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Une cartographie, une enquête et des entretiens, au cœur de la recherche terrain

CHAPITRE II : MÉTHODES APPLIQUÉES À LA

II. UNE DÉMARCHE GÉOGRAPHIQUE EMPIRIQUE D'un point de vue spatial, nombre d'attributs peuvent servir de variables d'analyse des

2. Une cartographie, une enquête et des entretiens, au cœur de la recherche terrain

2.1 Une cartographie comme outil initial d’observations et d’analyses spatio-temporelle

Le terrain occupe une grande place dans les représentations de notre discipline et endosse une forte dimension identitaire lisible sur l’espace, qu’il nous semble pertinent d’en interroger les fondements à travers la cartographie. L’établissement des cartes est au cœur de la démarche à suivre dans la compréhension du phénomène grâce au système d’informations ainsi constitué. En réalité, nous avons effectué une cartomatique c'est-à-dire « un ensemble de

procédés et méthodes utilisant l’ordinateur » (R. Brunet, 1987)134

pour bénéficier des capacités des logiciels Adobe Illustrator et MapInfo. Ce procédé nous a facilité l’actualisation des informations contenues dans nos cartes à chaque période de relevé. Ainsi, les cartes nous permettent d’abord de représenter de manière simplifiée la réalité ensuite, de disposer d’un moyen d'analyse et de comparaison d'espaces différenciés à différents moment de leur évolution, suivant les contextes socio-géographiques à la petite échelle du quartier. Cette première étape de notre travail de terrain est nécessaire pour étudier sur l’espace, l'impact des stratégies des acteurs impliqués dans le processus d’insertion desTic à travers l’accès populaire. En effet, notre méthode consiste en une cartographie diachronique de 2007 à 2010, pour observer l’évolution de la dynamique de l’accès populaire dans les quartiers. Ces zones étudiées sont choisies suivant des critères fondés sur des variables socio-géographiques et selon des données territoriales déterminant la vocation des zones urbaines comme quartier populaire ou résidentiel ou/et d’activités dans l’agglomération.

L’enseignement tiré de la dynamique des zones étudiées peut être ensuite confronté à la vision globale que peuvent avoir les acteurs des Tic dans l’agglomération dakaroise. C’est donc dans la perspective d’une catégorisation des objets spatiaux notamment les lieux d’accès

134 BRUNET Roger, FERRAS Robert et al. Les mots de la géographie : dictionnaire critique. Ed. Reclus et la Documentation française. p.91.

106 ouvert au public, et leur évolution spatiale que s'inscrit notre méthode cartographique. Mais aussi, c’est dans l’objectif d'un discernement global de la dynamique des Tic.

Ainsi, l’usage de la cartographie pourra-t-il nous montrer l'hétérogénéité des situations analysées de manière localisée ? Le relevé cartographique des données spatiales, renforcé par les enquêtes menées à chaque mission de terrain, nous a permis d’observer et d’analyser la pertinence des stratégies d’acteurs dans la mise en œuvre des politiques de vulgarisation des Tic dans l'agglomération dakaroise.

2.2. Un e enqu êt e et des ent retien s au cœur des act eur s

L'analyse documentaire et la cartographie ont précédé notre enquête et nos entretiens. Cette phase préliminaire exploratoire a été un préalable nécessaire car la phase d’enquête devait se baser sur des modalités claires. Il fallait comprendre la situation d'ensemble sur le terrain pour diligenter une enquête, localiser les lieux où il fallait se rendre pour des entretiens auprès d’acteurs aussi divers que variés. Ainsi, les critères d'échantillonnage ont été identifiés et validés par la situation décrite par la cartographie des quartiers étudiés.

L'enquête s’est déroulé en trois phases (juillet 2007, juillet 2009, décembre 2010) : elle a été menée auprès d'individus dans les quartiers étudiés (usagers, exploitants de lieux d’accès et membres de l’association des exploitants des télécentres). Elle a été aussi un moyen de collecte des données classées à la suite et traitées informatiquement afin de ressortir les enseignements en fonction de la problématique posée. Si l’enquête nous a permis de confirmer des réalités déjà observées à travers notre cartographie, il nous est arrivé par contre d'infirmer une réalité cartographique et même de reconsidérer certaines hypothèses à la suite de résultats d'enquêtes menées en collaboration avec des étudiants de l’Université Cheick Anta Diop de Dakar (UCAD) (phase de 2007) travaillant dans le cadre de leurs recherches en Master 1, sur des problématiques Tic localisées au sein de notre espace d'étude.

Les entretiens sont menés auprès d’un agent Sonatel (Mr Tall chargé des études et de la recherche à Sonatel, des personnels de l’ARTP (messieurs, Tall, Gueye, Sy, N’diaye chargés à un moment donné de la direction de la division du service universel), des membres de la société civile et des autorités communales (secrétaire général de la mairie de la Médina). Le protocole de l'entretien est le suivant : nous construisons notre entretien autour d’une question de fond: « En tant qu'acteur du domaine des Tic, le rôle que vous y tenez permet-il

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dans le pays ? » Ainsi, une série de sous questions ont été posées pour connaître les rôles, les

moyens et les visions de chaque acteur territorial dans le domaine des Tic au Sénégal. Les entretiens dans les lieux d'accès ont été les plus nombreux et mais rarement nous avons dialogué avec des personnes assermentées connaissant bien leur secteur d'activité. Pour la plupart, c'est plus des surveillants que des gérants car ignorant nombre de questions techniques que nous avons soulevées.

Dans les trois séries d'entretiens que nous avons eus, nous nous cantonnions souvent à dire aux gérants des points d'accès que nous sommes stagiaire à ENDA ou à l’ARTP pour ne pas qu’ils nous soupçonnent d’être envoyé par un concurrent. Mais lorsqu'il s'est agit d'entretiens auprès de personnes ressources dans les institutions gouvernementales ou les opérateurs privées, nous valorisons notre appartenance au GDRI-NETSUDS de l’IEP de Bordeaux et notre statut de stagiaire à l’ARTP ou à ENDA en déclinant clairement notre projet pour gagner leur confiance et fructifier notre entretien. Si dans les institutions publiques, on nous fait part des projets et ambitions du Sénégal dans les Tic, dans les entreprises privées la rétention sur les chiffres était de mise, seul notre interlocuteur de Sonatel Mr Tall a évoqué les politiques de développement de Sonatel mais, il a surtout insisté sur la politique infrastructurelle sachant qu'a l'époque avant l'arrivée du nouvel opérateur Sudatel en 2009, l'opérateur historique avait le monopole des équipements d'envergure. Quant aux acteurs du secteur non réglementé, ils nous font part de leur volonté de participer au développement du secteur mais se plaignent du manque de considération de l'État et des opérateurs envers eux.

Donc, l’analyse documentaire, la cartographie, les trois phases de l’enquête constituent des éléments fondamentaux dans le recueil et l’interprétation des données. Cependant, les associer à une ouverture sur les autres sciences, permet d’affiner le cadrage de la problématique sur la relation Tic/aménagement du territoire.

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III. UNE APPROCHE PLURIDISCIPLINAIRE POUR

UNE VISION GLOBALE DU SUJET

Pour J. P. Allix (1996), « le géographe, qui ne peut, sous peine de reniement, être

lui-même un spécialiste, puisque sa spécialité est celle de tous les autres à la fois, est bien obligé d'occuper la croisée des chemins car, s'il n'y était pas, il ne serait rien »135.Cette position est

exagérée car pour R. Brunet (2002), il n’existe pas une méthode géographique, mais des

méthodes en géographie (…) l’analyse cartographique des distributions spatiales, chorématiques136 sont des méthodes particulières à la géographie »137. La cartographie,

propre à la géographie est déterminante dans la compréhension d’une dynamique territoriale. Dans cette étude, elle sert d’instrument d’analyser des faits territoriaux avec des enseignements pertinents sur la question des accès populaires à Dakar. Néanmoins, nous ferons des emprunts aux sciences politiques, à la sociologie et à l'économie pour consolider notre méthodologie et approfondir les analyses sous d’autres angles ; les Tic étant présentes dans tous les domaines de la vie, sont étudiées aussi étudiées par ces sciences sociales. Toutefois, nous reconnaissons certaines limites de la géographie à rendre compte de la totalité des aspects dans une telle étude et les méthodes des sciences sociales permettent de profiter de leurs apports sur la question.

L’intérêt que nous portons sur les méthodes d’analyse des autres sciences est une plus value méthodologique facilitant notre lisibilité du phénomène. Comment les autres sciences sociales abordent-elles les rapports entre les évolutions des technologies de la communication ? Comment structurent-elles leur recherche face à une telle problématique ?Parmi les canevas d'étude construits par les sciences sociales, la plus générale est relative à l'analyse du contexte sociétal dans lequel le développement des Tic s'inscrit. Les suivants portent sur des problématiques observées de manière bien précise, comme les mutations dans les pratiques sociales et culturelles, les transformations économiques ou les innovations dans la gestion et

135 ALIX Jean Pierre. L'espace humain. Ed Seuil, Paris; 1996. p.15-16

136 D’après R. BRUNET et al. « Science du traitement des chorèmes (structures élémentaires de l’espace géographique) et de l’interprétation des structures spatiales par la reconnaissance et la composition des chorèmes » p.105.

137 BRUNET Roger, FERRAS Robert et al. Les mots de la géographie : dictionnaire critique. Ed. Reclus et la Documentation française. p. 328.

109 la production sur les territoires ; en somme une réflexion sur des nouvelles formes organisationnelles de l'espace. Le géographe entre dans la sienne par son objet d'étude traditionnel, l'espace ; c’est pourquoi nous avons démarré l’étude par une analyse de l’espace fondée sur une cartographie. L’observation du phénomène sous différents angles peut produire des résultats variés et constituer des socles d'interprétation des impacts des nouvelles technologies sur les territoires. Les sciences sociales dans leur analyse des rapports milieux/sociétés/Tic abordent, étudient et restituent de différentes manières, la nature de leur dynamique. Ainsi, n'est-il pas intéressant de considérer dans notre étude les approches et les productions des autres sciences sociales pour mieux affiner la compréhension de nos objets d'étude et de notre terrain de recherche ?

Nous avons donc recours à la pluridisciplinarité pour comprendre certains aspects insaisissables par le biais d’une notre seule approche géographique. Cette démarche pluridisciplinaire n’est pas juxtaposée à notre méthode géographique mais elle en est son complément. Il s'agit de voir en quoi le rapprochement de la géographie avec les autres sciences sociales permet de pénétrer dans chaque discipline et d'y puiser les raisonnements enrichissants pour notre étude. Les Tic ne sont pas une discipline mais des objets d’études ; elles ne sont pas aussi réservées, comme on pourrait le croire, aux ingénieurs en télécommunications et pris dans leur totalité, aucune science n’a la prétention d’expliquer la complexité du phénomène Tic. Lors des symposiums NETSUDS de 2007 et 2009, une bonne part des interventions ont évoqué les difficultés à saisir les manifestations territoriales des Tic. En outre, le monde des Tic représente dans l’univers des scientifiques un sujet d’étude difficilement saisissable en raison de la rapidité des progrès technologiques sans précédent auxquels nous ne sommes pas habitués. L’étude des Tic sur les territoires doit procéder volontairement de la pluridisciplinarité pour être à bien. Aujourd’hui, cette approche pluridisciplinaire est une nécessité absolue lorsqu’on veut minimiser la complexité du phénomène, son évolution très rapide et les innovations révolutionnaires qu’il engendre. La pluridisciplinarité situe notre géographie dans une dynamique d'échanges de connaissances, de méthodes et de conclusions avec d’autres disciplines avec comme objectif un enrichissement réciproque sur un objet scientifique étudié par divers spécialistes. Notre volonté est donc de parcourir les travaux d’autres sciences sans se soucier des frontières que d’ailleurs la géographie ne connaît pas. Cette approche pluridisciplinaire constitue un moyen de s’approprier des résultats transversaux des économistes, des sociologues et des politistes pour comprendre la complexité du monde nouveau des télécommunications. C'est le principe

110 du GDRI/NETSUDS dont la composition scientifiques diversifiée a permis de croiser les regards scientifiques sur une dimension de la question ; les observations diverses sur une question initiale donnent également des enseignements divers sur la question initiales. Par exemple, l’analyse des membres de NETSUDS sur la question du service universel en Afrique et en Asie a fait l’objet d’une publication d’articles scientifiques sur divers sujets à différentes échelles territoriales sur des domaines variés. Dans cet ouvrage, certains résultats présentés, alimentent des discussions par des échanges contradictoires mais constructifs. Alors, cette démarche pluridisciplinaire de notre groupe de recherche nous conforte dans notre choix d’en faire un moyen d’examiner globalement la question. Par contre, cette approche peut être déroutante dans la mesure où elle peut nous faire divaguer du cadre de réflexion sur les éléments socio-spatiaux que nous abordons dans cette étude. C’est pourquoi, l’approche géographique reste et demeure dans cette étude, l’outil privilégié d’observations et d’analyses des manifestations spatiales du processus Tic dans l’agglomération dakaroise.

1. Les TIC dans les autres sciences sociales : démarches et atouts pour une