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2. La faisabilité de l’étude

2.2. Evaluation des critères de faisabilité d’un suivi éducatif à l’officine

2.2.5. Relationnel entre les différents acteurs

Au cours des six mois, les patients inclus dans l’étude dialoguaient de plus en plus facilement, osent poser les questions sur des sujets variés. Parfois, des séances improvisées se mettaient en place à la demande du patient, suite à un problème rencontré, une évolution de la pathologie ou d’une autre pathologie. Les patients se sentaient reconnus, soutenus et

souhaitaient être suivis par leur « référent » à l’officine. Le pharmacien devenait, au dire de certains, des patients, un spécialiste, « au même titre qu’un médecin ».

Pour certains patients, ces rencontres ont été l’occasion : de discuter, de sortir de la routine, d’avoir de la compagnie (personnes seules) ou encore de rendre service à l’enquêteur. Au début de l’étude, la plupart n’était pas conscient du rôle fondamental de notre démarche et ont accepté de participer pour des raisons différentes : avant tout faire plaisir à leur pharmacien ou à l’étudiant, ou encore faire avancer la recherche, par confiance en leur pharmacien, par intérêt, par curiosité ou pour évoquer un sujet personnel face à un pharmacien. Peu à peu, de plus en plus impliqués dans les rendez-vous, beaucoup ont avoué au cours des questionnaires avoir été ravis de ces rendez-vous pharmaceutiques car ils ont été l’occasion « d’apprendre beaucoup de choses » (extrait d’un questionnaire patient diabète de type II) sur leur maladie et leur traitement. Nos patients ont reçu un certain nombre d’informations de la part de divers professionnels de santé, le rendez-vous pharmaceutique a été l’occasion de centraliser toutes ces données et de fixer les idées essentielles.

Une patiente a exprimé un mécontentement par rapport aux interventions verbales de l’étudiant, car les questions posées au sujet de son traitement anticoagulant et ses particularités lui semblaient être celles posées par son médecin. Elle ne comprenait pas l’intérêt qu’avait l’éducateur à poser des questions similaires à celles auxquelles elle avait déjà répondu chez son médecin. L’éducateur a du souligner qu’il n’avait pas accès au dossier médical constitué par son médecin.

Quant aux éducateurs, ils ont acquis plus d’aisance au fil des séances et se sentaient responsables de leurs patients. Dans le cadre de la migraine, une patiente a déclaré un cancer durant la période de l’étude. L’éducateur connaissant la personne, n’a pas hésité à lui demander des précisions sur ce cancer, pour l’épauler dans cette période difficile. La patiente a apprécié cette écoute professionnelle et cet intérêt porté à son égard.

L’enquêteur a pu jouer son rôle d’orientation du patient vers d’autres professionnels de santé. Concernant les réseaux spécialisés existant, nous avons informés 11 patients de leur existence, dont 3 ont pu l’intégrer.

La démarche a permis de développer un nouveau lien entre les médecins traitants et la pharmacie. Une collaboration différente du contact actuel (appels téléphoniques pour difficultés de lecture des ordonnances, interrogations sur des posologies, interactions, …) a pu s’établir. Les contacts (téléphoniques, par courrier ou visuels) concernaient l’information au sujet de la démarche et, dans certains cas, des discussions au sujet du patient. Dans le cadre de la migraine, l’éducateur a informé le médecin traitant de la forte automédication d’une patiente, il a été discuté pour des patients des moyens pour une meilleure prise en charge notamment un recours à des méthodes parallèles. De même, il a été nécessaire de demander au médecin traitant d’une personne âgée sous anticoagulant oral s’il était conscient d’une autogestion des prises d’AVK en fonction des valeurs d’INR. Après discussion, le médecin, le titulaire et le biologiste ont été unanimes : ce patient a tendance à fabuler, mais il est bien suivi par ces trois intervenants.

Patients comme professionnels de santé doivent travailler plus étroitement ensemble. Le patient n’est jamais vierge d’expérience ni de savoir par rapport à sa maladie. Il n’est pas une page blanche sur laquelle s’écrirait son éducation. Ne pas chercher à connaître cette « culture » du patient, c’est prendre le risque de l’affronter, de la contredire sans succès, tant il est vrai que ces conceptions initiales se sont forgées au cours des années et sont par conséquent très solides163.

2.2.6.

Impact économique de la démarche

La question de la rémunération de cet acte pharmaceutique est rapidement posée. Nous nous sommes investies en consacrant du temps pour préparer les séances, remplir les dossiers concernant les patients et rechercher la réponse adaptée à chacun de ses besoins. Pendant ce temps, nous n’étions pas disponibles pour prêter main forte au comptoir. Pire encore, nous n’étions pas joignables lors des visites à domicile.

Nous aboutissons à un coût moyen global par patient suivi de 95,62€.

La mise en place d’un suivi éducatif à l’officine sera dépendant de la structure officinale. Le risque lié à la mise en place d’un suivi éducatif est le retrait forcé des officines

non structurées sur un modèle économique puissant capable de développer ce nouveau service173.

La notion de service payant n’a été abordée que par un patient, en demandant à la fin de la séance consacrée au diagnostic éducatif combien elle devait à l’éducateur. Elle se sentait redevable du service rendu.

Le rapport bénéfices / temps passé est difficilement évaluable car aucun impact sur la santé des patients n’a été réalisé. Cependant, le temps de mobilisation d’un pharmacien par patient nous a paru trop important par rapport au temps de présence nécessaire au reste de l’activité officinale. Une rémunération de la démarche donnerait sans doute une impulsion à la démarche.

Trois titulaires sur cinq estiment que ce service devrait être rémunéré. Le premier a précisé que c’était un « investissement de temps important », apportant des « conseils personnalisés » et cela « mobilise un pharmacien en consultation qui ne peut pas être au comptoir ». Le second a souligné encore « le temps passé ». « La profession évolue vers une prestation de services et la seule marge commerciale ne pourra pas impliquer suffisamment le professionnel. Parallèlement, le fait de devoir rendre compte dans le cadre d’une rémunération implique davantage le professionnel de santé » a spécifié le dernier. Les deux autres titulaires n’ont pas souligné la nécessité d’une rémunération de ce suivi éducatif. Le premier a relevé que « cela entre dans le débat rémunération à la marge ou à l’acte ». Plus précisément, l’autre titulaire a soulevé que « l’acte pharmaceutique justifiant le monopole d’exercice implique de faire de l’éducation thérapeutique. »