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Dans un deuxième article, JEJA2F avait inséré la vidéo d’un clip de la chanteuse de RnB, Kenza Farah, [française d’origine algérienne].

(10) Zak : « salut!!! mais kenza farah est une chanteuse arabe?????!!!!!!moi j'aime Nancy ajram...!!bisuuuuuuu »

(11) JEJA2F : « Coucou. Oui, Kenza Farah est une chanteuse française d'origine algérienne. Je ne connais pas la chanteuse que tu dis, mais j'irai voir sur you tube. Bisous »

Ce que nous souhaitons souligner ici, c’est la façon dont Zak, élève italienne d’origine marocaine, exprime son étonnement. La structure de l’énoncé suggère l’oralité et un ton montant en commençant par [mais] et en se terminant par cinq points d’interrogation et six points d’exclamation.

Si elle est si étonnée, c’est sans doute d’abord parce qu’elle pense que peu de personnes de son entourage partagent cet amour pour la musique orientale ou métissée. On peut supposer ensuite que le choix de JEJA2F lui fait plaisir ; un plaisir particulier du fait du lien affectif qu’elle entretient avec ses origines ; c’est ce qu’elle montre à la fois, thématiquement, par le partage de la musique d’une autre chanteuse [arabe] et, typographiquement, par les sept « u » de [bisuuuuuuu].

Pourtant, il semble que les deux lycéennes ne fassent pas référence à la même catégorie de chanteuse, du moins pas pour JEJA2F. Kenza Farah est une chanteuse française d’origine algérienne certes mais elle chante du R’nb en français. Nancy Ajram est une chanteuse libanaise arabophone qui chante en arabe un rock marqué de sonorités

orientales. Cependant, les différences de représentation ne conduisent pas à un conflit ni vraiment à une totale incompréhension. La recherche de complicité de Zak réussit puisque JEJA2F promet d’aller écouter la chanteuse qu’elle ne connait pas.

Notons qu’en (3) et en (7), c’était JEJA2F qui mettait ses origines en avant. D’abord en signalant les origines siciliennes de sa mère en (3) ; puis, en s’identifiant au stéréotype de l’Italien qui aime forcément les pâtes par le [donc] qui s’applique au subjectivème « aimer » embrayé à la première personne du singulier en (7).

Gervita

Deux commentaires font la demande d’une précision métalinguistique sur le terme « Gervita », que JEJA2F avait utilisé dans la première version de son article sur la charlotte aux fraises.

(12a) Rob : « salut!! je voudrai savoir.. qu'est ce-que c'est le gervita?? […] merci!! ROB =) » (12b) Ver : « qu’est-ce que sont les Gervita ? ver »

(13) JEJA2F : « Coucou =). Gervita est de la marque Danone, ce sont des yaourts natures. Je vais corriger sur la recette pour ne pas porter à confusion, merci pour la remarque ! […] Bisous Miss » JEJA2F répond en remplaçant palimpsestueusement « Gervita » par « yaourt nature » dans son article, tenant sa promesse faite en (13).

Galisson1 considère les noms de marque comme une catégorie du lexique culturel, nécessitant une certaine « charge culturelle partagée » pour être compris. Nous assimilerons cette charge culturelle à une certaine représentation d’un certain objet. Ici, derrière l’utilisation du lexème « Gervita » se cache toute une représentation de l’objet « yaourt ». Cela va de soi, n’importe qui, qui aurait vécu en France assez longtemps pour connaître la marque Gervita, pourrait partager cette charge, même sans être français. De la même manière, ce n’est pas parce qu’on vit en France ou qu’on connait la culture française qu’on utilisera « Gervita » à la place de « yaourt nature ». Il y a là également le signe d’habitudes personnelles dont les causes peuvent être très diverses et, dans tous les cas, contingentes.

1 Robert Galisson, « La pragmatique lexiculturelle pour accéder autrement, à une autre culture, par un autre lexique », Etudes de Linguistique Appliquée n°116, 1999, p 477-496.

Ici, s’il y a eu demande de précision métalinguistique, c’est par la curiosité qu’a provoqué le fait de rencontrer un lexème inconnu, mais aussi, toutes les représentations qui en découlent.

Malentendu ?

Arrêtons-nous d’abord sur la structure de la séquence en (18)-(19). JEJA2F ordonne les réponses en parallèle sans connecteur, comme elle le fait à plusieurs reprises dans son blog, et comme il est courant de le faire en CMO.

La deuxième partie du commentaire de Mart est une interrogation directe [quels sont tes plats préférés ???]. La réponse se fait directement également, nous ne nous y attarderons pas.

(18) Mart : « salut JEJA2F!!!moi aussi j'aime la patisserie...mais je ne sais pas cuisiner...je suis un désastre!!! quels sont tes plats préférés???bises mart!!!!! »

(19) JEJA2F : « Salut ! Tu commences par suivre des recettes sur des livres de cuisine, puis à force de faire des recettes tu les connais, tu y arrives de mieux en mieux et tu peux y ajouter tes touches personnelles, changer une partie de la recette où même tout changer. C'est ça qui est bien dans la cuisine !! =)

Mes plats préférés sont les gâteux aux chocolats, moelleux au chocolat, sablés aux amandes ou aux noisettes (ou même les deux mélangés)... Il y en a tellement que je ne pourrai pas tous te les citer !!

Gros bisous. Courage, c'est pas si dur que ça la cuisine !! »

En revanche, a priori, on peut se demander à quoi répond la longue description de l’apprentissage de la cuisine, Mart n’ayant pas exprimé le désir d’une telle explication. En effet, JEJA2F prend le temps de décrire les étapes qui l’ont, sans doute, conduite elle-même à une pratique confirmée de la cuisine.

Peut-être a-t-elle ressenti le besoin d’en donner la preuve ? Ou bien, c’est le fruit de l’interprétation qu’elle a faite de [je ne sais pas cuisiner…je suis un désastre !!!]. Il semble que le subjectivème fortement négatif [désastre] évoque plutôt l’idée que Mart n’a plus aucun espoir, et peut-être même plus l’envie de devenir cuisinière. Pourtant, les explications de JEJA2F projettent Mart directement dans la peau de l’apprentie en embrayant le discours à la deuxième personne et en utilisant un présent de narration qui s’apparente presque à un futur.

Dans les deux cas, JEJA2F cherche à pousser Mart à agir ainsi dans la réalité. Ce qui se confirme par :

- [C’est ça qui est bien dans la cuisine !! =)], le [ça] clivé matérialise la preuve qu’il existe dans la pratique de la cuisine quelque chose de [bien], subjectivème mélioratif ; JEJA2F répond ainsi, par dialogisme interlocutif, à [il n’ya rien de bien dans la cuisine] ;

- la clôture en [c’est pas si dur que ça la cuisine !!] ; la cuisine n’est pas seulement [bien], elle n’est « pas si dure », donc [facile], soit à la portée de Mart ;

- et surtout l’exhortation finale [Courage] qui joue sur l’amour-propre de Mart sous-entendant [si tu ne te mets pas à la cuisine, tu n’es pas courageuse].

Son acte de langage est donc exercitif et l’effet perlocutoire serait le fait que Mart devienne effectivement cuisinière.

Remarques

Sur le plan interpersonnel, le discours de JEJA2F renvoie à ses représentations de certains objets de son environnement extérieur. Dans les extraits analysés, ces objets sont la cuisine, le fait de se nourrir, la musique ou les yaourts. Ils sont sélectionnés, découpés dans ce qu’on pourrait appeler la totalité du réel, insaisissable. Non seulement, les lecteurs n’ont accès qu’à une partie de ce réel, mais ils n’y ont accès que par ce que leur en dit JEJA2F.

Avant d’être exprimés, les objets saisis par JEJA2F sont traités cognitivement, autrement dit, ce qu’elle exprime dans son discours, c’est ce qu’elle en pense ou ce qu’elle veut que les autres croient qu’elle en pense, que cela soit conscient ou pas. C’est le cas par exemple pour son opinion sur le fait de se nourrir ; si on veut prendre soin de soi, il ne faut pas beaucoup manger. Il en va de même pour sa sélection des plats « les plus importants » de la cuisine française ou pour son choix de la chanteuse Kenza Farah. C’est-à-dire que le discours véhicule les valeurs axiologiques que le sujet parlant attache aux objets auxquels il fait référence.

Il véhicule parfois aussi les représentations que le sujet parlant se fait de ses interlocuteurs et les valeurs qu’il y attache. Quand JEJA2F encourage Mart à cuisiner, elle répond à sa

propre représentation de Mart en tant que « souhaitant apprendre la cuisine ». Nous posons l’hypothèse que c’est parce que cela correspond, pour elle, à des valeurs positives. Le discours est ce qui naît de la rencontre entre la langue et la situation de communication. JEJA2F déploie certains moyens linguistiques pour construire son discours en fonction de la situation de communication, autrement dit de l’environnement extérieur, incluant les objets (et les sujets) qu’il contient. C’est ce qui fait de cette construction, une co-construction. Elle se fait à la fois pour soi, pour les autres, en fonction de soi, en fonction des autres et de l’environnement qui les inclut.

En retour, les interlocuteurs vont percevoir dans le discours, à travers les moyens linguistiques utilisés, des représentations qu’ils vont eux-mêmes traiter.

Notons que l’étape du décodage linguistique est évidemment cruciale pour « entrer » dans le discours. Un mot inconnu suffit à créer un « manque » dans la compréhension. C’est le cas ici pour « Gervita » mis pour « yaourt », même si le contexte laissait envisager le sème « aliment ».

Ce traitement donnera naissance à des représentations qui permettront à leur tour de répondre, en s’adaptant, en approfondissant ou en prolongeant la co-construction.

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Avant-propos

Par le choix même d’un chanteur qui n’est pas « de son époque », MAJA3F brise les stéréotypes : elle préfère Jacques Brel à la musique moderne et montre qu’elle l’assume totalement alors que la « norme » voudrait qu’elle ne s’intéresse qu’aux musiques modernes de son temps ou de son âge.

Tout au long de son blog il semble que la compréhension de ce que représente Brel pour MAJA3F se construise négativement, par opposition avec ce que Brel n’est pas.