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Ce n'est pas parce que l'analyse critique de l'Etat et de la bureaucratie semble aujourd'hui passée de mode, tandis qu’elle s'épanouissait durant les années 1970, qu’il ne faut rien retenir des conclusions qu

3.2 AGONIE DE LA MONUMENTALITE

6 Ce n'est pas parce que l'analyse critique de l'Etat et de la bureaucratie semble aujourd'hui passée de mode, tandis qu’elle s'épanouissait durant les années 1970, qu’il ne faut rien retenir des conclusions qu

constitue un rouage du machinisme légitimatoire actuel (le rouage-engrenage de la

techné

au service du pouvoir exécutif), un second rouage étant, comme toujours, celui des croyances collectives. Celles-ci se transforment, dans l'imaginaire politique moderne, en

doxa

: à partir d'elle la démocratie élabore un nouvel espace public, un espace purement idéel et communicationnel, celui de la citoyenneté et du libre arbitre individuel. Cet espace, mental et non matériel, est façonné par l'idéal bourgeois depuis les cercles littéraires des Lumières et leur grande entreprise éducative :

l'Encyclopédie

L D en résulte l'atomisation du sujet égalitairement et homogènement disposé dans le champ politique et qui trouve en lui — par la raison et l’information (c'est-à-dire le modelage du sujet

via

l'école et les médias, les A.I.E.) — les raisons et les significations des structures sociales et de leur devenir. La parole légitime actuelle ne parle plus de l'ordre intemporel mais de l'avenir immédiat. Et ce système légitimatoire nouveau est d'une très grande efficacité, assis sur la rationalité et l'institutionnalité, il agite l'étendard de l'intérêt général, notion qui recouvre la mise en fonctionnement marchand du territoire par son équipement, son organisation et la régulation économique des rapports sociaux par la prestation de services et la redistribution. L'im aginaire de la m odernité a donc dé-collé du substrat com m unautaire, de l'enracinenent identitaire ; les signifiants localisés des je et nous localisateurs tombent, simplement parce que les signifiés se sont évaporés, se sont évanouis, de la scène sémantique moderne.

La rationalité universaliste de "l'Etat savant" est-elle à son tour en panne ? Les individus se tournent alors vers une identité communautaire folklorisée et vers une spatialité de quartier marchandisée. Ces valeurs sont-elles aptes à construire leur monument ? Oui, des monuments historiques et touristiques, c’est-à-dire des éléments patrimoniaux polymorphes et informes qui sont consommés tant qu'ils restent à la mode.

Dilution de la monumentalité dans la territorialité d'un espace aménagé, équipé, géré ; dissolution de l'expression symbolique dans la locution médiatisée ; désagrégation de la communauté (territoriale et culturelle) dans la collectivité (nationale ou de classe) ou dans la tribu2 (distinguante)... le pouvoir parle du groupe au travers des réseaux (hertziens ou câblés), des canaux (de distribution ou de répartition). Et le contenu du discours politique, du discours collectif quand il n'est pas implicitement distillé dans les 1 2

ont été avancées alors. Pour une part appréciable d'entre elles, elles restent éclairantes sur la société et l'ordre politique modernes.

1 Cf. J. HABERMAS, L'espace public.

médias courants, est un message sur l'avenir qui veut méconnaître le passé pour ne retenir que la dimension du futur. Le monument mémoire est alors devenu inutile. Mais surtout, le désir collectif est recouvert par la libido individuelle marchandisée, ainsi l'espace est "ludicisée" et "touristisé" s’il est ancien, il est totalem ent zoné entre des fonctions exclusives les unes des autres, qui ne sont que réunifiées par l'opérateur de l'échange économique.

Le m onum ent, c'est-à-dire le procès perm anent de légitim ation p ar la représentation symbolique, est en fait relégué au magasin des antiquités archéologiques ou des curiosités touristiques. Le m onum ent devient passif, décoratif, au mieux publicitaire (support des politiques de promotion des villes). S'il n'existe plus d'assises culturelles à cette représentation symbolique, il ne peut plus y avoir de consensus profond dans le sens et la valeur d'une forme ; il ne peut y avoir que l'incompréhension d'une fraction au moins du corps social, ou bien une adhésion temporaire, superficielle à une m ode passagère. U ne mode qui exprim e surtout une occultation fugitive des contradictions par un rideau de fumée anesthésiant. Désarroi du sens, éthique post- moderne du "tout-est-permis" et du "rien-ne-vaut-quoi-que-ce-soit", sans doute faut-il faire son deuil de la monumentalité neuve réalisée, et produite aujourd'hui.

Pendant ce tem ps, la logique de l'échange marchand poursuit son œuvre d'homogénéisation incohérente de l’espace.

Le critique de l'architecture A. COLQUHOUN remarque que la modernité se traduit par «l'augmentation du nombre des institutions indépendantes, dont chacune a la même importance dans le cadre de la société en général. Une société basée sur la hiérarchie cède la place à une société basée sur l'anarchie, mais en même temps chaque institution est en elle-m êm e organisée hiérarchiquement. A chacune de ces institutions correspond un nouveau type de bâtiment, et à tout l'ancien répertoire d'églises, de palais, d'hôtels de ville s'ajoutent progressivement des nouveaux types de bâtiments publics comme les palais de justice, les parlements, les écoles, les hôpitaux, les prisons, les usines, les hôtels de tourism e, les gares, les grands m agasins, les galeries et autres lieux de distraction et de consommation.. ,»1.

Cette dilution de la compétence, ou de la capacité légitime de se représenter architecturalem ent, suivant un répertoire de formes ou de signes conventionnels et légitimes, marque donc une étape importante de la problématique de l'obsolescence de la monumentalité.

La monumentalité (comme les dieux anciens) ne brille plus que des pâles feux de son crépuscule.

Il existe tout de même un moment de sursaut, de réveil réactionnel de la fierté monum entale, c'est celui de l'envoûtement, de la subjugation, de l'enfoulem ent de la masse.

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