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C HAPITRE 2 : L OGIQUE I NDUSTRIELLE ET P OLITIQUE Dans l’étude de la situation de la société française contemporaine, notre attention se

1.2. C OLBERTISME ET PLANIFICATION ECONOMIQUE DE L ’ INDUSTRIE

396 Galbraith, John Kenneth, op.cit., 1989 ; Polanyi, Karl, op.cit., p.84.

397 Herbert Marcuse, L’Homme unidimensionnel, Essai sur l'idéologie de la société avancée, Les Editions de

Minuit, 1968.

398 Béatrice Hibou, La bureaucratisation du monde à l’ère néolibérale, Paris, La Découverte, 2012.

399 Karl Polanyi, op.cit., 1944 ; Mintzberg, Henry, Rebalancing Society, radical renewal beyond left, right, and

center, Posté [en ligne] le 28.02.14., consulté le 20.09.15.: www.mintzberg.org.

400 Galbraith, John Kenneth, L’ère de l’opulence, Paris : Calmann-Lévy, 1975 ; Veltz, Pierre, Des lieux et des liens.

Essai sur les politiques du territoire à l’heure de la mondialisation, La Tour d’Aigues : Editions de l’aube, 2012,

Du Colbertisme aux variantes récentes de la planification économique, les tentatives de définition de la relation entre industrie et la politique semblent abonder dans l’histoire des doctrines économiques et étatiques contemporaines. Or, Michel Foucault a bien montré les limites des tentatives de reconstruction d’une histoire a posteriori : celle-ci serait nécessairement soumise aux contingences de la pensée actuelle, même lorsqu’on tente de replacer minutieusement chaque trace du passé dans son contexte supposé401. Ainsi, par

exemple, « L’histoire industrielle d’un pays, de ce point de vue, a pour objet de retracer,

étape par étape, les caractères spécifiques des produits, des implantations, des marchés qui ont permis aux entreprises de progresser dans un environnement international de plus en plus ouvert, et donc plus contraignant » écrivent les auteurs d’une Histoire de la France Industrielle402. Il s’agit bien de raconter une histoire aux contemporains, en remettant de

l’ordre dans les éléments du passé, souvent disparates, à partir de canons et d’intérêts présents.

Dans ce contexte, il est particulièrement difficile de définir un point d’origine aux politiques industrielles. En revanche, au début de notre enquête, c’est-à-dire en 2012, il existait bien une doctrine de politique industrielle dominant l’espace public officiel, et qui nous semblait à de nombreux égard constituer une sorte de référence quasi-mythologique des récits sur les fondements, l’évolution et les finalités de la politique industrielle française. Le Ministre du Redressement Productif d’alors, Arnaud Montebourg, ne cachait pas sa volonté de remettre au goût du jour un certain « colbertisme » d’Etat403. Aussi, s’il existe un

moment historique qui apparaît régulièrement dans les discours politiques comme une référence incontournable en France en matière de politique industrielle, c’est bien du règne de Louis XIV (1638-1715), et plus précisément à la politique menée par le ministre Jean- Baptiste Colbert (1619-1683), qu’il est fait mention404. De la politique industrielle menée sous

401 Foucault, Michel, op.cit., Paris : Gallimard, 1969. 402 Lévy-Leboyer, Maurice (dir.), op.cit., 1996, p.16.

403 « Montebourg : "Nous encaisserons certainement des échecs" », Interview d’Arnaud Montebourg, Journal du

Dimanche, 19 mai 2012, consulté en ligne le 05.04.18. : http://www.lejdd.fr/Politique/Actualite/Montebourg- Nous-encaisserons-certainement-des-echecs-interview-512510.

404 L’historien Alain Guery indique ainsi : « Entre Sully et Turgot, il est une figure pacifique de notre Panthéon

qui fait contrepoint avec ses héros guerriers, de loin les plus nombreux. Les œuvres erudites comme les synthèses savantes publiées sous la Ille République, longtemps utilisées ensuite, entretiennent cette image. L'étude détaillée et rigoureuse nourrit la légende en confortant l'idée de Lavisse d'une «offre de Colbert» au roi, à la France, sous la forme d'une politique économique entièrement nouvelle. Au moment où l'industrialisation de la France entre dans une phase qui fait d'elle une grande puissance industrielle, malgré ses retards, réels ou supposés, la politique économique de Colbert apparaît comme un modèle, au point qu'on lui donne un nom : le Colbertisme, comme si elle s'appuyait sur un corps de doctrines théoriquement définies » (p.298) et il ajoute « Ce que nous appelons depuis un peu plus d'un siècle, le Colbertisme est en fait le mercantilisme de la période de Colbert en France. Colbertisme comme mercantilisme sont des mots qui ont été créés au XIXe siècle par les économistes et les historiens » (p.301) in Guery, Alain, « Industrie et Colbertisme ; origines de la forme française

Charles De Gaulle et Jean-Pierre Chevènement, jusqu’à Arnaud Montebourg plus récemment, le colbertisme apparaît quasiment comme une matrice commune des discours officiels, dans lesquels l’Etat s’empare de la situation industrielle française et tente de l’organiser. Dans sa forme idéale, cette grande politique vise à réaffirmer la supériorité de la raison d’Etat sur des intérêts sectoriels. Elle met les industries et plus généralement les forces économiques, au service de la puissance du monarque, généralement en accumulant un maximum de richesses par le jeu du commerce international. Il s’agit en quelque sorte d’une politique capitaliste volontairement agressive405 qui use de multiples stratégies économiques

et d’outils administratifs pour favoriser les exportations au détriment des importations. Remise dans son contexte historique, cette politique hérite de pratiques (manufactures et arsenaux royaux) et de doctrines (mercantilisme) présentes depuis le XVIème siècle, et qui

sont à la base des conceptions gouvernementales modernes406.

Le Colbertiste, une doctrine en matière de politique industrie lle

Les manufactures - on emploie alors « industrie » seulement dans sa première définition - constituent une des pièces maitresses au sein de la politique « colbertiste » dans la mesure où elles remplissent trois fonctions : production des équipement militaires (notamment chantiers navals et arsenaux), production d’objets d’art (par exemple les glaces et miroirs, les tapisseries) et exportations (comme la fondation de fonderies, l’encouragement du textile et des draps fins). Un fort volontarisme étatique assure l’organisation d’un outil industriel alors composé essentiellement de petits ateliers spécialisés, et fonde les cas échéants des manufactures ainsi que quelques grands équipements, comme pour les arsenaux de Rochefort et le port de Toulon. Une batterie de mesures politiques sont prises progressivement afin, entre autres, de favoriser la montée en compétence technique de l’industrie (recrutement d’ouvrier étrangers), le développement du commerce (fondation de compagnies commerciales), le renforcement et la croissance des activités (octroi de monopoles et de subventions), la protection du marché français (réglementation ciblée, droits de douane).

405 La politique de douanes sélectives de Colbert a ainsi menée à la guerre avec la Hollande (1672-1678) ;

rappelons qu’à cette époque les Provinces Unies sont le centre du capitalisme mondial (Braudel, Fernand,

Civilisation matérielle, économie et capitalisme… op.cit., 1979).

406 Foucault, Michel, Sécurité, Territoire, Population, Cours au Collège de France. 1977-1978, Paris : Gallimard-

Le retour régulier de la référence politique au Colbertisme dans les débats et dans les discours407, loin de se limiter à un affichage politique opportuniste, peut être interprété

comme un signe de régénérescence régulière d’une certaine vision politique de l’industrie, qui voudrait que l’Etat soit le chef d’orchestre d’une industrie nationale au service des intérêts « de la nation » tout autant que de ses propriétaires. Dans ce référentiel, attaché à la raison d’Etat, l’industrie devrait contribuer la splendeur du pays et à l’accroissement des forces sociales (richesse, puissance, prospérité de tous et organisation bien ordonnée des villes et campagnes), tandis que l’Etat créerait les conditions du bon développement économique. Ainsi, l’Etat n’a pas vocation à tout contrôler, organiser et protéger. En effet, hormis quelques secteurs stratégiques, en général en lien direct avec une fonction de souveraineté (industrie militaire ou secteurs en rapport avec la symbolique étatique, comme les glaces et miroirs à l’époque de Versailles ou plus récemment l’industrie aérospatiale), les mesures d’aide ciblée et de soutien économique ne sont que des « béquilles » temporairement accordées afin « d’apprendre à marcher le plus tôt possible » (des mots de Colbert lui-même dans sa lettre aux échevins de Lyon)408. Cependant, pour la majorité des

secteurs, l’intervention et le volontarisme étatique n’ont pas vocation à se substituer complètement à la dynamique entrepreneuriale capitaliste : il s’agit plutôt d’établir des rapports de clientèle avec les dirigeants ou propriétaires d’entreprises. Ainsi, certaines difficultés récurrentes rencontrées par l’industrie française au cours des deux derniers siècles peuvent servir d’opportunité à la création de relations entre commis de l’état et industriels. Les difficultés d’obtention de financement pour les entreprises, déjà sous Colbert mais aussi tout particulièrement dans la seconde moitié du XIXème siècle, ou encore les difficultés de

certains secteurs de bénéficier de débouchés suffisants, tant par la faiblesse de la demande nationale que par les difficultés à compenser cela par des exportations, permettent aux gouvernements de mettre en place des possibilités de financement (prêts bonifiés) ou des commandes publiques (obtention d’un monopole, garantie des commandes, réservation d’un segment de marché, etc.)409. Cela permet de rapprocher les deux milieux, et d’instaurer des

relations à double sens qui existent encore au XXème siècle et jusqu’à nos jours sous de

multiples formes410.

407 Souvent de manière explicite, comme le notent Alain Guery (op.cit., 1989) ou Elie Cohen (op. cit., 1992), mais

aussi plus récemment avec la mise en place de la plate-forme informatique du gouvernement « Colbert 2.0. » destinée à promouvoir la relocalisation des activités industrielles (voir le site du ministère de l’économie, consulté le 09.09.15. : http://www.economie.gouv.fr/relocaliser-sa-production-en-france-avec-logiciel-colbert-2-0).

408 Citation reprise par Alain Guery (op.cit., 1989, p.304) de André Marchai, La conception de l'économie

nationale et des rapports internationaux chez les Mercantilistes français et chez leurs contemporains, Paris : Sirey, 1931, p.34.

409 Levy-Leblond, Maurice (dir.), Histoire de la France Industrielle, Paris : Larousse, 1998.

410 Nous nous référons encore aux travaux de John Kenneth Galbraith, qui a bien montré dans ses écrits ; voir

« The Essential Galbraith » mais aussi plus récemment aux travaux de la sociologie des élites, voir par exemple Genieys, William et Hassenteufel, Patrick, « Qui gouverne les politiques publiques ? Par-delà̀ la sociologie des élites », Gouvernement et action publique, 2012, n° 2, p.89-115, voir également la synthèse proposée par Joly,

Ce tableau général doit cependant être nuancé. Certes, la doctrine colbertiste sert de référence régulière dans les discours officiels411 sur l’industrie, et à ce titre elle structure les

conventions sociales concernant le développement industriel. Elle met en scène les acteurs sociaux et définit un rôle à l’industrie dans le récit sur la grandeur de la nation et l’intervention étatique appropriée. Ainsi, cette dotrine encadre l’action collective qui devrait prévaloir en matièr d’industrie à des finalités politiques supérieures relatives à la raison d’Etat412. Mais la remise en contexte historique du « colbertisme » impose quelques nuances.

La reconnaissance du colbertisme comme archétype de la politique industrielle française est un fait du XIXème siècle413. A partir de cette époque, le corps de doctrine et les outils

d’intervention économique de l’Etat se développent lentement, au rythme des problèmes et crises à résoudre414. Aussi, le rétablissement d’un Etat-nation républicain en 1945 hérite

d’une tradition politique et administrative française plus large, mais qui ne peut être qualifiée qu’a posteriori de « colbertiste », dans la mesure où la doctrine qui prévaut alors considère le développement industriel comme légitime d’abord en tant qu’il sert des intérêts supérieurs d’Etat (raison d’Etat), mais qui cette fois visent à satisfaire des impératifs de progrès sociale et de développement de la nation, et non plus seulement un enrichissement du monarque ou d’une classe sociale privilégiée415.

L’interventionnisme étatique d’après-guerre coordonnée par le Plan

Dans la période de reconstruction de la France de l’après deuxième guerre mondiale, le Plan est une technique de politique industrielle qui s’inscrit en partie dans le prolongement de la tradition colbertiste. Son adoption est marquée par la volonté de donner une cohérence nouvelle aux politiques économiques françaises, au service d’un idéal de progrès et justice sociale416. En rupture avec les principes politiques de la première partie du XXème siècle,

Hervy, De la sociologie à la prosopographie historique des élites : regards croisés sur la France et l'Allemagne, Mémoire de synthèse présenté pour l’Habilitation à Diriger les Recherches, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 2008.

411 « Officiels » au sens de Bourdieu : qui descend de l’office (mélange de bureaucratie et d’élus), c’est-à-dire des

détenteurs de la légitimité d’émettre la définition la plus légitime de quelque chose dans le contexte du débat public ou d’une autre situation générale (c’est-à-dire qui est tout sauf de l’ordre du privée) (cf. Bourdieu, Pierre, et

al., op.cit., 2012, p.139-149).

412 Foucault, Michel, op.cit., 2004, p.263. 413 Alain Guery, op.cit., 1989, p.301. 414 Legendre, Pierre, op.cit., 1992, p.73. 415 Supiot, Alain, op.cit., 2010.

416 Supiot, Aain, Grandeur et misère de l’Etat social. Leçon inaugurale au Collège de France, Paris : Collège de

France/Fayard, mai 2013. Alain Supiot rappelle que le programme du conseil national de la résistance (15 mars 1944) et la déclaration de Philadelphie (de l’Organisation Internationale du Travail, mai 1944) signée par la

considérés comme responsables de la crise de 1929 et de ses conséquences funestes, les fondateurs de la Quatrième République (1945-1958) déclarent renouer avec un interventionnisme étatique fort dans les activités économiques nationales, tout en maintenant la liberté d’entreprise et la libre fixation des prix sur les marchés417. Cette

doctrine économique est présentée comme singulière, car à mi-chemin entre, d’une part, le modèle collectiviste et planificateur dominant dans les pays socialistes, et d’autre part la libre entreprise, quoique fortement encadrée par un Etat providence, inventée et mise en œuvre aux Etats-Unis d’Amérique et au Royaume-Uni418. Déjà dans l’entre-deux guerres, le patronat

apparaissait comme rationalisateur, par la mise en place systématique d’une organisation scientifique du travail. Il s’agissait ainsi à partir de 1945, à l’aide des outils de politique économique et industrielle, de rationaliser419, c’est-à-dire d’encadrer, contrôler et orienter les

activités industrielles, considérées comme facteurs de progrès et de prospérité mais aussi d’excès et d’inégalités. L’Etat ainsi doté de capacités de structuration industrielle (réglementation et régulation des secteurs existants) et d’initiative (stratégies d’impulsion et d’investissement dans des secteurs donnés), se trouvait conforté dans sa fonction d’organisateur du développement économique420.

Dans ce contexte, les politiques industrielles étaient qualifiées de « structurelles » car de long terme, et elles composaient, aux côtés des politiques monétaires et fiscales (qualifiées quant à elles de « conjoncturelles ») un des deux pôles des « politiques économiques »421. Le

« Plan » occupait une place centrale dans le dispositif d’articulation des divers moyens politiques mis en œuvre par la politique industrielle. Il désignait tant un document administratif qu’une pratique organisationnelle, qui fixe des objectifs économiques : production, orientations industrielles, résultats socio-économiques attendus (nombre de

France sont des manifestations de volontés politiques fortes de redéfinitions des finalités et des conditions d’exercice des activités économiques, jugée en partie responsable de la haine sociale à l’origine de la guerre.

417 Charles De Gaulle déclare ainsi lors de son grand discours du 12 décembre 1944 au Palais de Chaillot: « Pour

résumer les principes que la France entend placer désormais à la base de son activité nationale, nous dirons que, tout en assurant à tous le maximum possible de liberté et tout en favorisant en toute matière l'esprit d'entreprise, elle veut faire en sorte que l'intérêt particulier soit toujours contraint de céder à l'intérêt général, que les grandes sources de la richesse commune soient exploitées et dirigées non point pour le profit de quelques-uns, mais pour l'avantage de tous, que les coalitions d'intérêts qui ont tant pesé sur la condition des hommes et sur la politique même de l'État soient abolies une fois pour toutes, et qu'enfin chacun de ses fils et chacune de ses filles puisse vivre, travailler, élever ses enfants, dans la sécurité et dans la dignité. ». (De Gaulle,

Charles, Discours du palais de Chaillot, 12 septembre 1944, Site de la Fondation Charles de Gaulle, consulté le 13.10.15 : http://www.charles-de-gaulle.org/pages/l-homme/accueil/discours/pendant-la-guerre-1940- 1946/discours-du-palais-de-chaillot-12-septembre-1944.php).

418 Bernard, Philippe J., « La planification française », Annales Economies, Sociétés, Civilisations, Vol.19, n°3,

1964, p. 559.

419 Denord, François, Henry, Odile, « La « modernisation » avant la lettre : le patronat français et la

rationalisation (1925-1940) », Sociétés contemporaines, n° 68, 2007, p. 83-104.

420 Bernard, Philippe, ibid., p.562

logements, d’emplois, inégalités), etc. Le plan était ainsi porteur d’un certain cadre pratique et intellectuel pour les politiques de développement économique et social. L’activité de planification permettait de veiller à la cohérence et à la rationalisation des moyens juridiques et économiques, c’est-à-dire des instruments administratifs à disposition, en fonction des finalités politiques et sociales de l’époque422.

Bien plus qu’un simple dispositif de coordination, cette pratique devait toucher jusqu’au mode de fonctionnement étatique et ainsi « conférer à la vie collective un sens qui

éclaire et donne une valeur éthique à l'activité de chacun »423. Face à l’« incrémentalisme »

naturel de la politique, aux changements de majorités successives ainsi qu’à la recherche de compromis, il s’agissait de contraindre les forces gouvernementales à accepter des engagements clairs de long terme424. Par ailleurs, grâce à la mise en place de concertations

lors de son élaboration, le plan devait permettre de construire un accord entre les différents organes administratifs concernés, pour régler les conflits de manière transversale et générale425. L’administration statistique426 s’est ainsi trouvée renforcée, car elle avait comme

mission de construire une représentation de l’état économique et social du pays, tant dans un optique de conception du plan que de mesure de ses effets. Notons que ce mode de fonctionnement n’est pas sans rappeler les méthodes de mesure statistique et de gestion des performances alors développées aux Etats-Unis427 dans le prolongement de l’organisation

scientifique du travail (OST). La pratique de planification semble ainsi comporter un souci de rationalisation technique et industrielle de l’action collective en matière de conception et de pilotage des politiques industrielles.

422 Ullmo, Yves, « Aperçus sur la pratique de la planification », Revue française de science politique, Vol.23, n°2,

1973, pp. 230-249.

423 Gruson, Claude, « La prévision économique aux États-Unis », Cahiers de l'I.S.E.A., octobre 1957, cité par

Pierre Massé dans Le Plan ou l’anti-hasard, Paris : Gallimard, p.50.

424 Ullmo, Yves, op.cit., 1973, pp. 244.

425 Massé, Pierre, « La planification française », Les Cahiers de la publicité, n°1, pp. 86-87.

426 Nous désignons là la comptabilité nationale : avec l’INSEE (Institut National de la Statistique Economique et

Sociale) crée en 1946 à partir du Service National des Statistiques (crée en 1941). Il est intéressant de noter que ce dernier est issu d’une fusion entre le bureau de la Statistique Générale de France (existant depuis 1840) s’occupant de la mesure économique, et du Service de la démographie du gouvernement (crée en 1940), chargé de la mesure démographique.

427 Dans le domaine des méthodes d’évaluation, de mesure et de contrôle statistique de la production, nous avons

déjà mentionné l’influence aux Etats-Unis du statisticien de la production Walter A. Shewhart (1891-1967) inventeur du management de la qualité dès les années 1930, et d’Edward W. Deming (1900-1993) son principal promoteur, qui a tenté de généraliser sa réflexion sur la qualité (et l’action humaine) dans des écrits sur des sujets aussi divers que la politique, l’administration, l’éduction, etc. Voir par exemple The New Economics for Industry,

Par sa centralité et son influence dans l’appareil politique et administratif français428,

la planification permet donc de lier les objectifs étatiques supérieurs de progrès social, de sécurité et de reconstruction avec des politiques économiques visant à optimiser les effets positifs du développement industriel, notamment en réduisant l’incertitude, c’est-à-dire en produisant les conditions d’assurance favorisant un investissement et une convergence commune des anticipations des entreprises429. Elle est à la fois l’outil d’action politique

principal sur les milieux industriels et commerciaux, et à ce titre sa définition, ou critique, devient l’un des principaux enjeux des discussions publiques sur l’avenir économique et social. Cette organisation du pouvoir d’action collective dans la sphère publique apparaît ainsi jusqu’à la présidence de Georges Pompidou au début des années 1970430, empreinte