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Il est très difficile de réaliser une étude de ce type sans tenir compte des représentations des uns et des autres sur le terrain, de ce que les travailleurs avec incapacité ou sans incapacité ont d'accumulé dans leur inconscient collectif.

"Circulant dans les mots, les expressions langagières, les contenus du discours social, incarnés dans les gestes, ils existent comme des dépôts de la mémoire collective nous dit Jodelet (1989; 373)".

Le positionnement des travailleurs avec incapacité vis-à-vis les travailleurs sans incapacité et vis-à-vis les autres travailleurs ayant une incapacité par rapport à leur façon de s'inscrire dans un système de production, leur façon de transiger avec les éléments d'un milieu de travail et autres sont tous des éléments dont il faut tenir compte. Tous ces aspects prennent de l'importance dans une étude comme celle-ci. De même, les images que les travailleurs sans incapacité entretiennent au sujet de leurs collègues ayant une incapacité, ce qu'ils conçoivent au sujet de leur compétitivité, ce qu'ils pensent relativement à leurs incapacités, sont autant de volets qui viennent marquer l'intégration entre les deux groupes de travailleurs. Sans compter les opinions de ceux qui jouent le rôle de gestionnaires qui eux aussi entrevoient des possibilités de succès ou d'échec dans le fait d'intégrer un travailleur avec incapacité dans une équipe. Sans se laisser conduire vers des interprétations mécanistes, il nous semble bon et nécessaire de tenir compte des représentations sociales dans la compréhension des phénomènes enregistrés sur le terrain sans quoi, cette réalité devient propriété de l'individu seulement ce qui laisse entrevoir de grands doutes voire des impossibilités. Ainsi, à la manière de Moscovici (1984), disons que les représentations sociales sont des systèmes de préconceptions qui continuent à persister en dehors des expériences individuelles et elles ont une signification culturelle.

Il semble que la construction de tous les faits et gestes de même que les récits ne peuvent échapper à cette programmation énoncée par Moscovici. Même au plan des interactions, Palmonari et Doise dans Jodelet (1989) apportent des précisions sur le rapport entre les représentations sociales et les interactions:

"Toutes les interactions humaines, qu'elles se vérifient entre deux individus ou entre deux groupes, présupposent de telles représentations. C'est ce qui les rend spécifiques. Toujours et partout, lorsqu'on se rencontre, qu'on entre en contact avec des personnes, des choses, on véhicule certaines attentes, un

des groupes, des personnes et des choses en présence. Si l'on néglige cette réalité, on n'étudie que des échanges, des actions et des réactions élémentaires et pauvres (1989 ; 13)."

C'est ainsi que l'on rejoint Riddell et Watson (2003) quand ils soulignent que dans les arts et la littérature, les personnes ayant une déficience sont présentées soit comme des super héros, des personnes vilaines ou des individus vivant une tragédie. Il est alors question d'oppression culturelle. Ces auteurs réfèrent à une production culturelle de la déficience et insistent sur le fait que l'imagination sociologique est en oeuvre quand il s'agit de représentation.

Une fois appliquée au monde de la déficience voici un exemple qui à mon sens est un "bijou" de représentation et où l'oppression est vue comme un produit de la charité. Watson (2003; 44) dit au sujet d’une personne ayant une déficience:

"Javid described how, when he was sitting waiting for a taxi outside the theatre with his hat on his knees, a coach load of tourists pulled up and as they filed past him put money in his hat. Even when he told them he didn't want their money they carried on giving it to him. He had to move back inside the theatre".

Rien à faire, l'idée de charité reliée à la déficience reste bien incrustée dans l'esprit des gens, peu importe où l'individu se trouve. C'est dans le même sens que Boucher (2001; 114) montre toute la place qu'occupe l'aumône pour les gueux durant la période médiévale et ainsi il rappelle ce vieil adage <<Comme l'eau éteint le feu, l'aumône éteint le péché>> en prenant assise dans la tradition de l'église chrétienne; tradition qui demeure bien inscrite dans les représentations populaires

Plus près du monde du travail, Hahn (2005) rappelle une des idées préconçues sur les personnes ayant des déficiences:

Dans le but de se tourner vers de nouveaux horizons par rapport à l’incapacité, cet auteur propose:

"To redefine disability as a positive source of identity instead of a trait enveloped by feelings of shame or inferiority Hahn (2005; 18)".

Hiranandina (2005) s’inspirant de Priestley (2003) souligne qu’avec la venue du capitalisme industriel, les personnes ayant des déficiences ont été exclues d’une participation égale au travail, s’inscrivant ainsi dans une perspective marxiste où la compréhension des sociétés humaines commence avec celle des conditions matérielles de l’existence humaine ou celle de l’économie de production.

Le matérialiste mène à une oppression des personnes ayant des déficiences. Ces personnes sont vues comme des travailleurs de moindre valeur de la part des employeurs, occasionnant des contraintes pour les autres travailleurs et comme ayant de la difficulté à s’adapter à la technologie. Ces perceptions entraînent une marginalisation des personnes ayant des déficiences Jaeger, Bowman (2005).