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Ce que l’on remarque au premier abord c’est que son deuxième article est rédigé en italien alors qu’il devait l’être en français ; ce qu’il qualifiera plus loin d’erreur. Mais cela peut aussi montrer à quel point il souhaite être compris et à quel point il est conscient de la délicatesse du sujet traité.

Il amène son sujet par une phrase qui semble traduire une sorte d’impatience :

(3) ALJA6F : « Arriviamo alla parte più interessante….il modo in cui i francesi vedono i italiani » Traduction : « Nous arrivons à la partie la plus intéressante… la façon dont les français voient les italiens »

La consigne de travail exigeait un premier article de présentation de soi avant d’entrer dans le vif du sujet. Le verbe « arriver » sous-entend métaphoriquement qu’un long chemin et une longue attente ont été nécessaires et source d’impatience jusqu’à « arriver » (enfin ?) à la partie du blog qu’il qualifie par deux subjectivèmes ; comparativement en

(2), [plus passionnants que], puis, dans une progression, superlativement en (3), [più interessante].

Il embraye le discours à la première personne du pluriel [Arriviamo]. Il fait ainsi savoir implicitement que, pour lui, son sujet est intéressant et dans le même temps, il inclut ses lecteurs, les appelant à partager son opinion.

Son enthousiasme, à traiter de ce sujet ainsi qu’à être compris, se confirme en (4) quand il exprime sa motivation à enrichir ses explications le plus souvent possible :

(4) ALJA6F : « gli aggiornero ogni volta che posso per darvi un idea più precisa... »

Traduction : « je les mettrai à jour à chaque fois que je peux pour vous donner une idée plus précise… »

On trouve en (5), quatre précautions oratoires d’ALJA6F qui agissent comme adoucisseurs d’un conflit encore éventuel à ce niveau de l’interaction :

(5) ALJA6F : « Non preoccupatevi vi amiamo,sono sollo idee prefabriccate,e a prendere al 2nd grado. »

Traduction : « Ne vous inquiétez pas nous vous aimons, ce sont seulement des idées préfabriquées, et à prendre au second degré. »

La précaution consiste d’abord à materner le lecteur pour le rassurer par la formule [non preoccupatevi], puis, à le flatter par le subjectivème [vi amiamo] directement appliqué à l’objet « groupe d’appartenance culturelle » des correspondants. Ensuite, le caractère de vérité des « stéréotypes » qui seront exposés est amoindri par l’adverbe [sollo] et par l’expression [a prendere al 2nd grado].

Malheureusement, [a prendere al 2nd grado] est la traduction littérale d’une expression idiomatique française, elle n’est pas employée en italien ; de même « prefabbricato » ne s’utilise pas dans ce sens figuré en italien. Cela annule donc l’effet d’adoucisseur espéré. Les dits « stéréotypes » sont ensuite énumérés dans une liste non embrayée et non rédigée entièrement ; dans le sens où les énoncés ne sont pas grammaticalement construits conventionnellement.

Cette liste peut être assimilée à un « discours rapporté », celui tenu par un groupe, les « Français », ou plus exactement, par le groupe « Français » issu de la représentation que s’en fait ALJA6F.

Il semble qu’on ait ici un stéréotypage dans le stéréotypage. Il s’agit de la vision stéréotypée, puisque généralisée par ALJA6F, de stéréotypes que ce dernier attribue à un groupe.

Il n’est pas du tout sûr, en effet, que la stracciatella, la simulation ou Léonard De Vinci fassent partie de la vision stéréotypée de l’Italie chez tous les Français.

Ce qui retient notre attention ici c’est que si ALJA6F rapporte le discours d’un certain groupe, c’est qu’il endosse le statut de celui qui n’appartient pas à ce groupe ; c’est-à-dire que, au moins au moment de la rédaction, il n’est plus français, il se rapproche des énonciateurs italiens cherchant ainsi leur complicité. Et c’est précisément ce qui ne sera pas pris en compte par la suite et qui sera source de malentendu ; le discours rapporté va être attribué à ALJA6F.

Onze commentaires suivent cet article. Trois d’entre eux seulement, celui de Mart (6), celui de Marb (7), et celui de Rob (8), témoignent explicitement ou implicitement (pour (8)) que l’article a été compris.

(6) Mart : «salut ALJA6F.. ! alors je ne suis pas d’accord avec les français pour le sport…en effet nous sommes les champions du monde et materazzi n’est pas un simulateur…c’est zidane qui est un peu nerveux…=)=)=)=)=)=)=)=)…mart !!! »

(7) Marb : « salut=) ton blog me plaît beaucoup…. Mais je ne suis pas d’accord sur quelques choses…. mais tu qu’est-ce que tu penses des Italiens ? aussi à toi ils voient dans cette manière ? » (8) Rob : « ciaooooooooooo !! cette parte de ton blog c’est très interessant.. pour première chose… je ne mange pas soulement les ‘spaghetti’ mais c’est vrai que sont le plat principal de la gastronomie italienne !! Et puis c’est vrai.. je mange très souvent la pizza ! je l’aime et je ne la prend jamais ‘margherita’ !.. C’est courieuse savoir que vous nous voyez ‘bellissime’ ..et au meme temp c’est gratifiant !!! autre chose important sur nous.. nous sommes très passionelle !! et nous avons ‘senso dell’umorismo’ que je ne sais pas comment on le dit en français.

IMPORTANT : nous ne sommes pas tous mafiosi !! bisous Rob »

En (6) et en (7), c’est la deixis personnelle marquant l’opposition entre les « tu » et le « toi » d’un côté et « ils » et « les français » de l’autre, qui montre que ces deux élèves ont compris que ce sont les Français qui sont, selon ALJA6F, responsables de la prise en charge de ces stéréotypes et pas ALJA6F lui-même.

Dans le commentaire (7), les deux questions sont des marqueurs de dialogisme. L’énoncé [mais tu qu’est-ce que tu penses des Italiens ?] sous-entend [tu ne penses pas cela] et amène à la deuxième question. Celle-ci, [aussi à toi ils voient dans cette manière ?],

demande une confirmation ou une infirmation de l’énoncé [les Français te voient de cette manière] qu’il présuppose et peut sous-entendre. Marb assimile ainsi l’énonciateur ALJA6F au groupe des Italiens.

Mais ALJA6F ne répondra pas puisqu’il fera une réponse unique à tous les commentaires, dans l’article d’après, et que sa priorité sera de répondre à ceux qui n’ont pas compris. En (8), il faut attendre la huitième phrase pour découvrir que les stéréotypes sont attribués à [vous] ; c’est-à-dire les Français incluant ALJA6F, cette fois. En outre, il y a d’autres marques indirectes de connivence : les onze « o » de la salutation, le mot doux [bisou] final et le compliment dans lequel Rob reprend à son compte le subjectivème [interessant], renforcé par l’adverbe « très » et qui est renchéri par [courieuse] ; soit deux qualificatifs mélioratifs.

Deux autres commentaires, celui de Marm (9) et celui de Cri (10) ne désignent jamais ni ALJA6F ni « les français » comme responsables de la prise en charge des stéréotypes. Il est donc difficile de savoir ce qu’elles ont vraiment compris.

Marm (9) s’adresse sans les nommer à des « responsables virtuels » en les remerciant, peut-être un peu ironiquement, mais en donnant tout de même une valeur de vérité grâce à l’indicatif [nous sommes] aux stéréotypes plutôt avantageux sur la beauté et la mode.

(9) Marm : « Donc nous sommes bellissime et fashion !!merci beaucoup !! Mais je n’ai jamais vu des hommes agés avec ‘lo smoking a righe’ !!chez nous les hommes agés s’habillent avec des pantalons et une veste !!....bisous… »

Cri (10) réfute deux stéréotypes en répétant deux fois la formule [C’est pas vrai que] en parallélisme. Mais à chaque réfutation, elle poursuit par des concessions :

- [En été] valide partiellement l’énoncé [c'è molto sole] de l’article « Dalla parte dai francesi » ;

- [J’aime] : le modalité affirmative vient confirmer [I italiani mangiano […] i gelati con della straciatella] ;

- la conjonction [mais] réduit le champ géographique des [mafiosi] à le seule Sicile sans refuser le stéréotype en bloc.

(10) Cri : « C’est pas vrai que en Italie il y a beaucoup de soleil.. En été il y a beaucoup de chaud… J’aime les glacé à la straciatelle, gnam,gnam.. C’est pas vrai que dans l Italie tous sont mafiosi mais la Sicile est connu pour les mafiosi… une baise… »

En résumé, Marm et Cri réagissent en reprenant simplement certains stéréotypes pour les confirmer ou les infirmer ; leurs réactions sont modérées ; elles n’utilisent pas d’attaque, Marm conclut par un « mot doux » [bisou] et Cri fait des concessions. Nous reparlerons du phénomène de réfutation à la fin de notre analyse.

Toutes ces réactions sont assez neutres et mesurées. Nous traiterons à part le commentaire d’Enr (11). Il y désigne explicitement ALJA6F par l’énoncé [tu as raison en dire que]. Le conditionnel de [je ne serais pas très sure en dire] laisse entendre un [comme toi, tu dis] qui pointe ALJA6F implicitement. Mais on n’y trouve pas de traces explicites d’animosité ou de reproche envers lui.

(11) Enr : « alors je ne serais pas très sure en dire que l’Italie n’est pas très fort en sport o football vu que nous s’avons gagné la couple du monde ahahhaha :-P…….. […] puis tu as raison en dire que nuos garcon sommes poetique(les latin lovers italiens sont beaucoup recherchés)mais nous, sourtout en sardegne, avons un orgueille incredible mais non puor ce nous sommes ‘mafiosi’ » En revanche, les cinq autres commentaires sont plus ou moins véhéments. Les reproches semblent croître avec l’attribution des propos à l’auteur du blog. On y trouve plus d’agacement, de colère ou de tons vindicatifs : [Nous n’aimons pas ça], en (16).

D’une part, ils attaquent la personne même d’ALJA6F, désignée comme responsable du discours tenu par les stéréotypes.

D’autre part, ils démentent généralement formellement la réalité exposée dans les stéréotypes en essayant de le convaincre.

(12) March : « bon…. je ne mange pas soulement cettes choses que tu as écrit !!!! en Sardeigne il y beaucoup des choses à manger et pas soulment spaghetti !!!! bon, mais c’est vrai : les italiens mangent la pizza presque tous les jours !! magnifique !! mmmmmm je n’aime pas la straciatella !!!! tu pense vraiment que les italiens sont des ‘ferventi credente’ ??? march »

(13) Tiz : « salut !!alors je ne suis d’accord avec toi pour le sport…en effet nous sommes le champions du monde !!!!et je pense que materazzi est un bon joueur et pas un simulateur comme Zidane !!!il est un peu trop nerveux !!!!=)=)=)=)bises !!! »

(14) Tiz : « je me suis oubliée que les hommes ‘mafiosi’ se trouvent dans tous les pays en France aussi !!!quand tu viendras dans notre pays tu pourras manger pas seulement pasta et « spaghetti » !!! »

(15) Fra : « salut !!! j’ai vu beaucoup de commentaires mais je veux te dire mon opinion.. tu as un idéetrès faux des italiens..je crois que tu dois connaitre les italiens pour avoir un idée..je voudrai savoir qu’est-ce qu’il y a a la base de tes idées.. tu es venu en Italie ? tu connais des jeunes qui

porte les lunettes du soleil ou porte le gel dans ses cheveux ? je crois que ce n’est pas une chose seulement des italiens mais de tous les jeunes du monde entier »

(16) Maro : « ‘Mafiosi’ ce n’est pas bon

Je dirais que tu es en train d’utiliser des mots que tu as entendu grace aux conries des gens. Tu devrais parler avec la certitude de savoir qu’est-ce que tu es en train de DIRE et de PENSER. Les seuls qui peuvent se moquer d’eux-mêmes sont les italiens vrais. Donc n’utilises pas ces préjugés entendus dans la route. Nous n’aimons pas ça. Apprendre à connaitre.

Si nous regardons notre aspect ce n’est pas ton problème. Notre style est fameux dans tout le monde entier. Ce n’est pas un facteur fortuit! »

La deixis montre de façon récurrente une opposition entre la première et la deuxième personne du singulier ; nous avons souligné ces passages dans le texte. Le « je » affronte un « tu » qui « écrit, pense, dit et utilise » des opinions différentes de celle du « je » et qui a donc la charge des énoncés produits. Les Italiens font ainsi savoir à ALJA6F que leurs représentations ne s’accordent pas.