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C HAPITRE 1 : LE PROBLEME DES LOGIQUES D ’ ACTION Seront exposés, dans ce premier chapitre, les contextes scientifiques et sociétaux à la

1. U N PROJET DE TRANSITION ECO INDUSTRIELLE ?

1.2. U NE REPONSE TECHNIQUE : L ’ ECOLOGIE INDUSTRIELLE ET TERRITORIALE

L’’écologie industrielle se présente comme une stratégie de transition de la société industrielle, c’est-à-dire comme un schéma d’actions cohérent orienté par une finalité69, en

63 Crutzen Paul, « Geology of mankind », Nature, n° 415, janvier 2002, p. 23; Bourg, Dominique, « Anthropocène,

apocalypse et parousie ? », Socio-anthropologie, n° 28, 2013, consulté le 25.09.15. : http://socio- anthropologie.revues.org/1589.

64 Barros, Vincente R., Field, Christopher B., et al. (dir.), « Changement climatique 2014 : Incidences, adaptations

et vulnérabilité – Résumé à l’attention des décideurs », Contribution du Groupe de travail II au Cinquième

Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, Genève : Organisation

Météorologique Mondiale, 2014, p.8, consulté en ligne le 30.01.18. : https://ipcc.ch/pdf/assessment- report/ar5/wg2/ar5_wgII_spm_fr.pdf.

65 Comme nous le verrons plus loin dans la première section du Chapitre 4, avec la présentation de l’histoire et des

raisons qui ont poussées à l’invention des concepts d’ « écodéveloppement » et de « développement durable ».

66 Sachs, Ignacy, « Entering the Anthropocene: The Twofold Challenge of Climate Change and Poverty Eradication

», in Mancebo, François, Sachs, Ignacy (éds.), Transitions to Sustainability, Hamburg: Springer, 2016, pp.7-18.

67 Morin, Edgar, La Voie. Pour l’avenir de l’humanité, Paris : Fayard, 2011.

68 Voir à ce sujet les nombreux appels, régulièrement réitérés, des organisations internationales dans de très

nombreux domaines afin de permettre un accès équitable aux capacités de développement des différentes nations du monde. Il serait illusoire de chercher à tous les recenser. Prenons note cependant du dernier appel et événement majeur en date : l’adoption d’un nouveau programme de développement durable par l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies le 25 septembre 2015, marqué par l’introduction d’objectifs du développement durable. Ces derniers sont classés en 17 catégories, dont la première dans le classement n’est autre que « Eliminer l’extrême pauvreté et la fain », tandis que la catégorie cinq est consacrée à l’ « égalité entre sexes » et la dixième à la réduction des inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre (cf. Organisation des Nations Unies, « Objectifs du Développement Durable », site des Nations Unies des objectifs du développement durable [en ligne], consultée le 31.07.16. : http://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/).

69 Nous faisons ici référence à la définition de la stratégie intentionnelle donnée par Henry Mintzberg (Tracking

l’occurrence donner la capacité aux acteurs sociaux d’ « harmoniser les désirs d’un

développement industriel mondial avec les besoins d’une sécurité environnementale »70. Il

offre un contexte théorique en rupture avec les formes traditionnelles de pensée analytique pour la modélisation des fonctionnements des sociétés industrielles ainsi que de leurs relations avec leurs environnements. Ainsi, la communauté française des scientifiques et de praticiens spécialisés dans l’écologie industrielle a produit une définition synthétique :

« L’Ecologie Industrielle s’inscrit dans l’Ecologie des sociétés industrielles, c’est-à- dire des activités humaines productrices et/ou consommatrices de biens et de services.

L’Ecologie Industrielle porte une attention particulière à l’analyse des échanges entre les sociétés et la nature et à la circulation des matières et de l’énergie qui les caractérisent, ou qui caractérisent les sociétés industrielles elles-mêmes. […]

L’Ecologie Industrielle constitue ainsi un champ de recherche pluri et interdisciplinaire, mais aussi une démarche d’action dans la perspective d’un développement durable. Sa mise en œuvre vise à rendre compatible les actions humaines avec les capacités de la biosphère. En ce sens, l’écologie industrielle appelle un changement de paradigme et de représentation. »71

L’écologie industrielle résulte d’un regard à la fois conscient des limites de certains fonctionnements de la société industrielle et lucide sur les difficultés d’une rupture complète avec le modèle de société existant. Il s’agit en effet dans un premier temps de constater que la logique industrielle n’est pas, de par sa nature même, antinomique des pratiques sociales et économiques plus respectueux de l’environnement. Elle peut ainsi intégrer de nouvelles méthodes, en cohérence avec ses critères de gestion et d’optimisation, pour transformer certains de ses fonctionnements internes (activités de productions-consommation) ainsi que de ses rapports avec l’environnement (exploitation-aménagement-pollution). Ces avancées méthodologiques s’appuient sur une forme de raisonnement qui consiste à comparer les fonctionnements de la société développée actuelle avec ceux d’un écosystème naturel72. Les

similarités et les différences qui apparaissent alors servent de base à une reflexion critique

cognitiviste et de stratégie générale : la stratégie est d’abord un construit mental et cette activité ou organisation de connaissances et réflexions peut être usitée, non seulement dans les domaines militaires ou du politique, mais dans une infinité de domaines.

70 « The difficulties in implementing an industrial ecosystem are daunting, especially given the complexities

involved in harmonizing the desires of global industrial development with the needs of environmental safety. »

(Frosch, Robert, Gallopoulos, Nicholas, « Strategies for Manufacturing », Scientific American, n°189, p.152).

71 Buclet, Nicolas (coord.), Atelier de réflexion prospective sur l’écologie industrielle ARPEGE, Rapport final,

mars 2009, p.14, consulté en ligne le 30.01 .18. : http://www.agence-nationale- recherche.fr/fileadmin/user_upload/documents/DPC/2011/ARP_2006_ARPEGE_Rapport-final_2009.pdf.

72 Johanson, Allan, « Industrial ecology and industrial metabolism: use and misuse of metaphors », in Ayres,

très précise sur les défauts et limites la situation sociale et industrielle actuelle, mais aussi des pistes pour reconcevoir des systèmes sociaux et industriels plus soutenables. Robert Frosch, l’un des initiateurs de l’écologie industrielle, présente ainsi le concept d’écologie industrielle :

« Les gens produisent de nouvelles technologies et industries73 pour satisfaire les

besoins humains plus efficacement et à un coût plus faible. L’innovation est un facteur important de progrès, cependant la connaissance des innovateurs mène parfois à des effets secondaires indésirés. De telles conséquences imprévues des nouvelles inventions ne sont pas spécifiques à l’industrialisation effrénée des XIXème et XXème siècles. […] Le modèle traditionnel des activités industrielles dans lequel des procédés de fabrication individuels prélèvent des matières premières brutes et génèrent des produits à vendre en plus des déchets à stocker devrait être transformé en un modèle plus intégré : un écosystème industriel. »74

« La structure du système d’une écologie naturelle et la structure d’un système

industriel, ou d’un système économique, sont très similaires. C’est peut-être une idée un peu trivial et banale, mais lorsqu’abordée consciemment, elle peut nous aider à découvrir des directions extrêmement utiles dans lequel le système industriel pourrait se développer. »75

Aussi, une question de recherche cruciale pour l’écologie industrielle vise à définir les principales propriétés et caractéristiques générales d’un écosystème industriel durable, et cela afin d’orienter le travail de conception de systèmes industriels plus « écologiques ». Ainsi, Braden Allenby a proposé un modèle de société industrielle soutenable basé sur l’image d’un écosystème naturel stable76. Dans un schéma assez simple, il propose que les

73 Le sens « industrie » est ici à comprendre dans un sens américain, proche de la combinaison de définitions

suivantes du Trésor de la Langue Française informatisé : « Habileté à réaliser un travail, à exécuter, à faire

quelque chose. […] Savoir-faire, ingéniosité, esprit d'invention; aptitude, compétence particulière dans une activité généralement artistique, intellectuelle […] Recours à des procédés adroits, à des artifices, par opposition à ce qui est naturel, ce qui est du ressort du génie […] Ensemble des activités économiques (caractérisées par la mécanisation et l'automatisation des moyens de travail, la centralisation des moyens de production et la concentration de la propriété des moyens de production), ayant pour objet l'exploitation des sources d'énergie et des richesses minérales du sol ainsi que la production de produits fabriqués à partir de matières premières ou de matières ayant déjà subi une ou plusieurs transformations. » (ATILF, « Industrie », Trésor de la Langue

Française informatisé [en ligne] consulté le 05.11.13 :

http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=752061045; )

74 Il s’agit d’une traduction libre de : « People create new technologies and industries to meet human needs more

effectively and at lower cost. Innovation is a major agent of progress, and yet innovators’ incomplete knowledge sometimes leads to undesirable side effects. Such unforeseen consequences of new inventions are not unique to the feverish industrialization of the 19th and 20th centuries. […] the traditional model of industrial activity in which individual manufacturing processes take in raw materials and generate products to be sold plus waste to be disposed of should be transformed into a more integrated model: an industrial ecosystem. » (Frosch, Robert,

Gallopoulos, Nicholas, op.cit., 1989, pp.144).

75 Frosch, Robert, op.cit., 1992, pp.800-803.

intrants matériels de l’anthroposphère (c’est-à-dire toutes les ressources de l’humanité provenant de la biosphère) soient progressivement remplacés par des extrants des unités industrielles de transformation (c’est-à-dire les pollutions et résidus d’industries humaines). De cette manière, l’humanité serait autosuffisante sur le plan matériel car elle ne ferait que réutiliser ses déchets à l’infini, formant ainsi une sorte d’économie circulaire. Un réseau d’échange de matériaux et d’énergie entre les différentes entités économiques de la société industrielle (usines, ménages, bureaux, infrastructures et espaces aménagés ou de stockage) pourrait former un système, similaire aux écosystèmes naturels stables. Théoriquement, l’émergence de nouvelles formes de fonctionnement économique et sociales basées sur ce modèle permettrait de maintenir une activité économique satisfaisant aux besoins d’une société développée tout en réduisant fortement sa dépendance aux ressources naturelles et la pollution émise. Dans ce modèle, le système industriel se contenterait peu à peu d’exploiter uniquement des sources d’énergies renouvelables (ondes solaires, vents, marrées, etc.) pour alimenter les activités de captation, d’échange et de recyclage à l’infini des stocks de matériaux déjà existants à l’intérieur de la sphère des activités anthropiques, qu’il s’agisse de biens déjà produits, ou de résidus et pollutions issus des processus de production- consommation. Ce processus de maturation global de la société industrielle, d’une situation relativement ouverte sur l’environnement vers une organisation plus intelligente des processus industriels sur le modèle d’un écosystème naturel, est appelé « éco- restructuration »77.

Une stratégie « standard » d’éco-restructuration

Plusieurs stratégies d’éco-restructuration sont proposées dans la littérature en écologie industrielle78. Une première stratégie classique est proposée par Braden Allenby au début des

77 Erkman, Suren, Vers une écologie industrielle, Paris : Ed. Charles Leopold Mayer, 2004 ; Suren Erkman

s’appuie notamment sur les réflexions de Robert U. Ayres et David T. Allen dans son choix d’utiliser ce concept (cf. p.101).

78 Nous tentons ici de mettre en évidence une conception « standard » de la stratégie d’éco-restructuration, à

partir de textes et travaux classiques, constitutifs de ce sujet. Pour cela, nous suivons un ordre thématique plutôt que chronologique ; en d’autres termes, nous partons d’une sorte de base analytique initiale (limitée à quelques lignes directrices, dans la définition standard d’une stratégie d’éco-restructuration copiée sur la maturation des écosystèmes naturels) et montrons comment de nouveaux éléments sont ajoutés par divers auteurs, pour englober les domaines économiques, politiques et sociaux de manière plus large. Cette conception standard n’a évidemment aucune valeur générale, dans la mesure où elle a fait l’objet de discussions et qu’il existe des propositions alternatives. Ainsi, nous présenterons par la suite (dans le Chapitre 4, première et seconde section) une interprétation alternative de la stratégie d’éco-restructuration (issue de travaux de James J. Kay). Dans l’attente, le modèle définitionnel ici nous semble bien représenter une certaine vision dominante de la stratégie d’éco-restructuration (ou de transition vers une écosystème industriel mature), très présente au cours des années 2000-2010, dans la communauté professionnelle et scientifique international de l’écologie industrielle.

années 199079. Elle a été reprise et synthétisée dans ses grandes lignes par Suren Erkman.

Pour ce dernier, le projet d’éco-restructuration devrait chercher à : - « valoriser les déchets comme des ressources »

- « boucler les cycles de matière et minimiser les émissions dissipatives » - « dématérialiser les produits et les activités économiques »

- « décarboner l’énergie. »80

A cette liste d’objectifs, Hardin Tibbs ajoute les domaines d’action suivants81 :

- Equilibrer les entrées et les sorties de matières dans l’écosystème industriel en fonction des capacités d’absorption et de production de l’écosystème naturel

- Orienter les politiques publiques en fonction d’objectifs d’évolution du système industriel sur le long terme

- Créer de nouvelles structures de coordination des actions, de communication et d’information entre acteurs de l’écosystème industriel.

Une évolution importante de cette stratégie a été proposée par John Ehrenfeld. Il insiste sur le changement en profondeur de repères culturels qu’implique une transition vers une société industrielle durable. Ce faisant, il propose de :

- Concevoir de nouvelles pratiques de consommation maintenant une prospérité économique tout en réduisant les impacts environnementaux de notre mode de vie, par exemple avec l’introduction de nouveaux critères d’évaluation écologique tels que la « suffisance » des dotations des personnes en biens et services pour garantir un niveau de vie élevé 82 ; il s’agirait alors de fournir des fonctions et des services

effectivement utiles à chacun et de manière équitable plutôt que des biens indépendants et obsolescents, en mettant en place, par exemple, une économie de la fonctionnalité83, qui est basée sur la vente de l’usage d’un bien plutôt que le bien lui-

même84.

- Mettre en place des mécanismes institutionnels d’information et de délibération impliquant l’ensemble des acteurs de l’écosystème industriel, des producteurs initiaux jusqu’aux consommateurs, afin de faciliter la coordination des acteurs entre eux ainsi

79 Allenby, Braden, Design for environment: implementing industrial ecology, Ph.D. Dissertation, Rutgers

University, New Brunswick, 1992.

80 Ibid., p.100.

81 Tibbs, Hardin, « Industrial Ecology: An Agenda for Environmental Management », Pollution Prevention

Review, 1992, pp.167-180; voir également du même auteur, avec des lignes directrice légèrement différentes :

« Industrial Ecology : an Environmental Agenda for Industry », Whole Earth Review, Winter 1992, pp.4-19.

82 Ehrenfeld, John, op.cit., 2004, p.2.

83 Ehrenfeld, John, « Industrial Ecology : a framework for product and process design », Journal of Cleaner

Production, Vol.5, n°1-2, 1997, p.90.

84 Buclet, Nicolas, « L’économie de fonctionnalité entre éco-conception et territoire : une typologie »,

Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 5, n°1, 2014, consulté le 31.07.16. :

que leur adaptation collective aux enjeux environnementaux. John Ehrenfeld en conclut que « [dans la mise en œuvre d’une stratégie d’écologie industrielle] Les

limites du système sont plus importantes que la sémantique. La sémantique et le sens métaphorique sont cependant importants dans le changement de culture et de structure institutionnelle qui produit en fin de compte les artefacts technologiques sur lesquels repose la soutenabilité. » 85

Les stratégies d’éco-restructuration de la société industrielle proposées par Braden Allenby, complétées par Hardin Tibbs et John Ehrenfled, ont conduit à la définition d’un cadre conceptuel cohérent et d’une organisation des domaines, des méthodes et des outils d’action, dont un aperçu schématique est proposé à titre d’exemple ci-dessous86 (Fig. 1).

Figure 1 : Organisation de l’écologie industrielle (d’après R. Lifset, T. Graedel)

La plupart des outils et techniques sont basées sur un repérage (ou une simulation) des flux de matière, d’énergie ou de substance à travers un milieu (un « système ») donné87 : qu’il

85« It is the system bounds rather than the semantics that is more important. The semantics and metaphorical

sense are, nevertheless, important in changing the culture and institutional structures that ultimately produce the technological artifacts on which sustainability rests. The richness of industrial ecology in extending beyond the disciplinary, political, and economic bounds of all the other frameworks is perhaps the most powerful of the three. It would seem to have the potential to change the dominant social paradigm to show the benefits to individuals and isolated organizations like firms in cooperating to produce sustainable behavior. » (Ehrenfeld,

John, op.cit., 1997, p.94).

86 Lifset, Reid, Graedel, Tom, « Industrial ecology : goals and definition », in Ayres, Robert, Ayres, Leslie, A

Handbook of Industrial Ecology, 2002, pp.3-15.

87 Voir notamment Dijkema, Gerard P.J., Xu, Ming, Derrible, Sybil, Lifset, Reid, « Complexity in Industrial

s’agisse d’une région ou d’une zone industrielle, des différentes opérations de production- transformation-transport d’un produit au cours de son cycle de vie (filière), ou d’un processus industriel particulier88. Ces techniques de modélisation servent à comprendre les

processus complexes d’interaction des sous-systèmes industriels entre eux, et entre systèmes industriels et système naturel, afin de proposer des solutions de re-conception et d’amélioration des activités humaines, lorsqu’il ne s’agit pas d’aménager l’environnement lui- même89.

Ainsi l’application de l’écologie industrielle aux activités d’un parc industriel ou d’un territoire conduit notamment à des projets de « symbioses industrielles », inspirés des symbioses entre être vivantes observées dans la biosphère. Elles visent à engager « des

industries d’habitude séparées, dans une approche collective, avec un avantage concurrentiel [mutuel], impliquant l’échange de matériaux, d’énergie, d’eau et de résidus »90

et cela afin d’optimiser collectivement l’usage des ressources et réduire les rejets environnementaux.

Sans entrer pour le moment dans le détail des outils et des niveaux opérationnels, il faut noter que l’écologie industrielle articule une grande diversité de disciplines scientifiques, techniques et de domaines d’expérience, au service d’un projet commun qui, du fait de sa complexité, ferait justement l’objet d’un travail de définition et de promotion de la part de communauté de l’écologie industrielle91. Dans ce contexte, les sciences humaines et sociales

sont censées rencontrer les disciplines du génie chimique, écologique et des systèmes industriels afin de saisir les différentes dimensions de la société industrielle, de ses fonctionnements, et de ses rapports à l’environnement naturel. Une telle tentative de rencontre peut être observée dans un grand nombre d’outils d’aide à la décision et de méthodes conception de solutions innovantes, émanant généralement d’ingénieurs, dès lors qu’il s’agit d’encourager une transition sociotechnique à tous les niveaux de la société industrielle92.

88 Boons, Frank, Baas, Léo, « Types of industrial ecology, the problem of coordination », Journal of Cleaner

Production, Vol.5, N°1-2, 1997, pp.79-86.

89 La version la plus extrême de cette tendance va jusqu’à proposer d’aménager (transformer, contrôler) certains

phénomènes naturels globaux comme l’ensoleillement atmosphérique. Cette thèse est défendue notamment par Braden Allenby, un des auteurs importants de l’écologie industrielle standard, qui plaide en faveur de la géo- ingénieurie climatique (Cf. Allenby, Braden, « Earth systems engineering and management », in Ayres, Robert, Ayres, leslie, op.cit., 2004, pp.566-571).

90 Chertow, Marian, « Industrial symbiosis: Literature and taxonomy », Annual Review of Energy and the

Environment, vol.25, n°1, 2000, pp.313– 337.

91 Ausubel, Jesse H., Wernick, Iddo K. (coord.), Vishnu Group, Industrial Ecology: Some Directions for Research,

Pre Pubication draft, The Rockfeller University, mai 1997; Allenby, Brad, « The Ontologies of Industrial Ecology? », Progress in Industrial Ecology – An International Journal, Vol. 3, N°1/2, 2006, pp.28-40.

92 Ceux-ci vont de l’évaluation environnementale d’un bien ou d’un service (par les méthodes d’Analyse du Cycle

de Vie, bilans divers « entrées-sorties », modélisations de polluants et de risques socio-environnementaux), à la conception de chaines logistiques verte, d’éco-technologies inspirées par le biomimétisme, et plus généralement l’éco-conception de produits, services, systèmes industriels, aménagements… ce qui a notamment conduit à la

Deux objections au modèle standard d’éco-restructuration

Depuis le début des années 2000, ces modèles, ainsi que les hypothèses sur lesquels ils reposent, ont été discutés, nuancés et améliorés par les spécialistes du développement durable. Cela a conduit la communauté française à préférer notamment le terme d’écologie industrielle et territoriale, afin d’insister sur l’indentification des enjeux institutionnels et sociaux propres à chaque territoire pour comprendre les dynamiques d’interaction entre les communautés humaines et leur environnement naturel ainsi que pour agir de manière adéquate93. Elles résultent notamment d’une reconnaissance des limites scientifiques de

l’approche standard ou de certaines interprétations de cette dernière, qui laissent entrevoir l’impossibilité de mise en soutenabilité de la société industrielle. Nous n’en mentionnerons que deux : la prise en compte de l’entropie matérielle et de l’effet rebond économique.

Les travaux fondateurs de Nicholas Georgescu-Roegen sur les conditions matériels de fonctionnement d’une économie suggèrent qu’il serait difficile, voire impossible, de boucler complètement les flux de matière à l’intérieur de la société industrielle94. Pour affirmer cela,

cet économiste propose d’observer la dynamique économique en tenant compte des sciences