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Nous nous intéresserons ici à la manière dont la composition d’un repas en France est généralisée ou, au contraire, présentée comme un cas particulier. MAJA9F en présente trois, le [petit déjeuner], le [déjeuner] et le [repas du soir]. Pour le « petit déjeuner », elle ne précise pas le moment de la journée auquel il est pris, elle s’appuie donc sur les sèmes présents dans la définition courante de ce lexème. Pour le « déjeuner » elle donnera la précision temporelle rétroactivement au moment où elle compare le repas du soir au [repas de midi] et où elle reprend anaphoriquement le [déjeuner] cité plus haut.

En revanche, on peut noter qu’elle ne s’étend pas au goûter ou à la collation, ni au brunch, à l’apéritif dinatoire ou au souper.

(9) MAJA9F : « La composition des repas français de tout les jours ! En général voici ce que nous mangeons :

Le petit déjeuner:

Généralement nous prenons :

- Une boisson chaude : café, thé, lait ( avec du cacao ) - Des boissons froides : Jus de fruit, du lait froid

- Du pain avec de la confiture, du beurre ou du NUTELLA ( miam, miam ^^ ). Des personnes prennent des fruits aussi !

[Photo de viennoiseries] Nous mangeons des petits au chocolat & des croissants ! Le déjeuner:

- Entrée: nous prenons soit des crudités, soit de la charcuterie, de la salade verte. Il y a des fruits que nous mangeons en entrée comme le pamplemousse et/ou le melon !

- Le plat principal est composé souvent de viande ou de poisson avec des légumes, des pâtes ou du riz ! A la fin nous pouvons prendre du fromage !

- Le dessert: nous pouvons prendre un yaourt, des fruits ou une glace ! Certaines personnes prennent un café à la fin du repas !

Le repas du soir est similaire au repas du midi mais un peu plus léger. Nous pouvons prendre de la soupe !

Voici en gros ce que nous mangeons au quotidien =) ! Mais je pense que en Italie c'est à peu près pareil que nous Français =) ! »

Voici les éléments de généralisation :

- [La composition des repas français] ; l’article défini singulier qui détermine [composition] rend celle-ci unique, il n’y en aurait qu’une seule possible et stable qui caractériserait un ensemble fixe nommé [repas français] ; l’adjectif [français] vient refermer cet ensemble qui se limite à la culture ou au territoire français ; - [de tout les jours] et [au quotidien] généralise la susdite [composition] dans le

temps, non seulement elle la pérennise mais elle en fait une habitude qui se répète cycliquement ;

- [Le repas du soir est similaire au repas de midi mais un peu plus léger] ; de la même manière, on retrouve ici des articles définis au singulier, [Le] et [au] dans sa forme contractée ; en outre, la comparaison annoncée par [similaire] suggère une régularité à la fois de structure et de retour cyclique qui appuie encore la généralisation ;

- le présent de généralité utilisé dans la plupart des occurrences verbales. Et voici les éléments de particularisation :

- [Des personnes prennent des fruits aussi !] ; la phrase commence par un article, cette fois, indéfini pluriel qui va isoler un sous-ensemble, une variante possible dans la [composition] présentée par ailleurs comme uniforme ; il n’est pas possible de dire si l’adverbe [aussi] fonctionne sur le plan de l’énonciation, s’il s’applique à [personnes] ou seulement à [fruits], cependant l’ambigüité permet l’interprétation libre et peut même lui permettre un double fonctionnement ; dans les trois cas possibles, on a un effet de particularisation imposé par l’indéfini [Des] ;

- [Certaines personnes prennent un café à la fin du repas !] ; comme dans l’énoncé précédent, l’adjectif indéfini [Certaines] isole lui aussi un sous-ensemble possible ;

- [A la fin nous pouvons prendre du fromage !], [Nous pouvons prendre de la soupe], [nous pouvons prendre un yaourt] ; le verbe « pouvoir », utilisé trois fois, contient explicitement les sèmes de la possibilité, renforce l’effet de particularisation.

Parallèlement, il y a des éléments ambigus qui vont à la fois généraliser ou particulariser, selon l’interprétation que l’on en fait, selon les sèmes que l’on actualise ou pas :

- [En général], [nous mangeons] : l’expression adverbiale, en tête de phrase, contraste et minimise l’effet de généralisation du présent et du pronom de la première personne du pluriel qui renvoie implicitement au groupe fermé des « français » ; en effet, [En général], qui tend pourtant explicitement à la généralisation, traduit dans ses sèmes-même, de par la précision qu’il apporte, l’existence d’autres cas, moins fréquents, mais qui n’en sont pas moins possibles ; la même structure discursive se retrouve trois fois dans cet extrait : [Généralement], [nous prenons] et [en gros], [nous mangeons] ;

- une autre ambigüité est révélée par les énumérations d’aliments que fait MAJA9F, il s’agit parfois d’une simple apposition comme dans [café, thé, lait] ; ou bien, elle utilise les conjonctions [ou] et [soit] ; notons que le signe [&] dans [Nous mangeons des petits au chocolat & des croissants] ne sert qu’à relier deux

éléments appartenant au même ensemble, celui des viennoiseries, sans s’appliquer au prédicat.

Il est difficile d’affirmer quel est l’effet qui prévaut chez MAJA9F mais généralisation et particularisation sont possibles et peuvent donc être « actualisées » ou non par les lecteurs.

En conclusion, MAJA9F fait une sorte d’aparté, [Mais je pense que en Italie c’est à peu près pareil que nous Français =) !], qui ressemble à une pensée personnelle dite « tout haut ». Bien que celle-ci se termine par un point d’exclamation, de prime abord, elle apparaît implicitement comme une demande de confirmation concernant l’affirmation énoncée dans la complétive. Pourtant, il se peut que cela soit seulement une demande d’approbation concernant le prédicat complet ; ce qui peut signifier que l’importance de l’accord soit bien moins soumis à la vérité de la proposition qu’à la connivence subjective entre MAJA9F et ses lecteurs.

Entre (10) et (13), sont reproduits les commentaires qui participent, chacun à leur manière, à la régulation de cette opposition généralité-particularité.

(10) Cri : « Habituellement en France le déjeune est composé de tous les trois choses que as-tu énuméré? En Italie non tous les familles font le déjeune complété.. Dans ma famille le repas plus important est le diner.. »

(11) Mart : « salut MAJA9F!!moi aussi j’aime la NUTELLA! En italie le petit dejeuner est plus simple que en france…en effet je prends seulement une tasse de lait…qu’est-ce que tu prends pour le petit dejeuner??? Bises mart! »

(12) Marb : « salut… quel est ton plat préféré? vous ne mangé pas de pate? Bises marb »

(13) Mir : « salut MAJA9F!! les italiens mangent comme les français..j’aime les croissants seulement au chocolate..que est-ce c’est la CHOUCROUTE???? a bientôt!! »

En (10), la première question de Cri interroge justement cette généralisation portant à la fois sur la fréquence avec l’adverbe [Habituellement] puis sur les possibilités de variations avec [tous les trois choses] ; une gradation commence ensuite, Cri fait une « dé-généralisation » [non tous] qui concerne son territoire d’expérience [En Italie] ; puis elle décrit, en guise de démonstration, un cas particulier qui prouve ces dires [Dans ma famille le repas plus important est le diner..], cela présuppose, qu’au moins chez elle, le petit déjeuner n’est pas [complété], soit constitué des trois éléments décrits par MAJA9F.

En (11), Mart, elle, commence par donner un avis qui prend en compte les généralités qui ressortent de la comparaison entre son interprétation du discours de MAJA9F et sa représentation du petit déjeuner italien, [plus simple qu’] ; ensuite, comme pour Cri, sa démonstration, introduite par [en effet], se fait par l’affirmation de l’existence d’une exception, irréfutable puisqu’il s‘agit d’elle-même, [je prends seulement].

En (12), [vous ne mangé pas de pate ?], non seulement Marb se focalise sur les pâtes, c’est dire, sans doute, l’importance qu’elle y accorde, mais elle prend part à un malentendu puisque MAJA9F a bien cité les pâtes comme possibilité de plat principal. Cette dernière lui répondra d’ailleurs en (14) avec insistance, avec la formule emphatique [Et bien sûr que oui] suivie de la répétition de l’affirmation [nous mangeons des pâtes] renchérie par l’émoticône [=))] à double sourire. Ce malentendu pourrait être dû au fait que Marb n’ait pas lu la partie de la phrase de MAJA9F où sont mentionnées les pâtes ; ou bien peut-être qu’elle s’attendait à ce que cet aliment ait une place plus importante. En (13), Mir exprime une toute autre opinion, elle fait une comparaison égalitaire, contrairement aux autres commentaires qui pointent des différences, sa représentation est une représentation de similitude.

Cri, Mart, Marb et Mir ont lu toutes les quatre le même article, pourtant elles n’ont pas sélectionné les mêmes éléments pour le commenter ; d’où les différences d’opinions et de représentations qui en ressortent.

(14) MAJA9F : « Pour le petit déjeuner, j'ai dis une composition général, tout le monde ne mange pas tous cela ! Chacun prend ce qu'il veut !

Moi je prend généralement du jus d'orange avec des biscuits ou du pain au Nutella !

Mon plat préféré c'est les endives au jambon avec de la semoule, ma mère les fait super bien xD ! Et bien sûr que oui nous mangeons des pâtes =)). »

En (14), les réponses de MAJA9F reprennent également cette opposition général-particulier et tendent vers la particularisation. En effet, elle répète le lexème [général] qui détermine la [composition] des repas et elle explicite presque méta-linguistiquement le sens qu’elle lui donne :

- par l’anaphore [tout le monde ne mange pas tous cela], le terme « anaphore » renvoyant ici à la figure de style consistant à répéter un même mot en tête de vers, de phrase ou de membre de phrase symétriquement ;

- et par [Chacun prend ce qu’il veut !], avec le pronom indéfini qui isole la liberté de chaque individu par rapport à l’autre à l’intérieur du groupe et avec le verbe « vouloir » qui met les volontés en avant.

Pour appuyer son explicitation de [général], elle reprend plus loin [généralement] comme adverbe qui s’applique à toute une proposition qui décrit un exemple particulier, irréfutable là aussi, puisqu’il s’agit de faire la preuve par l’expérience personnelle.

L’ambigüité de l’adverbe [généralement] est alors résolue au moins subjectivement : pour MAJA9F, il est bien là pour mettre l’accent sur la non-généralisation.

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La représentation de JUJA10F sur son propre travail