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Les biais méthodologiques inhérents à l’étude

Nous analysons ici le processus éducatif développé (sélection des patients, choix de la démarche et des supports…) puis la méthode d’évaluation de la démarche.

1.1.

Biais de sélection des patients

Le nombre de patients engagés dans l’étude est de 43, échantillon imposé par la courte période d’inclusion et le choix méthodologique sous-tendant ce travail pilote, à savoir une approche monographique.

Les abandons et refus de participer sont discutés aux points 2.2.1.3 et 2.2.1.4.

Cette démarche pilote favorise la rencontre de personnes volontaires et disposant de temps. L’échantillon est constitué principalement de patients fidélisés, plus faciles à contacter. Ne sont pas incluses les personnes de passage, ou celles se présentant plus rarement à l’officine. La population active est peu représentée (10 patients sur 43).

Quand le titulaire a choisi les patients, il a pu sélectionner des patients ouverts au dialogue, avec un niveau de compréhension suffisant : le suivi éducatif en est a priori facilité dès la sélection du patient.

1.2.

Biais liés au lieu d’étude

Nous avons tenté d’établir les critères de faisabilité quelque soit la pathologie concernée et l’organisation officinale dans laquelle s’est effectué le suivi éducatif, afin de rendre la démarche réalisable en toute situation. Cependant, nous étions dans 5 officines différentes, avec une équipe, une pratique et une clientèle différente. Ainsi, chaque expérience vécue a été différente.

Aucune officine ne se situait dans un milieu rural, donc nous n’avons pas pu évaluer la faisabilité de la démarche dans ce type d’officine à organisation différente (acteurs de santé dans un secteur géographique étendu, pratique officinale plus intégrée, liens plus rapprochés avec les patients…).

1.3.

Biais liés à la technique d’entretien semi-directif

L’enquêteur peut influencer le patient par ses propres opinions151. L’enquêté peut également modifier son discours de façon à se conformer aux idées supposées de l’enquêteur152. Ce biais est difficilement mesurable dans notre étude car c’est une notion subjective qui dépend de la personnalité de chaque patient. Pour minimiser ce biais, l’enquêteur doit être ni trop proche, ni trop distant, pour que le patient puisse s’exprimer librement et de façon précise sur le sujet.

La place de l’enquêteur peut influencer ce type d’entretien : notre propre façon de le mener a-t-elle été efficace, n’induisions-nous pas les réponses, avons-nous respecté une neutralité maximale ?

Le patient peut discuter de façon superficielle sur un thème donné soit en affirmant des propos d’ordre très général, soit en dissertant sur le thème153. Pour pallier à ce biais, nous avions fixé une liste des thèmes à aborder lors des séances et les objectifs thérapeutiques issus du diagnostic éducatif étaient clairement définis et négociés avec le patient avant chaque séance éducative.

Au final, c’est l’expérience de ce type d’entretien qui permet d’affiner la technique face au patient.

Enfin, la technique d’entretien sélectionnée oblige une retranscription des dires du patient : cette retranscription s’est effectuée après l’entretien avec le patient. Un biais de mémorisation peut aussi fausser la retranscription.

1.4.

Biais liés au statut « étudiant » de l’enquêteur

L’étudiant en stage de pratique professionnelle, nouvel arrivé dans l’équipe officinale, est inconnu pour les patients dans la majorité des cas. De plus, l’enquêteur s’est présenté comme un étudiant en 6ème année de Pharmacie préparant sa thèse d’exercice pour être pharmacien. Cette méconnaissance, associée à une faible expérience des techniques d’éducation et d’entretien, peut amener une certaine méfiance de la part du patient.

Chaque éducateur a choisi une attitude différente dans la manière de procéder pour cette démarche. Une première attitude « programmée » proposait aux patients un nombre défini de séances et les objectifs à aborder et fixait des horaires précis de rendez-vous. La méthode était rigoureuse et permettait aux patients de se repérer dans la démarche. Une seconde attitude plus souple et personnalisée, s’adaptant à chaque étape, laissait au patient plus de liberté mais a abouti à une adhésion plus faible de sa part. Ces deux types d’attitudes ont pu provoquer une contradiction ou une divergence des résultats dans certains domaines, ou plus simplement une dualité dans l’évaluation de certains critères de faisabilité. De façon plus large encore, la diversité des cinq retours d’expérience enrichit l’évaluation de la faisabilité et prouve qu’il peut être délicat de formaliser cette démarche de suivi éducatif.

1.5.

Biais liés au dossier patient élaboré

Il aurait été intéressant d’ajouter au dossier patient (dans l’item « historique médicamenteux ») une rubrique concernant l’iatrogénie, afin de connaître le nombre de patients ayant déjà été hospitalisés pour effets indésirables graves liés aux médicaments. Sans tenter d’en mesurer l’impact sur la santé des patients, cela aurait permis de justifier de façon plus précise la démarche en tant que relais entre la prescription habituelle pour le patient et l’ordonnance de sortie de l’hôpital après évènement iatrogène. Les statistiques françaises, nous l’avons détaillé en partie bibliographique, mettent en lumière un nombre important d’accidents iatrogènes au sein des structures hospitalières.

1.6.

Biais liés aux hospitalisations et décès des patients pendant

l’étude

L’hospitalisation des patients pendant la période d’étude a eu des répercussions sur l’organisation des séances et sur la programmation des objectifs fixés. Un des patients insuffisant cardiaque a été hospitalisé au cours de la période de suivi éducatif pour des calculs biliaires. Une forte chute de tension a conduit le médecin à changer son traitement momentanément. Préoccupé par cette modification, le patient a émis le souhait lors de la séance suivante de parler essentiellement de ce nouveau traitement car il avait besoin d’être rassuré et voulait obtenir des informations sur les raisons de ce changement. Lorsque la cause d’hospitalisation était différente de la pathologie d’inclusion, l’enquêteur a été amené à aborder des thèmes non préparés à l’avance pour apporter les informations nécessaires à la nouvelle situation du patient.

L’hospitalisation ou décès pendant la démarche a également perturbé l’évaluation de la démarche car deux questionnaires n’ont pu être remplis pour ces raisons. Un patient insuffisant cardiaque est décédé en cours d’étude (suite à un infarctus du myocarde). Il avait bénéficié d’un diagnostic éducatif et d’une séance éducative. Et un second patient, sous anticoagulants oraux, a été hospitalisé au milieu de la période de 6 mois, donc la seconde séance programmée a du être annulée, et a été hospitalisé de nouveau à la fin de l’étude donc le questionnaire ne lui a pas été proposé. Les hospitalisations n’étaient pas en rapport avec la prise d’anticoagulant, et n’ont pas modifié le traitement.

1.7.

Biais liés aux questionnaires d’évaluation patient

Nous n’avons pas exécuté de pré-test des questionnaires. Ceci aurait été enrichissant car nous aurions vu que certaines questions étaient inexploitables et que le questionnaire était trop long. Le nombre de questions doit être inférieur à 20 pour éviter un effet de lassitude, à l’origine de réponses peu fiables163. Par conséquent, les patients se sont lassés et, au bout d’un certain temps, répondaient hâtivement.

Nous avons respecté à 85% la façon optimale de remplir les questionnaires patient : par téléphone avec croisement d’interlocuteurs (Figure 48). 88% des patients ont pu être joints pour répondre au questionnaire.

3% 10% 3%

85%

De façon croisée entre enquêteurs, par téléphone

L'enquêteur lui-même, par téléphone

En rendez-vous avec le patient

Par échange postal

Figure 48 : Techniques de remplissage des questionnaires patients (n = 39)

Les questionnaires ont été remplis à la fin de la période d’étude, or certains patients avaient rencontré l’enquêteur longtemps auparavant. Peut-être la mémoire des détails de ces séances en était moins précise, même si l’évaluation faite à distance des séquences d’éducation a l’avantage de laisser aux patients le temps de la réflexion pour mieux souligner les points forts et les faiblesses de l’éducation163. En outre, téléphoner chez le patient créait un risque de le déranger ou de faire appel à sa mémoire dans un contexte différent de celui concernant les séances éducatives. Malgré le croisement d’interlocuteurs lors de ces appels téléphoniques, certains patients répondaient plus courtoisement qu’objectivement.

Ainsi, nous avons constaté une discordance entre les propos recueillis lors des questionnaires patients et la réalité estimée par l’enquêteur. Par exemple certains patients ont affirmé n’avoir reçu aucun agenda de la migraine, n’avoir vu aucun outil éducatif au cours des séances ; d’autres ont donné une définition erronée de l’asthme ou d’un INR supérieur à 5 ; d’autres encore ont sous-évalué la durée et le nombre des séances. Cette discordance est à prendre en considération dans l’évaluation du ressenti des patients.