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Selon un modèle médical, de la fin du 19ième siècle jusqu’aux années 40, les concepts de déficience, incapacité et handicap s’articulaient autour de concept central de maladie. Il y avait donc un besoin de classer les déficiences et les incapacités selon des diagnostics médicaux et la Classification internationale des maladies (CIM) était le point de référence pour comprendre la réalité reliée à ces concepts.

Puis avec l’arrivée de la compensation monétaire de la déficience et de l’incapacité au Québec, en 1931, par la création du programme des Accidents de travail (CAT), la CIM ne suffisait plus comme cadre de référence pour expliquer toutes les conséquences des

maladies et des traumatismes. Après la 2ième guerre mondiale, on entre dans une ère où l’approche multidisciplinaire est nécessaire Le domaine de la réadaptation s’explicite; c’est ainsi que Nagi (1965), dans son modèle qui s’adresse aux conséquences fonctionnelles de la déficience, fait ressortir que les déficiences peuvent entraîner des limitations fonctionnelles chez l’individu. Cet auteur a fait une distinction entre la maladie à long terme ou la déficience et la limitation fonctionnelle ou l’incapacité. Il a ainsi placé le champ de la réadaptation comme relié à la réduction de l’incapacité en vue d’une intégration sociale. La perspective n’est plus seulement la guérison de la maladie mais la réadaptation qui peut être nécessaire pour surmonter les limitations. La distinction maladie aigüe (guérison) et la maladie long terme (réadaptation) devient plus claire, Boucher (2001) fait aussi remarquer que :

"Dans cette perspective, les incapacités et les conséquences qu’elles engendrent dans la réalisation des activités de la personne sont un phénomène de type causal, linéaire directement rattaché à la personne en tant qu’elle joue un rôle de malade Boucher (2001; 72)".

On verra que ce rôle de malade s'estompera et au fil des années jusqu'au point ou il ne sera plus question de maladie mais d'état, de condition. En 1976, Jazairi ajoute aussi que de la maladie et des blessures découle la limitation de l’activité incluant également la limitation de l’activité liée au travail. Le modèle biomédical, tel que présenté par Nagi (1965) dans le schéma 1, ne suffit plus à expliquer les conséquences à long terme de la maladie. La limitation de l’activité que la maladie peut entraîner, le diagnostic médical à lui seul ne peut pas l’expliquer. De la limitation de l’activité émerge alors l'idée d'indemnisation dans les programmes d'assurance invalidité qui ont été actualisés dès la première moitié du XXe siècle Il y a alors nécessité d’estimer les conséquences de la maladie et de la blessure particulièrement eu égard au travail. Nous sommes en plein champ de réadaptation au travail qui nous conduit à notre sujet d’intégration au travail de la population concernée.

handicap

Schéma 1

Avec Wan (1974) et Warren (1977) apparaissent les modèles épidémiologiques et systémiques de l’incapacité. Wan démontre que les facteurs environnementaux (statut relié à la pauvreté, à la résidence, statut d’immigrant), les facteurs personnels (éducation, âge, sexe, race) et les facteurs agents (nature de l’incapacité, déficience secondaire) influent sur la sévérité de l’incapacité et entraînent des conséquences sur le statut, sur le revenu, etc. l’on peut supposer aussi sur l’intégration au travail.

"Déjà on peut noter que les modèles cherchent à prendre en considération les multiples dimensions qui caractérisent le handicap ainsi que les préoccupations sociales qui émergent dans le contexte des années soixante- dix où l’on observe un fort mouvement en faveur d’une approche holistique de la santé (Boucher 2001; 72-73)".

Quant à Warren présente un modèle interactif de l’incapacité, selon lequel l’incapacité est en fonction de la maladie ou de la blessure, des facteurs psychologiques, des facteurs sociaux et de la perte de fonctions. De plus, tous ces facteurs varient les uns par rapport aux autres. Avec une telle approche, la maladie ou la blessure ne sont plus les seuls déterminants de l’incapacité mais les facteurs psychologiques et sociaux prennent de plus en plus d’importance. On assiste véritablement à une approche globale multidisciplinaire.

En 1980, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) arrive avec une proposition par rapport à ces enjeux. Wood (schéma 2) présente le schéma de la Classification internationale des déficiences, incapacités et handicaps (CIDIH). Les principaux concepts en sont les maladies ou les traumatismes, les déficiences, les incapacités et les handicaps. Il y a une relation de cause à effet entre chaque niveau (déficience, incapacité et handicap). C’est alors que l’on comprend qu’une maladie ou un traumatisme peut entraîner une déficience, qui elle-même peut causer une incapacité qui peut générer à son tour un ou plusieurs handicaps. À chaque niveau correspond une définition rigoureuse ; ainsi:

"Une déficience est une perte, une malformation, une anomalie ou une insuffisance d’un organe, d’une structure ou d’une fonction mentale, psychologique, physiologique ou anatomique".

"Une incapacité correspond à toute réduction (résultant d’une déficience) partielle ou totale de la capacité d’accomplir une activité d’une façon ou dans les limites considérées comme normales pour un être humain".

"Le handicap d’un individu est le désavantage qui résulte de sa déficience ou de son incapacité et qui limite ou interdit l’accomplissement d’un rôle considéré comme normal compte tenu de l’âge, du sexe et des facteurs culturels".

Puis, arrivent les modèles situationnels environnementaux ou écologiques. La relation entre l’individu et l’environnement s’en trouve resserrée. Minaire, en 1983, place l’environnement comme un élément central d’où peut découler trois possibilités. Une première influençant les handicaps et ce qui produit une incapacité et un besoin de réadaptation. Une seconde où il y a guérison et, par conséquent, pas d’incapacité. Une

troisième influençant un état pathologique, une maladie d’où deux avenues peuvent être empruntées l’une se nommant le décès et l’autre la déficience.

Dans le modèle d’intervention ‘‘À part … égale, Office des personnes handicapées du Québec (1984)’’, le concept de handicap est mis en relation avec les obstacles sociaux à l’intégration et n’est plus assimilé à une conséquence directe de l’incapacité. Ainsi à la réduction des facteurs de risques en tant que cause de la déficience correspond la prévention, le dépistage, à la minimisation de la déficience correspond le diagnostic et le traitement, la diminution des incapacités ou des limitations fonctionnelles est en lien avec l’adaptation et la réadaptation et la disparition du handicap est relative à la suppression des obstacles sociaux à l’intégration dans les domaines suivants: services, travail, maintien à domicile, soutien à la famille, transport, loisirs, accessibilité (architecture/ environnement/ communication) vie sociale et associative et sécurité du revenu.

En 1992, Minaire a présenté une version améliorée de son modèle conceptuel où les rôles joués par les facteurs environnementaux sont de plus en plus mis en évidence dans le processus de production du handicap. De même, Badley (1987-1995) dans son modèle appelé la genèse du handicap indique explicitement l’ajout des variables environnementales à titre de facteurs interactifs avec les autres facteurs (maladies, déficiences, incapacités et handicaps). Ces facteurs interactifs sont: 1) l’environnement physique comprenant le cadre institutionnel des sociétés selon le type d’habitat et les barrières architecturales; 2) la situation sociale incluant: aspirations, attentes culturelles et préjugés sur la réalisation et les comportements des personnes ayant une déficience ou une incapacité et les personnes qui entrent en contact avec elles influencées par les valeurs de la société et les proches de la personne; et enfin, 3) les ressources soit les qualités personnelles et les réalisations, l’assistance par des aides, le soutien de la famille et du réseau social élargi et les revenus et autres biens matériels.

En s’appuyant sur les travaux de Fougeyrollas, le comité québécois de la Société canadienne de la CIDIH propose son premier modèle « Le Processus De Production Du Handicap» PPH, Fougeyrollas, P. et al. (1989-1991). Ce modèle apparaît dans Fougeyrollas (1995).

LE PROCESSUS DE PRODUCTION DU HANDICAP

Schéma 3

"Le handicap devrait toujours être considéré comme le résultat situationnel d’un processus interactif entre deux séries de causes ou déterminants, soit les caractéristiques des déficiences et des incapacités de la personne découlant de maladies et traumatismes, et les caractéristiques de l’environnement créant des obstacles ou facilitateurs physiques ou socio-culturels dans une situation donnée: vie familiale, emploi, éducation, loisirs, revenus, climat, etc. (Réseau international sur le processus de production du handicap, (Guide de formation sur les systèmes de classification des causes et des conséquences des maladies, traumatismes et autres troubles (2000, p. 58)". En 2001, l’OMS a finalement produit une nouvelle classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé appelée (CIF), un modèle d’interaction de concepts (entre autres, déficiences, activités, participation) qui s’articule comme suit:

Source: Ravaud, Fougeyrollas, 2005

Dans ce modèle, la nomenclature des activités et de la participation est uniquement issue de celle des incapacités. La dimension « habitudes de vie » devient absente. La distinction qui apparaît sous le PPH soit ce qui appartient à la personne et ce qui est lié à la réalisation d’activités définies socialement résultant de l’interaction entre les facteurs personnels et les facteurs environnementaux disparaît (Ravaud, Fougeyrollas, 2005). Nous assistons à un retour vers la responsabilité de la capacité individuelle négligeant les facteurs environnementaux.

Dans la section suivante, nous nous attarderons davantage au concept d’intégration qui se situe au coeur de cette thèse.