibilité que « des avoirs d’étrangers ou

d’apatrides persécutés pour des raisons raciales, religieuses ou politiques pendant la Seconde Guerre mondiale se trouvent encore en Suisse ». En revanche, il a tenu à

souligner n’avoir « aucune raison de penser que les banques se sont appropriées les biens

des victimes de l’Holocauste ou ont refusé de les restituer de manière illicite ». Dès lors, il

a estimé que « ce sont les dispositions usuelles du Code des obligations relatives aux

contrats qui s’appliqueraient aux éventuels biens se trouvant encore dans les banques suisses ». En conséquence, il a exclu un quelconque renforcement de la surveillance de

l’État, et considéré que la résolution du problème appartenait à l’Association suisse des banquiers, chargée « d’examiner s’il est possible, dans l’intérêt de la place bancaire