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1 2 3 POURQUOI NE PAS RETENIR LES PROTOTYPES DE LA MONUMENTALITE ?

I.2.3.I. - Genèse de l'intériorité, création de la territorialité

Nous sommes descendus de la M atrice à l'archétype, m ais n'avons-nous pas sauté un échelon ?

Il existe des prototypes de la monumentalité que l'anthropologie1 exhume et étudie comme tels : le tombeau, significatif par son extériorité et la caverne, figure essentielle de l'intériorité. L'enceinte de la ville, ses portes, la maison des hom m es,... Il en est d'autres encore, que l'on pourrait appeler des types idéaux (suivant le sens que M. W EBER donne à cette expression), et dans lesquels on pourrait percevoir des assises ou des matrices com m andant nos archétypes. Il y a là, tout à la fois, contenue toute la signification de la monumentalité, et moins que cela. En effet, les prototypes se réfèrent à des réalités, à des niveaux du réel qui précèdent le domaine de l'architecture et qui renvoient surtout aux notions de territoire, d'espace de vie ou d'environnement. Ces types idéaux ressortissent peut-être de cette organisation anthropologique de l'espace et de la société que M. AUGE,

en préambule de l'ouvrage

Ville, projets

1 2, réfère aux figures élémentaires du carrefour et du m arché. Le carrefour, croisée des chemins est signalisé, et ainsi identifié par les populations qui parcourent de l'espace. Point de repère, signe, il perm et que l'on s'oriente. Le marché est le lieu du rassemblement, de l'échange, de la transaction entre chacun sur la base d'un mètre étalon, sur la base de critères d'évaluation (d'attribution d'une valeur en fonction de valeurs partagées) des biens et des attitudes.

Peut-être le carrefour et le marché constituent-ils des prototypes anthropologiques dont le Tem ple de SALOMON et la Tour de Babel ne représentent que la traduction culturelle, l’idéal-type. Toutefois, ne peut-on penser qu'il s'agit là d ’archétypes de l'espace socialisé dans son ensemble, dans sa généralité, et non de l'espace architectural en particulier.

1 Voir FPAUL-LEVY et M. SEGAUD, op. cit.

Pour ALAIN, par exem ple, l'idée d'accum uler des pierres sur une tombe, précaution contre les bêtes, est le premier moment de prise de possession durable (une possession bien limitée) de l'espace par le groupe. C'est le prem ier acte d'écriture, d'émission de symboles pérennes ; ensuite, «on a voulu les faire plus visibles et plus frappants, ce qui devait conduire au dôme, à la pyram ide, au cône. Et sans doute le rapport de la hauteur à la base, dans un édifice bien équilibré, rappelle toujours les premiers tombeaux»1.

Le tombeau est mémoriel et mémorial, mais, avons-nous vu, la monumentalité est plus que cela. La caverne — ou la hutte primitive de LAUGIER1 2 — sont les moments originaires de la conceptualisation d'une intériorité utérine s'opposant à l'extériorité de l'air libre, de la nature nourricière mais aussi agressive3. Cette hutte exprime sa quasi- naturalité, bien qu'elle représente un premier degré d'artificialité qui marque le passage à la

"re-aedificatoria”.

En effet, en cette figure est contenue toute la geste de l'architecture, toute la saga du bâtir empirique autant que symbolique4. Cette dialectique d'HERMES; et d'HESTIA déborde le genre monumentalité qui nous préoccupe pour recouvrir le construit dans son ensemble.

De même, pour l'enceinte de la ville et la Porte, qui constituent la délimitation de l'espace, défense vis-à-vis de l'extérieur, et parallèlement le moyen de l'identification de ceux de l'intérieur : l'espace devient hétérogène, bivalent. L'espace peut alors être conçu comme un objet de positionnement, d'appropriation, de conquête et de repli. «Les m urailles de la cité, avant d'être des ouvrages m ilitaires, sont une défense magique, puisqu'elles réservent, au milieu d'un espace chaotique, peuplé de démons et de larves, une enclave, un espace organisé,[,..]»5. C’est alors la territorialité qui émerge à la conscience et ainsi localise et situe l'existence. C'est la notion même d'espace qui est percutée et modifiée par l'enceinte... Mais la m onumentalité n'est extensible ni à la spatialité, ni à la territorialité.

Existe-t-il d'autres prototypes de la monumentalité ? La "Maison des hommes" des tribus amazoniennes, ou des villages Bororo6 ou bien la "Maison cérémonielle" des

1 ALAIN, op. cit.,p. 184.

2 M.A. LAUGIER, Essai et observations sur l'architecture, 1755.

3 U. ECO, op. cit., p. 263.

4 Sur ce thème cf. les analyses de J. RYKWERT, La maison d ’Adam au Paradis.

5 M. ELIADE, Traité d ’histoire des religions, cité par F. PAUL-LEVY et M. SEGAUD, op. cit., p. 47.

Iatmuls de Nouvelle Guinée1, par exemple, constituent les centres vis-à-vis desquels se construisent les axes de la vie rituelle, productive, m aritale,... Mais leur essence n'est pas différente des autres cases, ni leur architecture ; si elles sont d'une autre échelle c'est pour répondre à un objectif fonctionnel — elles n'ont pas de valeur symbolique propre, et c'est plutôt parce qu'elles sont prises dans les mailles du réseau symbolique qui recouvre l'espace dans son ensemble et qui leur donne identité et valeur. Il est donc difficile de voir en elles une réalité ontologique spécifique, un genre défini.

Je pense donc qu'il faut s'attacher à l'explicitation, non pas des prototypes, mais des archétypes, car ce sont eux qui trouvent une réelle effectuation dans le code culturel.

Si nous pouvons considérer qu'il existe des archétypes de la monumentalité, et qu'en eux des significations se trouvent à la fois synthétisées et cristallisées, il reste à savoir quelles fonctions sociales leur sont dévolues.

1 Cf. "L’espace cérémoniel et familial chez les Iatmuls en Papouasie Nouvelle-Guinée" de Ch.

"Là v in t s e r é fu g ie r d e s co n trées vo isin es une fo u te d e to u te so rte, m élange d'hom m es lib re s e t d 'e sc la v es, to,us e n q u ête de nouveauté : e t te l fu t l'a fflu x q u i répondit à l'am pleur de la v ille . I l

[le tyran]

réu n it en assem blée cette fo u le q u 'o n ne p o u va it fo n d re en un p eu p le hom ogène que p a r d es lien s ju rid iq u es, e t lu i donna d es lo is. M ais il com prit que p o u r le s rendre sa crées à ces hom m es g ro ssiers, il d eva it lui-m êm e inspirer le respect p a r les m arques de son autorité".

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