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Sous le titre « La Grande Guerre », PAJA11F explique pourtant, dans son article de présentation, qu’elle traitera de la [seconde guerre mondiale]. En (1), elle insiste sur l’intérêt qu’elle y porte en terme qualitatif par les subjectivèmes « aimer » et « passionner » ; puis, en terme quantitatif, par une circonstance temporelle introduite par « depuis que » et une circonstance matérielle, citant la multiplicité des supports auxquels elle a recours.

(1) PAJA11F : « C’est un sujet qui me passionne depuis que je suis toute petite. J’aime lire des livres, magazines ou regarder des films et des documentaires sur cette époque. »

Après son dernier article sur le rafle du Vel d’Hiv, on trouve deux commentaires qui pointent l’erreur de nomination de l’objet « seconde guerre mondiale » en (2) et en (3). Formellement, ils exposent tous les deux leur contenu propositionnel très simplement : le sujet grammatical « grande guerre » correspond aux attributs « première guerre mondiale » et « pas la seconde ». En revanche, il y a beaucoup d’implicite autour de la modalisation.

Le premier est de Mir :

(2) Mir : « salut !! en Italie nous savons que la grande guerre est la première guerre mondiale !!qu’est-ce que c’est une rafle ? bisous mir »

Par le déictique « nous », Mir embraye le discours à la première personne du pluriel. Il ne désigne pas seulement le locuteur comme énonciateur. Mir en inclut d’autres. Étant donné que ce [nous] vient après [en Italie], il est légitime de penser que le lieu désigne ses habitants par synecdoque ; [nous les Italiens] s’opposent donc implicitement à [vous les Français]. De la même manière, [nous savons] présupposerait [vous ne savez pas].

En observant le cotexte, on note la présence d’un « mot doux » dans la salutation et dans la clôture et puis la présence d’une question concernant le blog marquant un intérêt pour le sujet choisi par PAJA11F. Si l’opposition peut être prise pour une attaque, le cotexte agit plutôt comme un adoucisseur.

Le deuxième commentaire vient de Mat, il ressemble formellement à celui de Mir dont il s’est sans doute inspiré :

(3) Mat : « […] nous savons que la grande guerre c’est la première pas la seconde je me trompe? » Par rapport à Mir, Mat accentue un peu plus l’erreur de nomination par le clivage « c’est… (c’est) pas ». Celui-ci permet d’ajouter à une affirmation, la négation de son contraire et donne un effet de redondance.

Il modalise en mettant cette affirmation en doute par la question [je me trompe ?], mais il est impossible d’affirmer que cette interrogation n’est pas ironique. Dans ce cas, elle agirait comme une offense et pas comme un adoucisseur.

Dans les deux cas, en (2) et en (3), des indices paraverbaux ou mimogestuels auraient pu, dans une situation en face-à-face, faciliter l’interprétation. Mais cette interaction est écrite et voici les réponses de PAJA11F à ces remarques :

(4) PAJA11F : « Pour Mir : Tu n'as pas tout compris toi. La grande guerre n'est pas la 1ère guerre mondiale, mais la 2nd. Maintenant, réfléchis, si je n'avais pas préciser tu n'aurais pas pu te placer dans un contexte historique et tu aurais encore moins compris mon sujet. […] »

(5) PAJA11F : « Pour mat : Salut Mat :) […] Oui tu as raison la grande guerre est la seconde guerre mondiale et pas la première. Mais comme je l'ai dit a Mir il fallait que je le précise pour que vous compreniez mon sujet :) »

En (4), elle continue à nier qu’elle s’est trompée et elle commence à répondre de manière agressive : [Tu n’as pas tout compris toi]. Son interlocuteur est montré du doigt par le redoublement du déictique en vocatif. L’adverbe « tout », qui devrait normalement minimiser la non-compréhension, est employé ici ironiquement signifiant [tu n’as rien compris du tout]. Dans l’énoncé [maintenant, réfléchis], le connecteur [maintenant] agit sur le plan de l’énonciation et présuppose qu’avant le moment précis de la lecture [tu n’as pas réfléchi]. Il place brutalement le lecteur dans la réalité de la réflexion qu’il est sensé ne pas avoir faite, ce qui renforce le ton injonctif de l’impératif.

Ensuite, paradoxalement, elle se lance dans une justification absurde qu’elle reprendra en (5). Elle transforme son erreur en « précision », qu’elle présente comme condition sine qua non de la compréhension même de son sujet. Cependant, le verbe « préciser » n’a pas d’objet. On ne peut donc que supposer que ce qu’elle affirme, c’est avoir employé volontairement l’appellation de « grande guerre », et d’avoir « précisé » qu’il s’agissait de celle de 1939-1945 dans son premier article. Malheureusement, le néologisme « capillotractage » ne correspond pas à une figure de rhétorique connue à ce jour !

En (5), elle finit par accepter sa faute [oui tu as raison], sans doute parce qu’elle croît y avoir trouver une raison valable mais elle fait un lapsus en répétant son erreur.

Conclusion

De fait, ce conflit oppose deux Italiennes, qui ont étudié l’objet « seconde guerre mondiale » en Italie, et une Française qui a étudié le même objet en France, mais cela suffit-il pour affirmer qu’il s’agit d’un conflit interculturel ? Nous ne le pensons pas. Le cœur du conflit concerne les interactants en tant que sujet, leur appartenance culturelle n’y est pas pour grand-chose.

S’il y a conflit ici, c’est surtout parce que PAJA11F a du mal à assumer la responsabilité de son erreur. L’absurdité de ses explications contradictoires, l’agressivité des formules

utilisées et le lapsus final montrent qu’elle a interprété les commentaires de Mir et de Mat comme une attaque personnelle. Elle s’est sans doute sentie vexée ou humiliée. Elle avait endossé dans son premier article le rôle de la « passionnée d’histoire » qui y consacre du temps. L’erreur vient remettre en cause à la fois sa sincérité et ses capacités intellectuelles et mémorielles. Sa confusion traduit sa difficulté à sauver sa face.

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Nous nous sommes fixée la tâche de rechercher l’interculturalité, c’est-à-dire des traces de la culture en interaction, dans les échanges verbaux, entre culturalisme et anti-culturalisme.

Or, dans un premier constat, il semble que la culture ne détermine pas, ou pas toujours, les sujets, ni leurs opinions, ni leurs représentations.

Dans « Le football », un même individu, français, défend le joueur français Zidane mais pas le joueur français Henry. Or, on pourrait penser qu’un individu entièrement déterminé par sa culture « nationale » y porterait un amour inconditionnel, et ne serait pas capable des critiques faites par ABJA1F.

Dans « Les stéréotypes », il est affirmé que certains Français auraient une image stéréotypée des Italiens mais pas d’autres, y compris l’auteur du blog. On peut également remarquer que dans les commentaires des Italiens, les fameux stéréotypes n’ont pas été reçus de la même manière, ils peuvent être rejetés ou acceptés et remaniés comme, par exemple, dans la réponse de Rob en (8) :

« …je ne mange pas soulement les ‘spaghetti’ mais c’est vrai que sont le plat principal de la gastronomie italienne !!... »

Or, dans un univers d’individus entièrement déterminés par la culture, toutes les réactions seraient uniformes, sans une seule exception.

Cependant, on peut aussi dire que les sujets peuvent être influencés par leur culture. On peut l’affirmer, tout d’abord, pour ceux qui s’y identifient explicitement ; ce qu’atteste, à maintes reprises, l’emploi du « nous » qui inclut l’énonciateur dans une groupe d’appartenance nationale. On remarque également que les stéréotypes positifs sont mieux acceptés que ceux qui sont insultants ou avilissants.

Mais, à aucun moment, il n’est possible de généraliser cette influence, les sujets sont capables de négocier en faisant des concessions sur leurs opinions, de faire varier leur représentations, de relativiser des affirmations à différents degrés. Les conflits ne seraient donc pas si « interculturels », ils impliquent un engagement personnel des sujets, par-delà l’influence que la culture pourrait exercer sur eux.

En outre, dans la « Grande Guerre », l’origine culturelle du conflit paraît encore moins évidente. Le litige porte sur l’appellation de la première guerre mondiale, à laquelle l’Italie et la France ont participé et qui est enseignée dans les deux pays sous le même nom de « Grande guerre ». Le conflit est ici plus personnel que culturel, l’erreur de PAJA11F vient d’un oubli, d’une défaillance de sa mémoire, ou peut-être de son attention lors des cours d’Histoire, mais elle n’a rien à voir avec son appartenance culturelle. Seule, l’intervention de Mir en (2) peut peut-être être interprété comme un prétexte culturel (ou pour le moins national) à l’ignorance de PAJA11F :

« salut !! en Italie nous savons que la grande guerre est la première guerre mondiale !! »

La culture semble donc se « remarquer » dans le discours seulement si elle est évoquée, convoquée par le sujet.

Dans « Le football » et « Les stéréotypes », les conflits de positions, d’opinions génèrent chez les interactants de la colère ou de l’agacement ; ces émotions semblent provoquer des réactions verbales plus ou moins violentes. Et, là aussi, les différences de réactions s’avèrent dépendre de critères et de jugements personnels. Le blog « Les stéréotypes » montre, dans sa totalité, que la même remarque n’est pas reçue avec la même intensité selon ce que représente la personne qui les prend en charge : l’autodérision est, par exemple, légitimée par Maro en (16) :

« Les seuls qui peuvent se moquer d’eux-mêmes sont les italiens vrais. »

On remarque que le conflit, qu’il puisse être interprété comme culturel ou pas, fonctionne de la même manière ; de l’émotion est traduite dans les représentations par la langue dans les discours.

En première conclusion, nous dirions que grâce à la langue, dans les discours, des sujets se rencontrent à travers leurs représentations de la réalité sociale. Ces représentations portent une certaine vision du monde et il nous semble qu’elles portent à la fois une

description référentielle de ce qui est perçu et l’opinion que le sujet en a, son attitude par rapport à cette réalité, devant laquelle il doit obligatoirement se positionner.

A ce stade, ces remarques ne sont que préliminaires. Voyons à présent ce que l’on peut observer dans le reste du corpus. Dans les blogs et les articles qui suivent, il y a des références à des objets culturels (de près ou de très loin) mais où il n’y a, cette fois, pas de conflit.

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Avant-propos

Ce blog porte sur la cuisine française. Contrairement aux blogs précédents, on n’y trouve aucun conflit. Les lycéens y ont beaucoup participé et l’échange se fait avec plaisir et courtoisie ; on y trouve une multiplicité des points d’exclamation, des émoticônes, ses formules de salutation, et des promesses de se revoir [à bientôt], au moins sur les réseaux sociaux, en extrascolaire. Nous allons tout de même essayer d’y trouver des différences de représentations, étudier la façon dont elles s’expriment et chercher leur rapport avec la culture.