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Dans son article de présentation, BRJA4F commence par un paradoxe. Il se contredit en affirmant à la fois aimer :

- [la France] en (1) et [j’aime ce pays] en (2) ;

- et [pas grand-chose en France] renforcé par [la seule chose qui me plaît de la culture française] en (2).

(1) BRJA4F : « J'aime : L'OM, le foot, le ping-pong, l'Italie, le Japon, la France, les pâtes, et tout plein de choses.

(2) BRJA4F : « J'aime honnêtement pas grand chose en France, mais je suis né ici alors j'aime ce pays. La seule chose qui me plaît de la culture française est la nourriture. »

L’auteur donne un aperçu de sa représentation de la culture française et de la « France » prise dans sa globalité. Il y applique une appréciation grâce aux verbes de sentiments-subjectivèmes « aimer » et « plaire ». Cependant, il alterne structurellement les appréciations mélioratives et péjoratives ; et c’est une régression péjorative qui en ressort en passant de [pas grand chose], qui peut encore correspondre à plusieurs objets du monde référent, à une [seule chose].

Cela crée un flou dans la compréhension de la valeur réelle que BRJA4F accorde à l’objet « France ». Ses propos sont antithétiques, on le sent partagé entre un amour et un désamour pour son pays de naissance, ce qui donne un accent mélancolique à son discours. Cependant, c’est la vision négative qui domine puisque, outre la régression observée, la seule raison donnée pour « aimer » la France est attribuée au hasard [je suis

né ici alors], la conjonction « alors » prenant ici valeur de concession. La valeur positive est en conséquence amoindrie par un fidéisme un peu contraint.

En outre, BRJA4F termine en jugeant sa présentation même, méta-discursivement, de façon négative :

(3) BRJA4F : « C'est une présentation un peu ennuyante mais bon :). »

On trouve, en (3), deux figures de style : une figure de construction, l’anantapodoton qui constitue comme l’anacoluthe, une rupture de la structure, dans lequel le deuxième élément séparé ici par le connecteur [mais], qui appelle une explication, n’est pas exprimé entièrement ; et une figure de rhétorique, la prolepse, qui consiste à prévenir les objections éventuelles de son interlocuteur. On a donc ici aussi un cas de dialogisme interlocutif qui anticipe l’énoncé [ta présentation est ennuyante].

En outre, on peut souligner l’utilisation du terme [ennuyante] considéré comme la forme vieillie ou régionale de « ennuyeuse ». Cette dernière forme adjective détermine l’état d’un objet, en revanche, la forme issue du participe présent « ennuyante » correspond plus à un aspect imperfectif de l’action. Elle a pour effet, une visualisation plus nette de l’action en train de se dérouler et augmente donc son intensité.

Cela trahit, peut-être, sa conscience de la négativité qu’il tente d’atténuer, ou d’assumer, avec un émoticône en forme de sourire.

Voici le premier commentaire qui suit cet article de présentation, une question formulée directement qui insiste sur le mot interrogatif en utilisant les majuscules en (4).

(4) Ver : « POURQUOI aimes-tu l’Italie ? ver »

(5) Ver : « Ver: J'aime l'Italie car je suis d'origine italienne, j'aime les voitures, la nourriture, et le pays italien. »

En (5), sa réponse ne se révèle ni enthousiasmé ni enthousiasmante. Comme il l’avait fait pour la France, il explique son amour pour l’Italie par le hasard de ses origines et par le fait qu’il apprécie des objets « stéréotypiquement » attribués à ce pays.

Le commentaire suivant oriente son questionnement vers le Japon, que l’auteur avait cité en (1).

(6) Mart : « pourquoi tu aimes le japon?c'est un pays très différent de la france...mart!!! » (7) Mart : « Mart: Justement le Japon est un pays très différent, c'est pourquoi il me plaît. »

Il répond en reprenant la réponse que Mart avait anticipée, en la détournant, grâce à l’adverbe [justement], puisque de point négatif, la « différence » prend chez BRJA4F un sens mélioratif et devient la justification plutôt que l’obstacle à l’amour pour le Japon. Cela amoindrit encore un peu, en creux, la valeur qu’il accorde à la France.

En thématisant l’objet « Japon », BRJA4F trahit son regret de ne pas avoir pu traiter de ce sujet. Il parvient d’ailleurs à allier ses deux sujets de prédilection Dès le deuxième article, il insère une image et lien vidéo vers un film japonais qui parle du vin français.

Le vin

Le deuxième thème développé dans les interactions de ce blog est bien sûr celui du vin. Mais l’échange est très pauvre. Les commentaires qui suivent l’article posent en fait des questions métalinguistiques, comme en (8), concernant les lexèmes [cépages], le [millésime] et [château].

(8) Ver : « qui sont le cépages ? je ne l’ai pas compris bien !! ver !! »

Les réponses de BRJA4F laissent supposer qu’il ne connait pas si bien ce sujet puisqu’il n’est pas capable de donner une explication précise à ces termes.

(9) BRJA4F : « Le cépages n’est pas une personne c’est comme pour vous les Cabernet Sauvignon, le chardonnay »

(10) BRJA4F : « Ver et Cri: Un millésime est en gros, un vin qui est meilleur par son année de production, un vin bordelais de 2005 est bien meilleur qu'un autre car l'année où il a été conçu est une meilleur année, un millésime est une année où les vins sont meilleurs. Je ne sais pas trop comment l'expliquer, un vin millésime est un vin meilleur que non millésime. »

(11) BRJA4F : « Cri: Je ne serais pas définir ce qu'est un château exactement, mais je sais que c'est où le vin est produit, une zone viticole, je crois.. »

En (9), il ne comprend pas que le pronom interrogatif [qui] est mis pour « que », et ne correspond pas à une personne ; au lieu de définir le mot « cépage », il donne en exemple le nom d’un cépage français, mais il le rattache à un [c’est comme pour vous] qui constitue un non-sens. En effet, on attendrait plutôt un cépage italien puisque les [vous] auquel il s’adresse sont italiennes. Peut-être est-ce la trace d’un palimpseste. En (10), il annonce que son explication va être confuse, par l’expression [en gros] et il la termine en avouant explicitement son ignorance [je ne sais pas trop comment l’expliquer], comme il le fera à nouveau en (11) pour [château].

(12) BRJA4F : « Oui un peu, je ne me souviens pas tellement des noms, mais ma mère m'en parle souvent. Nous en achetons souvent. »

(13) BRJA4F : « Oui j'aime le boire, mais cela fait un petit moment que je n'y est pas touché. […]»

En (12), en réponse à Mart qui lui demandait s’il connaissait des vins italiens, il avoue encore son ignorance au niveau de l’appellation, même s’il sauve sa face en se justifiant par l’usage qu’il en a en famille. En (13), il avoue n’en boire pas si [souvent] que ça, finalement.

Remarques

Ce blog montre à quel point les représentations sont imprégnées d’affects et que cet affect apparaît dans le discours, ne serait-ce que dans la motivation à initier puis à agir l’acte de parole.

Considérer que l’interculturalité naît avec la rencontre avec un étranger est une simplification qui nie plusieurs faits :

- le sujet communiquant peut décider de se démarquer des comportements et des attitudes majoritaires, pour des raisons qui dépassent la seule rencontre avec un étranger ;

- et donc, la culture n’est pas une entité stable, fixée et délimitée précisément. L’appropriation subjective est matérialisée dans le discours par le sujet parlant. La façon dont ce sujet s’est forgé une opinion, une attitude, une représentation n’est pas l’objet de l’enseignement d’une langue. L’intérêt de l’apprenant de langue pourrait être, en revanche, de comprendre comment s’expriment ces représentations par la langue, comment peut se construire une argumentation, comment exprimer une posture énonciative, comment co-construire un discours en interaction en manipulant des outils linguistiques et pragmatiques afin de répondre, d’expliquer, d’argumenter pour améliorer ses compétences de communication.

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