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La nécessité de revoir et faire évoluer l’organisation du modèle officinal

3. Les perspectives

3.2. La nécessité de revoir et faire évoluer l’organisation du modèle officinal

Telle que décrite, l’activité d’éducation thérapeutique fait appel à des compétences ciblées à mettre en œuvre au cœur d’une organisation adaptée.

Deux questions majeures émergent de ce travail : 1. L’officine est-elle la bonne place pour l’éducation thérapeutique formalisée ? ; 2. Si oui, comment intégrer le travail de l’officine à une démarche multidisciplinaire, garantie principale de la pertinence de la démarche éducative ?

L’officine est-elle la bonne place pour l’éducation thérapeutique ?

Les résultats de notre travail mettent en lumière que l’investissement à consentir par un titulaire d’officine pour mettre en œuvre cette pratique est important : organisation spatiale (lieu de confidentialité) et temporelle (programmation des rendez-vous), intégration à la pratique quotidienne de l’officine, allocation de « temps-pharmacien » nécessaire à la démarche, coût de la formation… pour des bénéfices difficiles à évaluer à court terme.

Il semble clair qu’une officine de taille modeste puisse difficilement opérer de tels investissements. Pour ce qui est des officines plus importantes, le choix reste entier. Les résultats de cette étude montrent que la démarche est faisable moyennant quelques aménagements (cibler les patients ; raccourcir le temps des séances éducatives ; programmer les rendez-vous…). La démarche est faisable, sous l’hypothèse d’une insertion forte du projet dans une dynamique collective au sein de l’entreprise. Dans ce cadre, il semble peu réaliste de détacher une personne de l’équipe qui deviendrait « le spécialiste » en éducation thérapeutique. Il semble plus raisonnable de former plusieurs personnes de l’équipe qui, dans le cadre des activités de routine, pourraient devenir « personnes-ressources » pour un champ de pathologie ou une classe thérapeutique donnée. Ces référents pourraient être « consultés » par les autres membres de l’équipe officinale, pour certains patients complexes à gérer (sous l’hypothèse d’une organisation favorisant la qualité du contact et la prise en compte du « temps-patient »). La pertinence de cet investissement sera assurée par l’engagement de l’officine vis-à-vis de ses partenaires extérieurs à l’officine.

Comment intégrer le travail de l’officine à une démarche multidisciplinaire ?

Quelques éléments clés ressortent de ce travail :

• renforcer la stratégie de documentation des actes et des interventions pharmaceutiques dans un dossier structuré (dossier patient informatisé, création d’un dossier de suivi éducatif dans le dossier pharmaceutique du DMP), ce qui représente une des actions historiques notamment de l’Ordre des Pharmaciens (Opinion Pharmaceutique ; Henri Lepage) ;

• a minima, renforcer la stratégie de communication avec les autres acteurs de la prise en charge du patient. La cohérence des messages apportés au patient représente un facteur essentiel de la stratégie. Tout message contradictoire décrédibilise la stratégie et les

professionnels de santé. Nous avons par exemple développé une synthèse écrite de l’action à destination du médecin ;

• a l’optimum, prédéfinir l’action d’éducation thérapeutique de manière concertée : en négociant avec le médecin traitant un projet de consultation pharmaceutique, sur des patients ciblés ; en intégrant un réseau de soins dans lequel l’activité d’éducation thérapeutique serait reconnue à part entière dans l’offre de soin ; en désignant un pharmacien-référent dans le contexte du relais hôpital-ville. Dans ce cadre, le pharmacien endosse tout à tour un rôle d’éducateur « généraliste » (pratique du diagnostic éducatif et rôle de « triage » vers les professionnels les plus adaptés à répondre aux besoins des patients, au sein du réseau) ou un rôle de consultant spécialiste dans la problématique « médicamenteuse » (gestion d’un défaut d’observance, gestion des effets indésirables médicamenteux…).

Au final, la reconnaissance de la démarche d’éducation thérapeutique par l’instance publique et les ouvertures de contrats formalisés passe par : 1. la mise en cohérence et donc la lisibilité globale de l’action en réseau multidisciplinaire ; 2. la mesure de sa pertinence sanitaire et sociale, qui sera acquise au prix de stratégies d’évaluation rigoureuses.

Thèse soutenue par : BOCQUET Claire

Titre : ETUDE DE FAISABILITE D’UNE DEMARCHE DE SUIVI EDUCATIF A L’OFFICINE : APPLICATION A LA MIGRAINE

CONCLUSION

Un des défis majeurs auquel doit dorénavant faire face le système de soins est celui du vieillissement de la population. Cette évolution démographique va de paire avec une prévalence croissante des affections chroniques. Les réponses du système de soins sont de plus en plus techniques et morcelées, offrant des garanties sous-optimales en terme de sécurisation des patients. Les chiffres concernant l’iatrogénie médicamenteuse sont à ce titre éloquents : la moitié des erreurs médicamenteuses serait potentiellement évitable (ENEIS 2005). Les enjeux de santé publique sont alors ceux de la rationalisation de la filière patient, grâce au développement de stratégies de diffusion de l’information entre professionnels, médicaux et paramédicaux, de mise en réseau des structures et prestataires de soins, ambulatoires comme hospitaliers et la mise en œuvre d’un véritable accompagnement des patients atteints de pathologies chroniques ou « suivi éducatif ».

L’objectif de la présente recherche était d’évaluer la faisabilité d’un suivi éducatif à l’officine.

Concernant la méthodologie, de janvier à juin 2006, lors de notre stage de pratique professionnelle, nous avons opéré le suivi éducatif de patients ambulatoires, fidélisés à leur officine et concernés par une pathologie chronique parmi les cinq décrites ci-dessous.

Pathologies d’inclusion Educateurs Titulaires, Localisations

Migraine BOCQUET Claire Mme LAMEYNARDIE, Annecy le Vieux (74) Diabète de type II FORTIN Emeline Mme BOYER, Grenoble (38)

Asthme et B.P.C.O GOUDARD-PEYROLON Elsa M. MODELON, Guilherand-Granges (07)

Anticoagulants oraux MATHELET Catherine M. et Mme BOURDARIAT, Pontcharra (38) Insuffisance cardiaque RIQUELME Julie M. et Mme ROUGIER, Saint Martin d’Hères (38)

Les patients volontaires étaient informés, recrutés puis rencontrés dans un espace de confidentialité ou à domicile, afin d’établir un diagnostic éducatif. Ce diagnostic permettait de

fixer avec le patient des objectifs éducatifs. A chaque entrevue ultérieure planifiée, l’éducateur travaillait avec le patient à un objectif particulier, s’aidant, pour ce faire, d’un ensemble d’outils pédagogiques adaptés.

L’évaluation de la faisabilité de cette démarche s’est effectuée sur 5 types de critères retenus : 1. la pertinence de l’information apportée aux acteurs au sujet de la démarche (acceptabilité de l’entrée dans le dispositif) ; 2. l’organisation spatio-temporelle (prises de rendez-vous, assiduité aux rendez-vous, nombre de rencontres par patient, lieu de l’entretien) ; 3. les outils du suivi éducatif (dossier patient, diagnostic éducatif, thèmes envisagés durant les séances, documentation proposée au patient, supports pédagogiques) ; 4. la satisfaction des différents acteurs (à l’issue de l’expérimentation par des questionnaires et retours d’expériences) ; 5. l’impact économique de la démarche (coût moyen de la stratégie).

Les résultats principaux sont les suivants. Concernant l’entrée dans le dispositif, 73 patients ont été sollicités, 21 ont refusé la démarche et 9 l’ont abandonné en cours de suivi. Les résultats de ce travail concernent donc 43 patients, dont la moyenne d’âge est de 63 ans (de 6 à 90 ans), soit 7 pour asthme/BPCO, 8 pour insuffisance cardiaque et diabète de type II, 10 pour AVK et migraine. Vingt-huit des 33 médecins sollicités ont retourné le questionnaire rempli. Concernant l’organisation de la démarche, le nombre moyen de séances par patient effectuées par chaque enquêteur est de 2,7. Sept pourcent des patients ont été rencontrés uniquement à domicile, 93% à l’officine ou de façon mixte. Parmi ces derniers, 68% ont été rencontrés uniquement dans l’espace de confidentialité, 32% au comptoir ou dans cet espace. La durée moyenne du diagnostic éducatif a été de 44 minutes et celle d’une séance éducative de 28 minutes. Concernant les outils pédagogiques, l’éducateur s’est efforcé de personnaliser les outils pédagogiques qu’il a utilisé lors du suivi éducatif, selon le patient, ses besoins et attentes. Concernant la satisfaction des différents acteurs, la démarche a été appréciée par 95% des patients. Soixante-dix-huit pourcents referaient appel à cette proposition de service pour une autre pathologie et 95% conseilleraient ce mode d’échanges à un proche. La majorité des médecins était satisfaite mais certains relevaient le caractère contradictoire de l’image qu’ils avaient du pharmacien : commerçant et, dans le présent projet, éducateur. Les avis des titulaires divergeaient mais tous s’accordaient sur l’importance du rôle de pharmacien éducateur.

adaptée au suivi éducatif. Malgré ses bénéfices, la visite à domicile reste complexe à mettre en place. Quelque soit l’âge du patient et le stade d’intervention dans sa maladie, le succès de la démarche d’éducation dépend de la motivation de ce dernier. Le suivi éducatif doit être adapté aux besoins et attentes du patient. Le pharmacien doit non seulement s’appuyer sur la polyvalence de ses connaissances mais aussi se former aux techniques de communication et à l’approche éducative en santé, afin de mener des entretiens structurés et limités dans le temps. Reste que le rapport bénéfice / investissement associé à une telle stratégie est difficile à évaluer. Le temps de présence du pharmacien pour mener à bien le suivi éducatif s’avère difficilement compatible avec l’activité officinale actuelle.

De manière plus fondamentale, la collaboration multidisciplinaire est indispensable pour développer un suivi éducatif cohérent et renforcer les messages délivrés aux patients. Un dossier unique, le dossier patient, permettrait d’établir des objectifs communs au réseau de professionnels. Il permettrait également un relais optimal entre l’hôpital et une pharmacie référente à qui serait confié le suivi thérapeutique. On pourrait envisager une labellisation de cet acte pharmaceutique pour des pharmaciens qualifiés, acte qui pourrait être prescrit par le médecin.

ANNEXES

Annexe 1 : Condition de prise en charge par le système de soin australien d’une consultation pharmaceutique prescrite pour au moins 1 des raisons prévues.

Le patient …

• doit prendre régulièrement 5 médicaments ou davantage

• doit prendre chaque jour 12 doses de médicaments ou davantage

• a vu son traitement changer significativement dans les 3 derniers mois

• a des traitements ayant une marge de sécurité étroite ou nécessitant un suivi thérapeutique

• présente des symptômes évoquant un effet indésirable

• ne répond pas bien à son traitement

• n’est peut-être pas bien observant ou a des difficultés à utiliser un dispositif de dispensation

• a du mal à prendre correctement ses traitements par suite de handicaps

• consulte de nombreux médecins

Annexe 2 :Extrait de la grille d’évaluation de la qualité de la tenue du dossier du