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Ce parcours problématique nous a ainsi amené à nous intéresser à la dimension productive et active de l'environnement sonore et plus précisément à celle de l'usager. L'environnement est donc le fruit d'une production sonore complexe et variant constamment. Parmi la multitude de sons qui sont produits dans notre environnement, nous avons choisi de concentrer nos investigations sur ceux de l'usager. Ce dernier, dans ses actions ordinaires, produit une quantité significative de sons qui influencent à la fois ses propres actions (sonores ou non) et productions sonores futures, mais aussi celles des autres. Il a aussi été mentionné qu'il ne sera pas question d'entreprendre une recherche sur l'ensemble de ces sons, cela serait une entreprise trop fastidieuse, mais uniquement sur ceux, banals et triviaux, des actions ordinaires provenant directement de l'usager sans aucune prothèse technique. Ainsi, son de voix, frottement, bruit de pas, etc., seront les sonorités sur lesquelles nous porterons notre attention.

Afin de nous aider à mieux comprendre de quelle manière ces sonorités usagères interagissent avec son émetteur, l'environnement dans lequel elles sont diffusées et avec la collectivité, nous avons développé le concept de trace sonore. Celle-ci nous aidera à comprendre, à

nommer et à spécifier chacun des sons produits par l'usager. La trace sonore correspond donc à ces sons issus d'une action effectuée par l'usager dans un environnement. Elle permet de révéler le processus et les conditions de l'action productive d'un son. L'objectif de ce travail est de questionner la dimension productive et active des traces sonores émises par l'usager lors de son expérience sonore de l'espace public urbain.

Nous affirmons donc que les traces sonores produites par les usagers dans ses actions ordinaires sont le reflet de multiples interactions avec lui-même, les autres et son environnement. Les traces sonores agissent à la fois sur la production sonore et les actions sonores (ou non) qui s'ensuivront. Celles-ci influencent donc directement l'environnement sonore en y transformant les ambiances sonores et en y étant transformées tout autant à leur tour.

Par la suite nous avons précisé notre questionnement sur les traces sonores en spécifiant que nous nous intéressons aux traces sonores de pas en nous posant la question suivante : qu'est-ce que

les traces sonores d'un pas génèrent dans l'espace collectif ? Nous croyons que celles-ci

fournissent à l'usager, à même son expérience sonore, des informations clés concernant l'espace, le son, lui-même et les autres. En d'autres termes, nous tenterons de démontrer que la trace sonore de pas possède un potentiel d'action, une dimension productive et active, qu'il y a interaction entre l'ensemble des éléments qui composent l'expérience sonore de l'usager dans l'espace collectif urbain.

Dernier niveau de questionnement, cette fois-ci méthodologique, à savoir celui concernant la manière dont nous allons réussir à recueillir les données que nous souhaitons analyser ? De quels

outils et méthodes disposons-nous pour répondre à nos interrogations et appuyer nos hypothèses ? Sachant, que les méthodes actuelles utilisées en Sciences tant Humaines et Sociales

que celles pour l'ingénieur, ne nous semblent pas adéquates, celles qui pourraient se rapprocher le plus de nos préoccupations correspondent à celles développées par le CRESSON depuis maintenant plus d'une trentaine d'années sur l'écoute réactivée et le parcours commenté21. Par contre, aucune d'entre elles ne nous semble pertinente afin d'acquérir l'information que nous souhaitons. Elles possèdent toutes un biais, une limite qui nous empêche d'en faire usage dans notre travail de recherche.

L'écoute réactivée, tout comme le parcours commenté d'ailleurs, fait appel trop directement

21 Pour plus d'information sur ces deux méthodologies, lire respectivement Thibaud J.-P, « La méthode des parcours commentés » page 79-99 et Augoyard, J.-F, « L'entretien sur écoute réactivée » page 127-152 in Grosjean et Thibaud , 2001.

à la mémoire de l'usager et ne le sollicite pas à même son expérience sonore « en train de se faire ». De plus, décontextualisé, l'interviewé entend des sons qu’il n'interpréterait pas de la même manière en situation d'expérience quotidienne. De là, le biais que nous désirons à tout prix éviter. Le parcours commenté quant à lui, plus près de nos questionnements, interroge l'usager directement dans l'espace public et intègre le mouvement de ce dernier dans l'espace public urbain. Mais il en s'avère, que celui-ci n'est plus « ordinaire ». En lui demandant de parcourir avec lui, le chercheur inhibe une partie des réactions et des échanges banales qui s'opèrent au quotidien et qui nous intéressent ici. Il nous faudra donc mettre en place une nouvelle méthodologie afin de venir recueillir les données que nous souhaitons. Mais comment venir interroger l'usager directement

lors de son expérience sonore de l'espace public urbain en train de se faire?

Afin de répondre à cette question, nous formulons une hypothèse d'ordre méthodologique qui sera centrale dans cette thèse. Notre analyse des recherches en environnement sonore, en esthétique environnementale et sur l'expérience esthétique du quotidien, nous font penser, que la manière d'approcher notre problématique serait de travailler à l'intégration d'un projet de

création à même notre projet de recherche. Notre sujet de recherche étant pleinement lié à la

pratique de l'aménagement, il nous semblait tout indiqué que le moyen le plus pertinent était d'intervenir de manière in situ dans l'espace collectif. De plus, nous croyons qu'en faisant des allers et retours entre une portion pratique, opératoire et une autre plus réflexive et théorique, nous allons réussir à circonscrire la complexité de notre problème de recherche. Ainsi, nous formulons l’hypothèse suivante : l'intégration des principes de la recherche création dans la recherche

permettra de renouveler les approches dans les domaines liés à l'expérience sonore de l'usager.