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SECTION 3. LES CONCOURS : UNE FORME PROMETTEUSE D’APPLICATION

1. Retour sur le concept des concours

Le crowdsourcing revêt plusieurs formes. Cependant, l’une des formes les plus populaires et largement utilisées par les entreprises reste les concours (Piller et Walcher, 2006 ; Terwiesch et Xu, 2008 ; Boudreau et Lakhani, 2013). Un concours de crowdsourcing peut être défini comme une compétition entre plusieurs individus utilisant leurs compétences, leurs expériences et leur créativité afin de fournir une solution à un problème posé par une entreprise (Piller et Walcher, 2006). Leimester et Kcramr (2009) définissent le concept comme « une invitation faite par un organisme public ou privé au public général afin de soumettre des solutions pour un concours dans une période donnée donnant lieu à un prix ». Notons que dans la littérature, les concours de crowdsourcing, les compétitions de crowdsourcing, les concours d’idées ou d’innovation et les tournois de recherche sont utilisés de façon interchangeable (Faullant et al., 2015 ; Malhotra et Majchrzak, 2014 ; Boudreau et Lakhani, 2013).

D’après Boudreau et Lakhani (2013), les concours sont efficaces quand le problème est complexe ou nouveau, ces auteurs citent l’exemple du laboratoire pharmaceutique Merck qui a lancé un concours à travers la plateforme Kaggle ayant pour objectif de rationaliser son processus de création de nouveaux médicaments. Les concours sont également utilisés par les entreprises pour résoudre un problème de conception dans lequel la créativité et la subjectivité influencent l’évaluation des solutions (Roth, 2016). Dans une optique similaire, Brabham (2011) considère que les concours d’idées se basent sur l’hypothèse que parmi la masse de solutions reçues, une au moins sera supérieure aux autres ou à ce que l’entreprise aurait pu créer en interne. Pour le même auteur, les concours d’idées sont utiles dans le cas où l’entreprise ignore le type de compétences à utiliser. Force est de constater que les concours permettent à l’entreprise d’atteindre facilement un large réservoir de participants externes dotés de diverses compétences (Hutter et al., 2011 ; Jeppensen et Lakhani, 2010). Cependant, ils varient en termes de leur format, de la structure des prix proposés, du nombre d’appels et des barrières à l’entrée (Faullant et al., 2015). Ils peuvent être sélectifs invitant des communautés ayant une expertise particulière (i.e. Genius crowds) ou dans d’autres cas, ouverts à un large public

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(Majchrzak et Malhotra, 2013). Dans ce sens, les entreprises peuvent faire appel à ce type de concours pour générer : des idées innovantes à la résolution de nouveaux problèmes (Kozinets

et al., 2008) ; concevoir des produits (Brabham, 2008) ; dans le cadre de tournois de recherche

(Jeppensen et Lakhani, 2010). En effet, ces compétitions peuvent prendre la forme soit d’un concours ponctuel ou d’un tournoi permanent avec différentes étapes (Terwiesch et Xu, 2008). A ce titre, une foule nombreuse et hétérogène peut être la mieux positionnée pour accomplir la tâche demandée. Pour Malhotra et Majchrzak (2014), « les entreprises font appel aux concours d’idées pour créer "une forme de buzz marketing et l'engagement client" (p. 104). Ils partent du fait que les concours d’idées ne génèrent pas d’idées novatrices permettant à l’entreprise d’obtenir un avantage concurrentiel. Les non-participants sont plus susceptibles de remarquer les concours d’idées par rapport à d’autres formes de crowdsourcing moins visibles pour le public. Comme tout processus d’innovation, un concours de crowdsourcing passe par différentes étapes à commencer par l’identification du problème à résoudre, la simplification du problème et sa communication vis-à-vis de la foule (Boudreau et Lakhani 2013).

La participation aux concours n’est possible que durant une période limitée (Walter et Back, 2011 ; Terwiesch et Xu, 2008). Celle-ci peut être à très court terme (de quelques heures à 14 jours maximum), à court terme (15 jours à 6 semaines) au long terme (6 semaines à 4 mois) et au très long terme (plus de 4 mois-on-going) (Boudreau, Lacetera et Lakhani, 2011 ; Bullinger, Haller et Moeslein, 2009 ; Ebner, Leimeister et Krcmar, 2009).

La détermination des gagnants aux concours de crowdsourcing s’effectue de différentes façons. La première consiste à donner la main à la foule pour voter au profit du vainqueur, c’est ce que Brabham (2011) appelle « peer-veeted creative production ». L’avantage majeur du vote est qu’il permet de jouer le rôle d’une étude marketing permettant ainsi de sonder les préférences des clients. En revanche, la solution préférée par la foule peut ne pas être la plus précieuse solution pour le problème posé par l’entreprise (Malhotra et Majchrzak, 2014). Le risque de ce type de sélection (peer-veeted contests) est que la solution qui gagne le plus de votes ne soit pas la plus appropriée pour l’entreprise (exemple de l’entreprise Henkel). Pour éviter ce risque, certaines entreprises préfèrent déterminer le gagnant suite à une évaluation et sélection par un jury (Walter et Back, 2011). D’autres entreprises combinent les deux approches (Malhotra et Majchrzak, 2014). Cette définition reconnaît l'appel ouvert à un public plus large dans une période de temps.

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Concernant le mode de gestion des concours, deux alternatives se présentent aux entreprises. Elles peuvent lancer elles-mêmes les concours directement à travers leur propre plateforme (firm-hosted communities) ou faire appel à des plateformes d’intermédiation (Leimester et al., 2009 ; Zheng et al., 2011 ; Bayus, 2013 ; Roth et al., 2015). Dans le premier cas, l’entreprise initiatrice (the seeker) construit une plateforme dans laquelle les participants apportent leurs idées et propositions lui permettant ainsi de bénéficier de la diversité de foule et de la créativité des participants (Sawhney et al., 2003). Dans ce cas, les participants sont attirés par la réputation de la marque et la thématique du concours (Roth et al., 2015). C’est le cas de la plateforme « IdeaStorm » de Dell, de « myStarbucksIdea » ou encore de la marque Threadless (Brabham, 2008). Aussi, il convient de préciser que la participation aux concours de

crowdsourcing se fait soit de façon individuelle ou collective (Adamczyk et al., 2012 ;

Boudreau et al., 2008).

La deuxième possibilité qui s’offre aux entreprises est de passer par des plateformes d’intermédiation qui jouent le rôle de courtiers de connaissance pour leur compte « Broker knowledge » (Jeppesen et Lakhani, 2010). Ce choix se justifie dès lors que l’entreprise désire bénéficier des contributions de la foule, mais ne disposent pas des compétences nécessaires pour construire, gérer et maintenir une communauté (Burger-Helmchen et Pénin, 2011 ; Bayus, 2013). C’est le cas de la plateforme Hyve qui invente de nouveaux produits ou réinvente des produits existants pour le compte de certaines entreprises telles que P&G (Boudreau et Lakhani 2013), ou du laboratoire pharmaceutique Eli Lilly qui utilise la plateforme Innocentive comme moyen pour s’adresser à une foule d’experts dans le monde entier, afin de trouver des solutions à des problèmes scientifiques (Lakhani et Jeppensen, 2007), ou d’eYeka qui fait appel à des créatifs du monde entier (Roth, 2016). Il est à noter que contrairement aux plateformes d’intermédiation, les contributeurs dans ce type de plateformes ne constituent pas nécessairement des communautés, car ils n’interagissent pas forcément entre eux (Boudreau et Lakhani, 2013).

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