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2. La faisabilité de l’étude

2.2. Evaluation des critères de faisabilité d’un suivi éducatif à l’officine

2.2.4. Ressentis des différents acteurs

2.2.4.1.

Les étapes clé de la démarche selon les pharmaciens

titulaires

Il est important d’accueillir le patient en lui exposant la démarche, ainsi que de présenter la stratégie à tous les intervenants, et de prévoir un nombre de séances fixe, afin que le patient ait des repères d’évolution. L’étape clé est la première entrevue car elle permet de discuter de la pathologie, de diminuer les réticences liées aux médicaments et d’éviter l’abus médicamenteux, notamment dans le traitement de la migraine.

D’autres étapes déterminantes ont été signalées par certains titulaires :

• Prise de conscience par l’équipe du rôle actif qu’elle a à jouer en relais de la prescription

• Ciblage des patients à inclure

• Choix des objectifs à atteindre et des messages à faire passer au patient

Un des titulaires a remarqué qu’il s’agissait d’« une expérience double ». D’une part, elle a fait « germer dans l’équipe une autre expression du métier possible et permet au patient, dans certains cas, de modifier l’image d’un métier qui ne se résume pas à aller chercher des boites ». D’autre part, il a estimé que dans seulement « 1% des cas, ceci a permis de changer la vision du pharmacien et de détecter des anomalies (nouveaux symptômes par exemple) ».

2.2.4.2.

Les difficultés établies selon les titulaires

Le titulaire souligne qu’il a été « plus difficile de rencontrer les personnes actives » dans la pathologie du diabète de type II. Dans la sphère de la migraine, une difficulté supplémentaire concerne la « dépendance aux antalgiques ». Ainsi, nous avons dû constater un « manque d’amélioration pour certains patients, malgré une meilleure compréhension et utilisation » de leur traitement. A l’officine de centre commerciale, le titulaire a été confronté à un problème organisationnel : « fixer les rendez-vous en phase avec les horaires de stage ». Cela laisse à penser qu’il ne sera pas évident de déterminer des dates de rendez-vous dans une équipe officinale où les pharmaciens sont nombreux, ont des horaires fluctuants. On entrevoit la nécessité de centraliser les plannings de disponibilités, charge supplémentaire difficile à concevoir. De plus, lorsque l’officine est située sur un lieu de fort passage, les patients peuvent difficilement programmer à l’avance un horaire de rencontre.

Tous s’accordent pour dire que certaines séances sont trop longues, notamment parce que certains patients sont « trop bavards ». Il n’est pas forcément aisé d’apporter une information nouvelle aux patients. Néanmoins, il faut également savoir se contenter de redites, pour fixer les choses dans l’esprit du patient.

L’un d’entre eux souligne qu’il faut être prudent afin de « ne pas renvoyer le patient à son statut de malade ». L’éducateur ne doit pas « se contenter de resituer le rôle de chaque médicament » mais plutôt « sortir de la centralisation du médicament ». « Cerner les attentes exprimées ou implicites des patients » est une étape limitante.

« L’éducation thérapeutique doit se faire régulièrement. Il n’est pas besoin de l’envisager spécifiquement par rendez-vous. Tout pharmacien doit discuter et analyser la thérapeutique avec son patient, fidélisé ou non, chronique ou pas, quelque soit son problème de santé. Tous les patients de l’officine doivent bénéficier du même accueil et profiter des connaissances des pharmaciens» précise un titulaire maître de stage. Nous soulignons tout de même que les patients non fidélisés, sollicités par différents éducateurs seraient ainsi confrontés à une multitude d’informations, pouvant les perturber.

2.2.4.3.

Les contraintes vécues par les enquêteurs

Les patients âgés ont souvent placé le rôle du médecin au-dessus de celui du pharmacien, et se l’entendre répéter a été lassant. Certains patients ayant accepté de participer par courtoisie envers le titulaire n’ont pas hésité à exprimer leurs doutes initiaux quant à l’utilité de ces séances.

De même, les abandons en cours d’étude, comme les rendez-vous oubliés, laissent un sentiment de frustration à l’éducateur lorsqu’il avait déterminé des objectifs thérapeutiques intéressants et utiles pour le patient.

La pression liée à une forte activité au comptoir officinal a pu perturber certains éducateurs, même s’ils rencontraient leur patient dans un espace clos de confidentialité, car les autres membres de l’équipe officinale réclamaient sa présence en soutien.

Il est du rôle des éducateurs de reconnaître les diverses étapes de l’évolution psychologique du patient, notamment les difficultés psychologiques et sociales rencontrées pour atteindre les objectifs, et d’agir en conséquence (par exemple, analyse des difficultés pour atteindre les compétences définies au départ, et nouvelles négociations des objectifs et des moyens de les atteindre)166. Ceci dit, lorsque la discussion a trop dévié vers un domaine nécessitant un savoir-faire en psychologie, il a été difficile pour l’éducateur de stopper la discussion. Si le pharmacien ne peut pas se substituer à un professionnel de santé apte à gérer la situation, il doit orienter le patient vers la personne compétente, ce qui renforce l’importance de la collaboration entre les professionnels de santé. Il a été délicat d’aborder certains domaines menant le patient à se confier de façon trop personnelle. La question des antécédents familiaux a souvent été le facteur déclenchant un monologue au sujet des pathologies familiales et des drames qu’il a pu en découler.

Déterminer l’acceptation de la pathologie ou du traitement par le patient n’est pas aisé. La question ne se pose pas directement, est devinée à travers les propos du patient et pose les biais liés à la technique d’entretien semi directif abordés plus haut.

Un suivi sur six mois s’est avéré court car nous nous efforcions alors de rencontrer fréquemment les patients afin d’effectuer le diagnostic éducatif et les séances éducatives qui en découlent de façon rapprochées. Il nous aurait été souhaitable de pouvoir rencontrer ces patients quelques mois plus tard afin d’évaluer l’impact de la démarche sur la gestion de leur traitement.

2.2.4.4.

Satisfaction des étudiants enquêteurs

Au cours de la démarche, nous nous étions attachées à ces patients. Nous avons eu l’impression de les délaisser, car un échange particulier s’était créé, ils se sont livrés, ont été réceptifs et nous ont fait confiance. De plus, il nous paraissait dommage de ne pas continuer à les suivre.

Nous avons été agréablement surprises lors des questionnaires téléphoniques par croisement d’interlocuteurs : les patients nous ont bien accueillis et les avis étaient dans l’ensemble très positifs. Les patients semblaient satisfaits par ce suivi effectué sur une période de six mois.

Les encouragements issus des discussions avec les médecins nous ont réconfortées dans le fait de privilégier la communication entre le patient, son médecin et son pharmacien.

L’éducateur et le pharmacien ne font qu’un. On peut être amené à parler d’autres choses que ce qui concerne le suivi éducatif d’une pathologie chronique en fonction des attentes ou besoin du patient.

2.2.4.5.

Avis des médecins de l’étude

Le projet d’éducation thérapeutique à l’officine est bien accueilli par 86% des médecins. Ils estiment qu’une nouvelle explication des traitements et des plans de prise par un autre professionnel de santé, utilisant donc d’autres termes, est nécessaire à une bonne prise en charge du patient. La proximité du pharmacien au quotidien, face à une pénurie démographique médicale, a été signalée par une grande majorité des médecins. Cette proximité a été qualifiée selon un neurologue comme « facilitant le dialogue et le repérage des patients en déviance » (patients ayant une observance médiocre, ayant une forte automédication…).

Par contre, certains médecins ont été surpris par cette démarche. Pour ces derniers, une discussion sur le rôle des pharmaciens a été mise en place. Elles se sont parfois avérées déroutantes. Certains craignaient que le pharmacien déborde sur leur propre rôle, mais après une explication plus profonde de la démarche, ils ont accepté que le diagnostic éducatif n’affecte pas le diagnostic médical. D’autres ne comprenaient pas l’importance de l’éducation, puisque d’après eux, « ils expliquent déjà suffisamment les choses aux patients ». Enfin, d’autres trouvaient la situation paradoxale, puisque face aux étudiants en pharmacie organisant des séances d’éducation, il y a des confrères qui vendent des produits sans conseil alors que ce ne sont pas des médicaments anodins.