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CHAPITRE I : TIC, SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION ET

II. DE LA SOCIÉTÉ DE L'INFOR MATION À LA SOCIÉTÉ DES SAVOIRS PARTAGÉS

2. Le retard de l'Afrique ou l'utopie du « global village »

Comprendre la conception africaine de la société de l'information, c'est voir la distance entre l'ampleur des objectifs sociaux et les moyens politiques et économiques dont disposent les peuples africains pour mettre en valeur les potentialités que leur offre cette révolution numérique. Il est légitime de se poser cette question pour deux raisons. D’abord comme l’ont constaté G. Puel et C. Ullmann (2006), « le rêve de l’Internet gratuit, décentralisateur,

universel, aux valeurs démocratiques a laissé place à une réalité bien différente. L’accès à cette technologie n’est pas universel »65

. La deuxième raison est que ces outils modernes et

hautement technologiques dont Internet constitue le cœur, semblent ne pas trouver, les atouts nécessaires à leur mise en valeur dans tous les territoires. En effet, l'Afrique est la dernière dans le classement dans les échanges de flux de la mondialisation ; elle est peu présente avec une part marginale des informations, des capitaux et des biens dont la circulation planétaire repose également dans un organigramme où les nouvelles technologies tiennent une place de choix. Or, dans ce contexte de modernisation et de globalisation des économies, les pays africains se doivent de jouer pleinement leur rôle. Pour J. M. Katambue, « le nouveau mode

informationnel de développement, c’est la technologie de la production du savoir, du traitement de l’information et de la communication des symboles qui engendrent la productivité (…) au quatre coins du monde »66

. Alors, l’Afrique est-elle ce cinquième coin

non concerné ou l’un des quatre coins, marginalisés ?

Alors, il s'agit de comprendre à travers l'étude du cas sénégalais, les tenants et les aboutissants du processus de pénétration de l'Afrique dans la société de l'information toutefois, en évitant une fixation sur les recommandations mondiales à respecter pour

65PUEL Gilles et ULLMANN Charlotte. Les nœuds et les liens du réseau Internet : approche géographique, économique et technique, In L'Espace géographique, 2006/2 Tome 35, p. 96.

66 KATAMBUEJo M. La communication internationale à l’épreuve des faits : le paradigme des

réseaux. In La communication internationale. In Mondialisation , acteurs et territoires socio-culturels. Sous la

60 conduire ce projet africain. Ainsi comme le souligne C. Gueye et al. (2008)67, nous récusons l'existence « d'une norme imminente et un horizon et un seul, inéluctablement lié à la

mondialisation et la modernisation ». En effet, les données sociales et économiques de

l'Afrique montrent qu'il existe des voies et moyens originaux d'insertion des nouvelles technologies dans le continent car les réalités ne sont pas partout les mêmes. Pour A. Chéneau-Loquay (2007)68, « le besoin de communiquer à distance existe partout en Afrique

pour des raisons qui peuvent être différentes de celles des pays développés ». Ce qui renvoie à

la faiblesse des niveaux de vie, seules véritables explications de la nature originale du processus de construction de la société de l'information en Afrique.

Alors que le réseau est devenu la logique d'organisation dominante de la société d'aujourd'hui, les interactions et le partage continuel de l'information dans ce cadre nécessitent un savoir faire et des d'infrastructures dont l'Afrique est peu pourvue. Pour mettre les Tic au service du développement social, des réajustements majeurs s’imposent. Ceux-ci doivent passer par des réformes des politiques de la réglementation et des institutions, de même que par des investissements dans les infrastructures. Les responsables des politiques en matière de Tic au Sénégal doivent avoir à leur disposition des données probantes qui leur permettent d’instaurer un contexte propice à une participation accrue des sénégalais à la société de l'information. Les acteurs politiques ont besoin d’un solide éventail de recommandations et surtout de compétences pour élaborer des stratégies afin d'attirer les investissements nécessaires au développement économique et à la réduction de la pauvreté. Actuellement, les gouvernements africains n’ont d’autre choix que de prendre leurs décisions à la lumière des rares données dont ils disposent, et ce, dans un contexte socio-économique difficile. C'est l'Afrique en général qui a besoin de cette insertion des Tic dans son économie. En dehors de la mondialisation des échanges, la révolution numérique est l'autre phénomène qui intéresse le monde entier et le continent en particulier en ce sens que les Tic sont au premier rang des vecteurs de développement pouvant si toutes les conditions sont réunies le sortir de sa léthargie économique. Mais la masse d'informations échangée dans le monde à travers les médias numériques montre que l'Afrique profite peu de cette situation par rapport au reste du monde. Seule une minorité de pays sortent vraiment du lot. D'autres ne sont pas mal placés

67 GUEYE Cheick, EVENO Emmanuel.. et al. Rencontres régionales de l’e-Atlas de l’Afrique de

l’ouest. Ed. Université Toulouse Le Mirail ; Toulouse, 2006. p. 5.

68 A. CHENEAU-LOQUAY Annie. La connexion internationale de l'Afrique sub-saharienne. Entre

marché et bien public. In Perspectives sur la cité globale. Sous la dir. de MATHIEN Michel. Ed.Bruylant,

61 mais ont encore du chemin à faire. Le Sénégal peut compter sur son bon niveau d'équipements infrastructurels pour atteindre ses objectifs nationaux dans le domaine des Tic. Sa dynamique constitue à juste titre un objet de recherche en raison des nombreux changements qu'elle induit et des espoirs qu'elle suscite. Sur un plan socio-géographique, les disparités sociales pèsent également sur le développement des Tic et handicapent surtout le développement d'Internet en Afrique. Selon A ; Chéneau-Loquay (2004), « l'usage d'Internet épouse les

lignes de clivage socio-territoriales dans des configurations hétérogènes des territoires ». Le

modèle original qui s'est construit sur les réalités sociales, permet une timide croissance d'Internet et une croissance en flèche de la téléphonie mobile. Dans les sociétés africaines le Web n’est pas assez présent pour que l’on puisse considérer le continent comme partie intégrante à part entière à la société de l’information même si la téléphonie a connu un très grand succès car étant en phase avec les réalités locales notamment culturelles.

Donc il n’est pas juste de parler du global village comme si tous les territoires y étaient intégrés. Il y a sans doute un déterminisme fondé sur des critères endogènes qui confère à chaque société son degré d’insertion à la société de l’information ; cette donne doit être prise en compte. Alors, les instituions internationales et les États dans leur volonté de faire des Tic des leviers de développement social doivent mieux cerner le concept de société de l’information qui va au-delà d’un simple échange d’informations car elle participe aux dynamiques de socialisation, de gestion et de production dans le territoires.

Aujourd’hui, le maillage du territoire par les réseaux numériques de communication influe sur les territorialités elles-mêmes en ce sens que cette présence des Tic agit d'une part sur la distance et le temps (deux notions essentielles dans l'aménagement) en créant des formes virtuelles de territoire. La distance et le temps sont des facteurs qui pèsent sur la difficile gestion de la ville africaine. Et l'on pense qu’à travers l'insertion des nouvelles technologies, les pratiques territoriales urbaines en Afrique pourraient connaître des améliorations. Finalement, les impacts des Tic sur les sociétés se mesurent à travers l'ampleur des changements qu'elles portent réellement sur les territoires et non sur ceux qu’ils sont susceptibles de faire. D’où l’importance de maitriser la relation Tic/espace et de manière plus opératoire le lien Tic/territoire afin d’en mesurer les enjeux sociaux, politiques et économiques.

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III. LA GÉOGRAPHIE FACE À LA REFONDATION

DES TERRITOIRES PAR LA RÉVOLUTION

NUMÉRIQUE