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Un trop plein d'hommes et d'activités inégalement réparties sur un espace minuscule

L’AMÉNAGEMENT DEPUIS 1960

3. Dakar, la ville primatiale : entre gestion chaotique et tentative de rattrapage d’un espace urbain surpeuplé et sous aménagé

3.2.1. Un trop plein d'hommes et d'activités inégalement réparties sur un espace minuscule

Avec 24% de la population sénégalaise et 92% des services administratifs, la majorité des activités informelles inchiffrables, 95% des entreprises industrielles et commerciales, certainement concentrant la majorité de l'entreprenariat autour des nouvelles technologies, il n’est pas exagéré de dire que Dakar étouffe. Il ne s'agit pas seulement de donner des statistiques sur les caractéristiques démographiques de la population dakaroise mais d'analyser les niveaux d'adéquation entre son poids démographique et son niveau d'aménagement. S'agissant de la forte concentration de population, elle émane à la fois des migrations et du croît naturel de la population qui est moins apparente mais représente un facteur de taille ; il est la première source d'augmentation de la population urbaine du Sénégal.

S'agissant des migrations internes, il faut rappeler que dans les années 1950 à 1970, les campagnes alimentaient la ville en main d’œuvre de manière saisonnière. Pendant la saison sèche, les cultivateurs partaient en ville pour rentabiliser le temps qu’ils auraient passés à la campagne sans activité. A la période des « navétanes »248, peu avant les premières pluies de

l’été, ils retournaient au village, pour cultiver la terre. Mais, à partir des années 1980, les migrations saisonnières de la campagne vers la ville s'intensifient deviennent des exodes définitifs, dictées à la fois par la répulsion économique des milieux ruraux et par l’attractivité des zones urbaines. Cet exode rural a continué alors qu'il ne correspondait plus à la demande de la ville qui n'offrait pratiquement plus d'emplois, de logement et de sécurité. Les nouveaux immigrants qui continuent d'affluer ne font que grossir la masse des populations vivant déjà dans la précarité et renforcer l’augmentation de la démographie par une natalité élevée.

Les migrations sous régionales participent également au gonflement de la masse de la population dans l’agglomération. Il est cependant difficile de chiffrer la population immigrée venue de la sous-région. Ceci s’explique par la liberté de mouvements de populations en

193 Afrique de l’ouest. Mais, lorsqu’on parcourt la métropole sénégalaise, on se rend compte très facilement de la présence massive de ressortissants de la Guinée Conakry qui s’occupent dans le petit commerce dans les marchés, aux carrefours et au long des axes de communication. Une autre communauté non moins importante est celle des Libanais. Implantée à Dakar depuis l’époque coloniale, elle joue un rôle tout particulier dans le domaine du commerce de gros. La plupart réside à Dakar-Plateau.

Quant au croît naturel, le taux de natalité avoisine les 30 pour mille. A cela, s’ajoute un taux de mortalité qui se situe entre 10 et 15 pour mille. Le Sénégal est dans sa phase de transition démographique à l'image des autres pays d’Afrique subsaharienne. L’évolution de la structure démographique de la métropole dakaroise est marquée par la conjonction d’un taux de natalité élevé et d’un taux de mortalité en baisse. Les migrations ont ainsi un double effet à la fois sur la croissance et la structure par âge de la population. La population, de l'agglomération augmente vite mais c'est au niveau des banlieues de Pikine et de Guédiawaye que celle-ci est plus forte. Pikine concentre à elle seule 19% de la population totale du pays et près de 50% de la population urbaine dakaroise, malgré la crise socio-économique urbaine les ruraux gardent l'espoir de trouver une activité de rente et continuent d'affluer vers la métropole.

Cette croissance vigoureuse n'est pas le fait de facteurs internes seulement ; elle relève également de l'exercice des fonctions de ville métropole avec la création et la concentration de nombreuses activités moteur de la croissance économique du pays. Ces activités sont très mal réparties sur le territoire urbain mais le problème fondamental, c’est qu’elles doivent se contenter d'un minimum d'aménagement de surcroît, sur espace aussi étriqué. La concentration des activités dans la zone centre explique l’inconvénient de leur répartition déséquilibrée qui entraîne un afflux quotidien de milliers de personnes vers Dakar-Plateau durant la journée. Le centre historique est si saturé qu’aujourd'hui, sur sa pointe sud et récemment le long de la VDN s'est constitué un pôle administratif et un axe des affaires. Ce déséquilibre de la répartition des hommes et des activités donne au quartier central un statut de zone ayant des vocations multiples dans l'agglomération mais sur la base d’un fonctionnement marqué par des anomalies spatiales symbolisées par des encombrements de l’espace public et des embouteillages au centre ville. Le quartier n'a pas assez de possibilités pour caser l'ensemble des marchands ambulants stationnant sur des aires de circulation et malgré les décisions de les déguerpir, la situation n'a guère évolué. Pourtant, il arrive que les

194 autorités locales ordonnent le désencombrement de la voie publique, mais tellement les enjeux pour les marchands sont importants qu'il soit inacceptable de leur priver de leur gagne pain. En Septembre 2010, le maire de Dakar avait déclenché des opérations de désencombrement de la capitale mais celles-ci eurent des retombées éphémères malgré la détermination des autorités, comme le rapporte l'article de presse S. M. Cissé paru dans

L'observateur du 15 septembre, 2010.

Les marchands ambulants ont été sommés de quitter le rond point Sandaga depuis avant-hier. Pour faire respecter cet ordre, les agents municipaux veillent au grain. « Nous avons reçu l’ordre du directeur de coordination du projet des volontaires de la ville de Dakar, le commissaire Sakho, de déguerpir les marchands ambulants. Il nous a demandé d’occuper les lieux. Nous sommes là jusqu’à nouvel ordre», a affirmé hier, le chef de brigade d’intervention, (…). « Par moment, il y avait quelques uns. Mais nous les avons sommés de partir », poursuit-il. « Parmi les marchants ambulants, il y a des provocateurs. Les gens apprécient le travail. La circulation est fluide. Nous voulons une capitale saine», soutient le chef Moustapha Seck, qui révèle qu’il y avait au même moment des éléments qui surveillaient les allées du garage Petersen et celles du marché des Hlm. Ses propos sont corroborés par Amath Camara et Djibril Sangué. Le premier est l’adjoint au chef de l’unité de commandement du projet des volontaires de la Ville de Dakar. « Nous avons maîtrisé la situation. Nous sommes là depuis lundi à (sic) 8 heures. Pour le moment, la mission est accomplie », constate-t-il. La mairie leur avait suggéré de quitter au plus tard le 12 septembre, quarante huit heures après la Korité. Ce qui n’a pas été respecté. Le second M. Sangué a reconnu qu’il n’y a pas eu de problème. La Symad est la Synergie des marchands ambulants pour le développement. Son président, que nous avons trouvé sur les lieux, note que le maire (ndlr : Khalifa Sall) avait initié un projet pour déguerpir les points névralgiques, comme le rond point Sandaga et Petersen, pour des raisons de sécurité. « Nous sommes entrain de faire des démarches. Je veux que ça soit clair. Nous sommes d’accord pour partir, mais c’est la méthode que nous désapprouvons », admet-il. Les marchands ambulants du rond point de Sandaga ne s’y retrouvent pas. Leur souhait, aujourd’hui, est que leur cas soit géré de façon diligente.Ils demandent au chef de l’État et à la mairie de Dakar de parfaire leur projet de recasement.

Ces types de mesures ne sont pas durables car avec le temps les commerçants reviennent sur les mêmes lieux pour poser les mêmes problèmes. L'entassement et le bouillonnement des activités commerciales dans le triangle Sandaga créent un tohu-bohu qui n'apporte pas une prospérité économique à la majorité de ses acteurs mais représentent des moyens de se défendre de la crise. Il faut noter que la pérennité de la politique de la commune de Dakar est rendue difficile par la faiblesse des moyens des administrateurs. Par exemple, il aurait fallu transférer le marché Sandaga en dehors d'un centre ville déjà trop congestionnée.

195 En dehors du centre, le long de la VDN et de la zone industrielle, le dynamisme de la ville ne s'appuie plus que sur les activités informelles dominées par le commerce. A La Médina, le marché Tilène ou celui des HLM forment d'autres lieux de la dynamique urbaine et fonctionnent suivant les mêmes principes que celui de Sandaga.

Donc l'étroitesse de la capitale, conjuguée à la pression démographique, expliquent les difficultés du processus d'urbanisation. Il aurait fallu suivre les plans d'aménagement conçus pour harmoniser la croissance urbaine et démographique et éviter ainsi les dysfonctionnements de l’armature urbaine. Finalement, le processus d’urbanisation aboutit à une pression démographique forte, un étalement périphérique de l’habitat, une prolifération de l’habitat spontané et un niveau d'aménagement très peu efficace. Ce déficit de l’aménagement est une des préoccupations majeures des pouvoirs publics.