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7.1 Processus d'intégration, habitudes de vie

7.1.1 Les interactions

7.1.1.6 Quand l'intégration fait la sourde oreille

Il reste que pour Arlette qui utilise le L.S.Q. les interactions demeurent plus difficiles que pour Anne qui a un implant auquel l'adaptation est presque terminée. Ici, nous en sommes plus aux différences qui peuvent exister entre les personnes ayant ce type de déficience; mais, qui utilisent différents moyens pour communiquer.

À ce chapitre, comme indiqué à la partie revue de la littérature, il existerait une "culture des sourdes", tel un groupe d'appartenance auquel les personnes ayant ce type de déficience préféreraient appartenir plutôt que de s'identifier à un groupe formé d'individus qui n'ont pas de déficience. Dans ce cas-ci, je ne peux pas dire que telle est la situation. Une évolution de l'intégration entre les personnes ayant une déficience auditive a été notée. Au début de leur mise en présence, elles ont joui des interactions entre elles.

"Avant on mangeait Arnaud, Anne et moi, Anne, Arnaud et moi. Puis, maintenant, heu, Arnaud, Anne, heu, Anne est un petit peu plus vieille. Arnaud, il est jeune. Il y a une différence lui, il a vingt-et-un ans, elle a soixante ans, ça fait que bien sûr qu'au niveau de l'entente, moi, je suis dans le milieu, entre les deux; mais, après, avant, on mangeait tous les trois. Puis, maintenant, on est rendu tout seul dans notre coin. Des fois, je mange avec Anne. J'ai demandé à Arnaud: veux-tu manger avec moi? On mange-tu ensemble? Puis depuis un moment, il ne veut pas, je ne me fâche pas là, tu sais, je le laisse faire (Arlette)".

Elles ont mangé ensemble, échangé sur plusieurs points; puis, peu à peu la discorde s'est installée. Elles se sont mises à s'accuser entre elles au sujet des choses

qu'elles avaient comprises ou mal comprises et elles se sont même accusées mutuellement de vol ce qui a entraîné une rupture dans les communications. Arnaud a quelques explications sur ce sujet.

"Il y a du parlage dans le dos, ça, moi, je ne suis pas capable. Des fois, je peux dire quelque chose dans le dos, sauf que, mais de là, à inventer ou à répandre des rumeurs là. Ça, je ne suis pas capable. Ça c'est comme pas correct. C’est comme si quelqu’un prend un couteau et te frappe dans le dos. Tu n’as pas le temps de te défendre là. C‘est comme il y a déjà quelqu’un qui a déjà mentionné que moi je volais de l’argent à la Banque. C’est comme, premièrement, quelles sont les preuves. Deuxièmement, comment que je pourrais voler l’argent avec les caméras qu’il y a partout, tout ça, c’est comme, ben, juste parce que j’avais des problèmes, il y a deux ans, il y a un an, j’avais des problèmes parce que mon argent ne balançait pas. J’avais de l’argent en trop. Tu sais, si je volais de l’argent là, ça serait de l’argent en moins, ben, pas de l’argent en trop. C’est sûr, qu’il y a des personnes qui sont juste méchantes. Ils sont comme ça. J’ai vécu ça comme 10, 20 fois là. Ça me tente pas de vivre ça au travail. C’est à, c’est juste ça, qu’on est pas vraiment protégé, la sécurité mentale comme quand quelqu’un parle dans le dos ou l’hypocrisie, comme ça. Ça fait que moi je ne vais pas dire, heu, ah elle, elle est certaine de ça, des choses comme ça. Moi, je dis les choses comme elles sont (Arnaud)".

Finalement, l'échange était devenu impossible, chacun s'est retiré dans ses terres et en est venu à ignorer l'autre. En entretien, Arlette dira que c'est parce que les deux autres ne communiquent pas avec le L.S.Q.

"Je suis très à l’aise avec les sourds, avec les gens qui signent avec moi (Arlette)’’.

Donc, revenant à la comparaison entre les TAD et les TSD ayant plus de deux ans d'expérience, Andrée (TSD) fait tout à fait partie du groupe comparativement à Anne qui subit un certain isolement à cause des difficultés de communication et Alexia (TSD) beaucoup moins à cause de son tempérament sauvage.

"Moi, non, il y a une couple de personnes ici qui valent la peine de, de, de, de parler; pi toute ça, pi de, tu sais, avoir une relation avec, là, amicale là, heu, de copain, de personne. Il y en a d'autres vraiment...rien à faire. Absolument rien; pi moi, je les ignore totalement, dans ce temps-là; pi toute ça, tu sais (Alexia)".

L'écart entre les sujets pairés diminue selon l'âge et le nombre d'années d'expérience, les TAD et les TSD adhèrent aux rites de l'équipe peu importe qu'il y ait déficience ou pas. Il n'en demeure pas moins que les TAD de cette équipe se plaignent de relations superficielles avec les TSD et l'expliquent par le fait qu'ils ne se comprennent pas.

"Les entendants qui savent pas signer, ben, c’est aussi difficile pour eux autres que moi qui ne sais pas parler; ah, je ne suis pas à l’aise, je ne suis pas à l’aise (Arlette)".

Les TAD ne comprennent pas les TSD et vice-versa et c'est ainsi que la présence d'interprètes est souhaitée particulièrement durant les réunions.

Enfin, dans la troisième équipe où là encore une TAD a été pairée à une TSD, ayant toutes les deux moins de deux ans d'expérience dans les postes occupés, des stratégies semblables ont été notées tant chez la TAD que chez les autres jeunes TAD des deux premières équipes. Son intégration dans le groupe, elle la forgera par sa sociabilité. Elle aussi se servira du verbe; mais, pas exactement de la même manière que Bernard. Danielle sera extrêmement affable, elle distribuera des "beaux bonjours" selon son expression.

"...c’est toujours des beaux bonjours quand on arrive; pi, des beaux aux revoirs quand on s’en va (Danielle)".

Elle en recevra de nombreux aussi. Aussitôt qu'elle en a l'occasion, elle échangera et souvent sur sa condition de santé. Elle se raconte, ses proches sont bien au courant de ses malaises. Elle leur raconte comment elle souffre d'infections répétées et qu'elle doit se rendre à l'hôpital fréquemment, ce qui lui donne l'occasion en même temps d'expliquer ses absences fréquentes, ses inconforts, ses inquiétudes à ce sujet. Elle cherchera à faire valoir ses connaissances en échangeant sur différents sujets d'ordre technique qui lui sont présentés. Elle jugera d'ailleurs que son intégration s'améliore par le fait qu'elle peut répondre à plus de questions qui lui sont posées et son entourage lui en fait part également.

"Pi, il y a un an, je dirais que oui parce que c’est sûr parce que, heu, le fait de maîtriser plus son travail, aussi, heu, heu, ça permet des fois, heu, heu, d’aider les autres, aussi. Heu, des questions; xxx, des fois, il pose des questions; pi, heu, heu: «Aie, telle affaire, telle affaire». Pi, là, je lui réponds, pi, là, il me dit: «Mon Dieu, tu es toujours, à chaque fois que je te pose une question, tu as toujours la réponse». Tu sais, faque, c’est sûr qu'il m’aurait posé une question, il y a un an, j’aurais peut-être pas été en mesure d’y répondre aussi bien que maintenant. Heu, je sais que je suis une bonne représentante. Heu, je suis bien intégrée à travers mes, heu, à travers mes collègues, heu, dans mon travail (Danielle)".

Doreen à qui elle est jumelée, est une personne très réservée, un peu à l'image d’Alexia dans la deuxième équipe. Elle n'aime pas du tout socialiser et occupe peu de place au plan social dans son groupe. Elle est plutôt du type intellectuel et tous les courts moments qui lui restent, elle les utilise pour étudier étant donné qu'elle poursuit des études en même temps. Elle travaille donc à temps partiel. Son intérêt n'est pas du tout de développer un cercle d'amis au travail. Elle fait ce travail pour payer ses études qui sont sa priorité.

"Oui, c’est ma priorité....Je le (ce travail) fais pour payer mes études, entre autres (Doreen)".

Alors, si on trace une comparaison rapide entre nos deux actrices, la TAD interagit avec beaucoup d'empressement et en abondance alors que la TSD reste bien tranquille dans son coin et à ce titre est conforme aux rites de l'équipe. Là encore on peut se demander si le surplus d'interactions de Danielle n'est pas pour elle une façon de se faire accepter malgré sa déficience. Elle se définit comme une dépendante affective:

"...moi, je suis une personne hyperémotive, pi, hyperdépendante. Heu, je m’attache beaucoup aux gens. J’ai besoin d’être aimée; j’ai besoin de sentir, de savoir (Danielle)".

La satisfaction de cette dépendance, pouvons-nous ajouter est une façon pour elle de se sentir intégrée à l'équipe. Ainsi, dans les trois équipes, on peut noter une négation de la déficience si tel est le cas.

7.1.1.7 Nombre de personnes ayant une déficience ou une incapacité dans une