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M ELIADE, Le mythe de l'éternel retour , p 7.

1.2.1.1 Pulsion céleste et tension chtonienne

2 M ELIADE, Le mythe de l'éternel retour , p 7.

montagne cosmique, c'est-à-dire une image symbolique du Cosmos ; les sept étages représentaient les sept cieux planétaires ou ayant les couleurs du monde»1. Le Golgotha lui-même est le sommet de la montagne cosmique, car il est le lieu où a été créé et enterré A d a m 1 2. La dualité des thèmes de l'ascension ou de la descente (pulsions vers les sommets ou vers les profondeurs) est analogue à celle que nous avons déjà relevée dans le symbolisme architectural entre le phallique et l'utérin, et dont G. DURAND donne de nombreux exemples : «Le Temple chrétien est à la fois sépulcre-catacombe ou simple reliquaire tombal, tabernacle où reposent les saintes espèces, mais aussi matrice, giron où se réinfante dieu»3. Ou bien «Le lieu saint, microcosme sacré et complet comme le Graal [...] se complète par l'épée, comprend en effet, lui aussi, des symboles phalliques et masculins, montagne, arbre dressé, menhir, campanile [...]» 4.

Ainsi, le monument (Temple ou palais) véhicule concomitamment plusieurs paires de représentations imaginales5 :

- terrestre et céleste - féminin et masculin

- centre du monde et hors du monde.

Le lieu sacré est, en fait, un véritable syncrétisme spatial.

M. ELIADE a remarqué que ces représentations se résument en deux figures qui, articulées entre elles, constituent l'essence du

topos

sacral, celles-ci sont :

a) la montagne b) la colonne.

a) La Montagne sacrée — où se rencontrent le Ciel et la Terre — se trouve au centre du Monde.

b) Tout temple ou palais — et par extension, toute ville sacrée ou résidence royale — est une montagne sacrée devenant ainsi un Centre6.

1 Ibid., p. 281.

2 M. ELIADE, Images et symboles, chap. I.

3 G. DURAND, Les structures anthropologiques de l'imaginaire, p. 276.

4 Ibid., p. 281.

5 Pour reprendre le terme de H. CORBIN, Temple et contemplation.

La montagne a la valeur à la fois de centre et d'axe

(Axis Mundi

) du monde, elle est la colonne qui supporte le cosmos, par elle, le Ciel, la Terre et l'Enfer se rencontrent.

A ces figures-matrices, sans doute convient-il d'adjoindre celle de l'arbre dont les racines s'enfoncent, là encore, dans le sol et dont la cime des branches "s'enfonce" dans le ciel. «Je suis celui qui a planté cet arbre, si bien que tout l’univers le vénère avec enchantement, et j'ai donné forme avec lui au Tout et je l'ai nommé "Tout” ; car le Tout est attaché à lui et le Tout vient de lui, et ils le regardent et tremblent devant lui, et de là sortent les âmes», dit un vieux livre juif, un

M idrasch

de la Genèse, cité par G. SHOLEM1. Cet auteur explique que «Cet arbre de Dieu est l'arbre du monde, mais en même temps l'arbre de l'âme». Il n'est point nécessaire de s'appesantir plus longuement sur ces analyses de la symbolique du lieu, elles ont été maintes fois exprimées (par M.

El i a d e, g . Ba c h e l a r d, G. Du r a n d, a . l e r o i-Go u r h a n, C.G. Ju n g, G. p o u l e t,

G. GUSDORF, G. DUMEZIL) et l'ouvrage

Anthropologie de l'espace

en a assuré la présentation synthétique* 2. Mais le monument n'est pas qu'une forme spatialisée, il entre également, et de manière éminente, en résonance avec la temporalité.

Ainsi l'empereur chinois apparaît comme le régleur du temps : «Le roi agit en fils du ciel, il promulgue les ordonnances mensuelles qui ont pour but de faire concorder les occupations des hommes et les habitudes de la nature, régies par le Ciel. Le Ciel ordonne les saisons, le Ming t'ang est une Maison du Calendrier. Le roi agit en fils du Ciel, il doit pour cela circuler dans la Maison du Calendrier qui est carrée (comme la terre) et orientée, mais qui doit être couverte d'un toit de chaume circulaire (comme le ciel) [...]. Le fils du Ciel étend à l'empire sa vertu régulatrice, parce que dans la Maison du Calendrier il régente — au nom du Ciel — le cours du Temps»2. M. ELIADE souligne également le rôle de responsable et de régulateur des rythmes de la nature qui incombe au souverain sumérien, acquiérant ainsi le statut de garant du bon état de la société toute entière puisque celle-ci vit dans le temps cyclique "des travaux et des jours" — pour reprendre les termes d'HESIODE — en étant soumise de manière vitale aux rythmes des saisons, des pluies, des crues et des récoltes.

Si l'on ajoute à cette temporalité inscrite dans le monument, l'éternité que ce dernier manifeste, nous voyons que le Temps est une composante importante de la

* G.G. SCHOLEM, la Kabbale et sa symbolique, p. 109.

2 De F. PAUL-LEVY et M. SEGAUD.

M onum entalité. C elle-ci m anifeste l'éternité en tant qu'histoire des origines, périodiquement rejouée dans les rites et dans le cérémonial du Nouvel an, dans ceux du couronnem ent,... et en tant que durabilité symbolisée par la pierre dont est faite sa construction (je renvoie sur ce point à mes propos initiaux sur la mémoire et le temps).

Ainsi nous pourrions presque dire que la Monumentalité est un objet relativiste : ses quatre dimensions, les trois spatiales et la temporelle, s'unifient en un tout. Ce tout, nous l'identifions au fondement cosmogonique qui s'exprime par la transcendance, base de notre conception du sacré. Et comme le sacré est la forme mythique de l'harmonie de l'espace-temps réalisée, le monument qui exprime et qui est investi ce sacré au travers du dispositif spatio-temporel qui le définit, est un objet synthétique et focal. Il est à la fois expression d'une sacralité qui lui préexiste, et modalité d'engendrement de cette sacralité. Ce m onument opère alors, tant sur la dimension temporelle qui est attachée à l'histoire sociale, que sur l'étendue géographique où est établi un territoire. Pour M. ELIADE donc, la Colonne et la Montagne (auxquelles nous ajoutons l'Arbre) constituent les données im aginales qui s'agencent dans l'imaginaire de la monumentalité et qui, parce qu'elles expriment le sacré, structurent le monde des hommes.

Selon les termes de K.G. JUNG, ce sont là des archétypes, que l'acte monumen- talisateur met en œuvre dans les esprits, en les inscrivant sur le sol par des constructions. Ces archétypes sont des élém ents structurels, opératoires dans l'organisation intra­ psychique de l'individu, mais agissant égalem ent au niveau collectif, dans l'inter- psychique du groupe. Pour cet auteur, nous serions là en présence de m atrices génératives, qu'il appelle également l'inconscient collectif. Est-ce que cet inconscient co llectif et ses archétypes constituent des structures universelles de la psyché ? G. DURAND appelle, lui, ces figures "des formes élém entaires et anthropologiques de l'im aginaire". Doit-on voir dans ces données imaginales, ou dans ces archétypes, ou encore dans ces formes anthropologiques (peu importe leur appellation, tous ces auteurs visent des réalités très proches), des cadres généraux de l'esprit humain ? Je me garderai bien de répondre à une telle question, tout en pensant que si une étude à ce niveau de généralité est possible, elle n’est en fait que très schématique et assez grossière, et qu'en conséquence il convient de descendre à un niveau plus précis de réalité afin de ne pas nier la production de l'histoire. Car, même si des conditions matérielles semblables et un fonctionnement physiologique universel ont abouti à des structures que l'on peut qualifier d'anthropologiques, il faut certainement se garder de la tentation globalisante. Comme nous le disions dans le chapitre premier de cet essai, ce qui unifie l'homme en deçà des

différences culturelles, ce sont ses caractéristiques bio-physiologiques, le fait que 1 homme ait un corps, qu'il se nourrisse de manière omnivore, se reproduise dans une relation sexuée, etc... Mais nous en restons là à la part de nature qui subsiste et qui asseoit la culture, lui donne l'obligation d'être et de faire, mais ne la conforme pas. Ce sont les m odalités d'existence et d'effectuation de ces facteurs bio-physiologiques universels qui constituent véritablement la culture. Au-delà de ce niveau universel, il convient donc de référencer ces données archétypales ou anthropologiques, à un code culturel plus objectivable. Car l'analyse des fondements du symbolisme, si elle se situe au niveau des récurrences physiologiques ou sexuelles —

l'animus

et

l'anima,

la dimension phallique de la colonne soulignée par HEGEL puis par H. LEFEBVRE ou encore la signification matricielle du temple et du sanctuaire, par exemple — ne peut fonctionner que par hyperabstraction. Elle ne peut ainsi proférer que de grandes généralités qui ne sont pas susceptibles d'être réfutées.

Descendons donc de la matrice aux modèles !

1.2.2.- L A M O N U M E N T A L IT E E T SES A R C H E T Y P E S

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