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7.1 Processus d'intégration, habitudes de vie

7.2.1 Les murs parlent

Dans la première équipe, Bernard durant les premiers mois d'observation est près des autres membres de l'équipe et de plus, près du corridor à l'affût de tout ce qui se passe. Les occasions de côtoyer les travailleurs et de faire sa place sont multiples et avantageuses. Durant les derniers mois d'observation, on se souvient qu'il s'est retrouvé seul complètement isolé et cette position a été accompagnée d'une démarche d'assimilation par la norme ou d'assimilation à la norme. Il est entré à ce moment dans ce que son gestionnaire identifie comme une phase d'acquisition de rigueur, finis les échanges sociaux et passons carrément à la production et le plus possible uniquement à la production.

L'occupation de l'espace du point de vue social est une traduction du processus d'intégration et il en est de même dans les deux autres équipes. Dans l'équipe 2, Arlette qui a beaucoup de difficultés de communication ayant à le faire avec le L.S.Q., se retrouve littéralement face au mur. Voilà une autre façon de traduire l'isolement. À la question, comment réagis-tu au fait d'avoir le visage tourné vers le mur?

"Ah, pour moi, il n'y a pas de différence, pas de différence pour ça. N’importe où, ça ne me dérange pas. Et un mur, heu, ça peut me permettre de penser à autre chose et tu sais.

Ouais, de rêver. De penser à n’importe quoi d’autres, à me changer les idées, à la maison, à ce que je vais faire en fin de semaine (Arlette)".

La TAD avec qui elle est pairée se trouve au bout du corridor le visage tourné vers le va-et-vient. Même situation pour Arnaud et Alexandrine qui occupent des positions

spatiales identiques à celle des sujets précédents. Anne et Andrée sont dans une position différente par rapport aux deux autres paires de sujets de cette équipe; mais, on se souviendra que Anne a été observée alors qu'elle avait un implant cochléaire et que sa période de réadaptation était terminée. Ses collègues ne la considèrent plus comme ayant une déficience auditive au même titre que les deux autres. De même, pour Danielle, dans l'équipe 3, dont le processus ressemble à celui de Bernard durant les premiers mois d'observation. Elle se trouve entourée de travailleurs qui font partie de son processus d'intégration. Sa position favorise les contacts verbaux et non verbaux qu'elle a beaucoup de facilité à entretenir et qui contribuent à renforcer ses liens avec ses collègues.

Les déplacements sont une autre façon de faire une lecture du processus d'intégration de chacun de nos acteurs. Quand l'intégration est forcée, on a vu comme dans le cas de Bernard et d’Arnaud, des déplacements plus nombreux que la moyenne des travailleurs de leur équipe respective. Ils deviennent une sorte de façon de se faire voir. On s'en sert pour multiplier les contacts.

"J'ai pas de problème nécessairement là avec les gens si, heu, je m'en vas dans le corridor, ou des choses comme ça, ben, sont assez larges. Je me promène... (Bernard)".

On s'en sert aussi pour faire réagir, Arnaud déambulant dans les corridors et profitant de l'occasion pour faire le clown devant les caméras ce qui s'harmonise avec sa présentation personnelle, piercing, coloration variée des cheveux etc. C'est une véritable parade épigamique. Tous des éléments qui sont mis en place pour dire je suis là, je veux occuper une place, et qui apparaissent comme des moyens substituts de communication étant donné la présence de la déficience auditive.

Même situation avec Danielle qui ne manque pas une occasion d'aller à la salle à manger pour les pauses, pour les repas, d'aller voir sa gestionnaire, d'aller voir ses collègues aussi souvent qu'il lui est permis de le faire. La vie pour Danielle est une série de possibilités de se rendre visible et de développer une appartenance affective avec ses collègues. Alors que Doreen nous le savons est plutôt en réclusion de ce point de vue;

consacrer tout son temps personnel à ses études et elle s'y conforme. Ainsi, les déplacements font preuve d'une motivation à entrer en communication verbale ou non verbale, à vouloir occuper un espace physique et social tout en se construisant un espace psychologique, tout ceci s'inscrivant dans ledit processus d'intégration.

La troisième dimension, l'utilisation de l'équipement poursuit le même objectif. Pour Bernard, un bureau double pour y inclure son fauteuil roulant et sa chaise de travail, de même que l'imprimante dans son bureau sont là; mais, pas pour les autres travailleurs et le but plus précis cette fois est l'intégration au processus de production qui est une partie capitale du processus d'intégration dans ce cas-ci. Pour lui, rappelons que l'adaptation au niveau de l'horaire est encore plus importante car il lui est inacceptable de payer en temps les déplacements qui sont dus à sa déficience. Ces adaptations, pouvons- nous nous exprimer ainsi, le rendent plus performant et plus compétitif par rapport aux autres travailleurs. Pour les personnes ayant une déficience auditive, une sur trois a une adaptation personnelle soit l'implant, une seconde a une clochette qui remplace l'intercom et le troisième est en voie d'obtenir un implant, de plus, la gestionnaire ou les collègues qui souvent servent d'interprète etc. Tous des points qui visent bien sûr une meilleure intégration au processus de production. Puis, enfin Danielle pour qui l'utilisation de l'équipement ne révèle aucune particularité par rapport à sa déficience car elle est en tous points semblable à celle de ses collègues n'ayant pas de déficience.