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Les enseignements généraux des études qualitatives exploratoires

SECTION 3. ENSEIGNEMENTS, APPORTS ET LIMITES DE LA PHASE

1. Les enseignements généraux des études qualitatives exploratoires

Dans une première sous-section (§1.1), seront présentées les conclusions de l’étude qualitative auprès des experts. Dans une seconde sous-section (§1.2), nous détaillons les différents enseignements de l’étude qualitative auprès des participants. Ensuite, nous exposons les différents apports et limites de la phase qualitative exploratoire.

1.1. Enseignements des entretiens des experts

Cette sous-section a pour objectif de synthétiser les différents enseignements tirés de la première étude qualitative auprès des professionnels en charge de la mise en place des opérations de crowdsourcing. Les entretiens d’experts ont permis de ressortir avec un ensemble de conclusions managériales constituant une feuille de route pour tout manager désireux de se lancer dans une démarche de crowdsourcing. Nous avons pu confirmer plusieurs constats retrouvés dans la littérature, mais nous avons pu également mettre en évidence un nombre non négligeable de facteurs contextuels et situationnels à prendre en compte.

Les résultats de l’étude qualitative, auprès des experts, nous a confirmé que le crowdsourcing n’est pas un simple outil marketing, mais une réelle stratégie d’innovation et un processus impliquant plusieurs étapes et nécessitant un investissement total de la part de l’entreprise pour escompter les résultats souhaités. La figure suivante permet de synthétiser les différentes étapes de mise en œuvre d’une opération de crowdsourcing.

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Figure 7 : Processus de mise en œuvre d’une opération de crowdsourcing selon les experts interrogés

De surcroît, l’étude auprès des experts a révélé que le crowdsourcing peut avoir d’autres objectifs au-delà d’innover, en l’occurrence donner de la visibilité autour de la marque ou l’entreprise, se rapprocher des clients, augmenter l’acceptabilité commerciale de nouveaux produits et services et, par là-même, l’accroissement des ventes de l’entreprise.

S’agissant du dilemme de la gestion de l’opération de crowdsourcing en interne ou son externalisation (sous-traitance), les managers sont convaincus de l’idée de sous-traiter au regard des avantages qu’elle présente à l’entreprise, plus concrètement le gain de temps et de réactivité. Toutefois, d’autres experts s’y opposent en raison du manque de transparence affiché à l’égard de la cible.

En réponse à la question relative aux motivations supposées de la participation aux opérations de crowdsourcing, les experts utilisent des expressions telles que « je suppose », « je présume » ou même le conditionnel ce qui nous laisse conclure qu’il s’agit de suppositions et qu’une étude directe auprès des participants s’avère nécessaire pour déceler et ressortir les vraies motivations des participants et croiser les avis managériaux avec ceux des consommateurs. Parmi les différentes motivations citées, la rémunération est celle la plus évoquée. En revanche, elle ne fait pas l’unanimité, les résultats montrent un manque d’accord entre les participants sur l’octroi d’une compensation financière. Ce constat est à confirmer également suite à l’étude avec les individus participants pour voir comment elle est perçue et si l’aspect rémunération est important pour attirer la foule et l’inciter à la participation.

Par ailleurs, l’engouement des experts pour le crowdsourcing se justifie largement par les différents bénéfices qu’il procure à l’entreprise, parmi lesquels on peut citer la fraîcheur et la

 Définition claire de la problématique  Définition du gain Phase de pré- lancement Phase de déploiement Phase post- lancement  Appel à contributions  Modération  Communication autour de la marque  Feed-back et suivi  Gratification de la proposition gagnante

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créativité des propositions reçues par un œil externe à l’entreprise, la minimisation du risque d’échec de nouveaux lancements, l’amélioration de l’image de marque de l’entreprise.

Cependant et comme toute autre stratégie de co-création, le crowdsourcing présente un nombre important de risques que les professionnels n’ont pas manqué de souligner et qui ont trait essentiellement au risque de génération de sentiments négatifs se traduisant par un bouche à oreille négatif. Pour réussir leur opération de crowdsourcing, les managers sont tenus de prendre en compte un nombre important de facteurs clés de succès, entre autres le caractère intéressant du problème posé, l’équité du système de rétribution, la clarté du brief et des règles de participation ainsi que la transparence à l’égard des participants. En outre, l’étude auprès des experts a permis de mettre en évidence des effets d’ordre relationnel sur le comportement à l’égard de la marque et nous a permis de tirer les conclusions suivantes (1) Il existe bel et bien un impact sur le lien du participant à une opération de crowdsourcing à l’égard de la marque (2) Ce lien est intéressant à étudier, les entreprises présentent un intérêt manifeste à étudier les effets du crowdsourcing au-delà du simple acte de participation (3) Il s’agit d’une composante difficilement mesurable par les entreprises.

Tableau 9 : Récapitulatif des enseignements des entretiens d’experts Objectifs des initiatives de crowdsourcing

Innover efficacement

Accroître le chiffre d’affaires de l’entreprise

Renforcer le lien entre l’entreprise et les consommateurs Améliorer la visibilité et l’image de marque de l’entreprise

Mise en œuvre des opérations de crowdsourcing

Un processus composé de trois grandes étapes

Phase de pré-lancement Phase de déploiement  Phase Post-lancement

Deux modes de gestion : Gestion en interne ou externalisation à une plateforme d'intermédiation

Retombées des opérations de crowdsourcing

149 Fraîcheur et créativité

Mise sur le marché réussie Effets viraux (bouche à oreille positif)

Proximité relationnelle Attachement à la marque

Motivations supposées de la participation aux opérations de crowdsourcing

Facteurs d'opportunisme : gain financier, reconnaissance et visibilité auprès de la marque ; Facteurs hédoniques : plaisir et amusement ;

Facteurs liés au lien avec la marque : notoriété de la marque, proximité, attachement ; Facteurs liés au caractère des participants : réalisation de soi, besoin de partager avec les autres ; Facteurs liés à l'intérêt à l’égard de la thématique.

1.2. Enseignements de l’étude qualitative auprès des participants

Conformément à la revue de littérature, notre entretien avec les participants a révélé l’existence de deux grandes incitations externes à savoir la rémunération financière et la reconnaissance accordée par la marque. La rémunération est le motif principal de participation, elle est la contrepartie du travail effectué par les participants et permet de légitimer et crédibiliser le concours.

À l’instar de la littérature, notre étude qualitative a montré des effets mitigés du gain financier sur la décision de participer à un concours de crowdsourcing. Si certains participants ne prêtent pas une grande importance à ce volet, ils ne se voient pas prêts à participer à un concours qui ne gratifie pas leurs efforts. À ce stade, il est important de souligner que les concours de

crowdsourcing ne proposent pas systématiquement une rémunération. Si une plateforme

comme Innocentive repose sur la rémunération comme facteur déterminant de la participation (Schenk et Guittard, 2011). D’autres opérations reposent sur une participation volontaire des participants. Il est à noter que le niveau de rémunération varie d’un concours à un autre (Lobre et Lebraty, 2010 ; Schenk et Guittard, 2011 ; Burger-Helmchen et Pénin, 2011). La question qui se pose à ce niveau est comment une entreprise peut personnaliser les récompenses dans l’absence de la connaissance de la foule. Dans ce cas, toute la difficulté pour l’entreprise est de personnaliser la récompense selon le profil du participant. Les participants motivés intrinsèquement sont plus intéressés par des incitations non monétaires comme un remerciement chaleureux, une désignation officielle du nom du gagnant sur le site de l’entreprise (Füller, 2010). D’autres participants sont plus intéressés par les incitations d’ordre

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monétaire (compensation financière, prix, lots). Dans ce cas, le défi pour l’entreprise est de définir le niveau de rémunération qui sera bien perçu par la foule ; pas trop faible car elle risque de décevoir les participants qui se sentiront exploités par l’entreprise (Djelassi et Decoopman, 2013) et pas trop élevée pour ne pas attirer les consommateurs intéressés uniquement par la rémunération et ne feront pas de contributions sérieuses.

Étroitement liée à la rémunération, notre étude a révélé l’intérêt accordé par les participants à la visibilité accordée par l’entreprise. La recherche de la reconnaissance ou la visibilité fait référence à la citation des participants en en tant que contributeurs à la réalisation de la tâche créative mais également la volonté de profiter du contact avec les experts pour tisser des liens professionnels. A ce stade, les participants sont prêts à concéder le gain financier si d’autres formes de rémunération existent telles que la reconnaissance par l’entreprise.

Concernant les motivations intrinsèques de la participation aux concours créatifs, notre étude a mis en évidence l’importance accordée par les participants au plaisir et l’amusement tiré de l’expérience de participation (Brabham, 2010 ; Füller, 2010). Le niveau de plaisir ressenti explique fortement l’implication des participants ainsi que la qualité de leurs contributions (Franke et Shah, 2003). En outre, la volonté d’apprendre ressort également de l’interview des participants qui déclarent avoir besoin d’apprendre à la fois des professionnels de l’entreprise mais également des autres participants (Leimester et al., 2009). Ainsi, plus les participants ont la volonté d’apprendre, plus ils ont l’intention de participer aux concours de crowdsourcing (Zheng et al., 2011).

Tandis que plusieurs concours sont lancés de façon anonyme pour des raisons de confidentialité, notre étude a démontré que la marque a une place centrale dans l’incitation à la participation aux concours de crowdsourcing. Dans un autre registre, notre étude a fait émerger également des facteurs situationnels. Premièrement, la dimension temps qui revêt une importance majeure pour les participants dans la mesure où ils lient leur participation future aux concours à la disponibilité en termes de temps. Notre étude a mis en avant également deux volets intiment liés à l’équité perçue (Franke et al., 2013a), il s’agit de l’importance du feed-back pour les participants qui exigent de la part de l’entreprise de donner suite à leur participation en expliquant les raisons de la sélection des solutions gagnantes (Morgeson et Humphrey, 2006).

Notre étude a permis de recenser des traits de personnalité dominants chez les participants et de dresser le profil des participants aux concours créatifs. Ainsi, les participants se distinguent par des facteurs personnels tels que la curiosité, l’extraversion, la créativité et la disposition à

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faire confiance. En effet, la majorité des participants se distinguent par leur créativité. Cette dernière fait référence à la capacité des participants à produire des idées fraîches et utiles et des solutions à des problèmes (Amabile et al., 2005 ; Weisberg, 1988). La créativité est qualifiée par les chercheurs par le précurseur de l’innovation (Amabile, 1983, 2000). En outre, notre recherche a révélé que les participants se distinguent également par leur extraversion. Un autre trait de caractère dominant chez les participants. Il s’agit de la curiosité qui renvoie à la découverte et à l’exploration (Raju, 1980) et fait référence au besoin de nouveauté et de challenge (Kashdan, Rose et Fincham, 2004). Les participants se démarquent également par leur esprit de compétitivité qui correspond à leur volonté de se surpasser et se mettre en compétition à l’égard d’autres participants (Spence et Helmreich, 1983). Les individus ayant un fort esprit de compétitivité ont tendance à comparer leur performance par rapport au reste participants ce qui les inciter à déployer plus d’efforts pour réussir la compétition de

crowdsourcing (Faullant et al., 2015).