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Si sa montée en charge a été poussive, le dispositif du CESP n’en demeure pas moins relativement efficace pour favoriser l’ancrage des étudiants en médecine dans le territoire de leur formation. Dans un rapport paru en 2015, l’ONDPS souligne en effet que « par rapport à la subdivision d’affectation, les étudiants sous CESP sont plus nombreux à rester dans leur UFR de second cycle (59 % de fidèles au lieu de second cycle, contre 47 % en moyenne nationale) » (2).

(1) Rapport d’information n° 335 précité, p. 52.

(2) ONDPS, Rapport 2015, p. 59.

Il est donc très regrettable que, d’après les chiffres cités lors de son audition, par M. Thomas Deroche, adjoint à la sous-direction de la performance en offre de soins, au sein de la DGOS, le nombre de CESP signés en 2016-2017 ne représente que de l’ordre de 6 % du total des admis en deuxième année de médecine (486 sur 8 124 places) – et ce, alors même que la conclusion d’un CESP offre à son bénéficiaire l’avantage non négligeable d’échapper à la procédure de choix d’une spécialité et d’une subdivision territoriale à l’issue des ECN. En effet, les étudiants qui sont déjà signataires d’un CESP avant de passer les ECN peuvent choisir leur poste d’interne sur une liste spécifique.

Le président de la Conférence des doyens des facultés de médecine, M. Jean Sibilia, a admis qu’« une généralisation du contrat semble une piste intéressante », tout en se montrant réservé quant à l’idée de rendre le dispositif coercitif.

Pourtant, comme l’a lui-même reconnu, lors de son audition, le vice-président de la Société française de médecine d’urgence (SFMU), M. Karim Tazarourte, « nos études de médecine sont payées par l’État, et il n’est pas anormal que la société, à l’heure où l’on parle de service universel, nous demande de l’entraide. D’autres pays le font déjà : au Canada, quand vous êtes jeune médecin, vous passez trois ans dans les forêts avec les grizzlis ».

Il y a une dizaine d’années, l’Académie nationale de médecine avait déjà fait observer que « la formation de chaque étudiant en médecine représente pour la société une charge financière importante (plus de 200 000 euros). À l’exemple de ce qui existe pour certaines des plus grandes écoles, il ne serait donc pas anormal que chaque jeune médecin doive consacrer quelques années de son début d’activité au service de la nation » (1).

Un tel principe régit en effet de longue date la scolarité au sein des Écoles normales supérieures, de l’École Polytechnique ou encore de l’École nationale d’administration. Jadis, pour répondre au besoin d’enseignants dans les années 1950-1960, on avait créé un institut de préparation aux enseignements de second degré (IPES) qui rassemblait, au sein d’une faculté des sciences ou des lettres, des élèves-professeurs recrutés sur concours et rémunérés, généralement durant trois ans, en vue de l’acquisition des titres habilitant à l’enseignement dans les lycées, les collèges classiques et modernes, les écoles normales primaires, les écoles nationales professionnelles et les collèges techniques, et en contrepartie de l’engagement de servir dans l’enseignement public pendant une durée minimale de dix années à dater de l’entrée à l’institut. L’IPES a largement contribué à la démocratisation de l’accès au corps professoral comme la généralisation du CESP pourrait contribuer à la démocratisation des études de médecine et de l’accès à la profession médicale.

(1) Bulletin de l’Académie nationale de médecine, 2007, 191, n° 3, 641-652, séance du 27 mars 2007.

Pour sa part, la Cour des comptes s’est récemment montrée ouverte à l’idée de « conditionner, à l’issue de l’obtention des études médicales ou paramédicales, une installation en libéral à un exercice professionnel dans des zones sous-denses pour une durée déterminée » (1).

Car, comme l’a justement fait remarquer devant la commission le président fondateur de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, M. Michel Antony, « si on n’institue pas une obligation sur une courte période, comme pour les fonctionnaires de l’Éducation nationale ou de la police, ou pour les cheminots, on laissera de plus en plus de territoires en déshérence ». Cela l’amène lui aussi à suggérer, dans la contribution écrite qu’il a remise à la commission, le « développement d’un service civil sanitaire de 3 à 5 ans », sans contrepartie financière.

Le rapporteur a déjà exprimé, dans le passé, son adhésion à un tel dispositif. L’article 6 de la proposition de loi n° 4119 qu’il a défendue devant l’Assemblée nationale à l’automne 2016 prévoyait ainsi que, sous peine d’une sanction pécuniaire, les médecins désireux d’exercer à titre libéral à l’issue de leur formation seraient tenus de s’installer, pour une durée minimale de trois ans, dans un territoire sous-doté. Peut-être faudra-t-il envisager une telle mesure si toutes celles qui sont par ailleurs préconisées dans le présent rapport s’avéraient insuffisantes et si la situation des finances publiques ne permettait pas de rendre le CESP obligatoire pour tous les étudiants en médecine à compter de leur cinquième ou sixième année d’études.

Il est vrai qu’imposer le CESP à l’ensemble des étudiants en médecine présenterait un coût significatif pour les finances publiques. En effet, dans la mesure où, dans sa configuration actuelle, le CESP prévoit une allocation mensuelle de 1 200 euros et où le numerus clausus est fixé en 2018 à 8 708 places (passerelles comprises), une éventuelle extension du dispositif à l’ensemble d’une

« promotion » coûterait, pour une seule année d’études, environ 125 millions d’euros (2), sans compter son impact financier cumulé dans le temps.

Toutefois, ce coût est à rapprocher de celui des différents dispositifs de rééquilibrage territorial de l’offre de soins qui pourrait s’élever à 225 millions d’euros par an, si l’on s’appuie sur des données plus récentes de la DGOS et de la DGFiP – les différentes incitations financières des collectivités territoriales n’étant pas comprises dans ces évaluations.

Dans les réponses qu’elle a faites au questionnaire qui lui a été adressé, la DGOS indique que, « s’il est délicat de chiffrer une extension de ce dispositif à l’ensemble des étudiants en médecine, puisqu’il est impossible d’anticiper leurs comportements futurs (recours à la clause de rachat) », il n’en demeure pas moins qu’« en première analyse, en supposant que le CESP soit étendu à partir de la 4e

(1) Cour des comptes, L’avenir de l’assurance-maladie : assurer l’efficience des dépenses, responsabiliser les acteurs, novembre 2017, p. 127.

(2) 1200 x 12 x 8708.

année uniquement et sur la base d’effectifs constants (numerus clausus stable), on peut estimer le coût brut de ce dispositif (hors comportements de rachat) à environ 800 millions d’euros en année pleine ».

À défaut d’imposer le CESP à tous les étudiants en médecine à compter de leur cinquième ou sixième année d’études, ne pourrait-on pas imaginer, au moins à titre temporaire, pour surmonter le grave déficit en offre médicale annoncé pour les dix prochaines années, de favoriser un déploiement maximal du dispositif, en revalorisant l’allocation mensuelle versée à ses bénéficiaires de façon à la porter à 1 500 euros par exemple, soit une augmentation de 25 % ? Cette mesure générerait un surcoût de l’ordre de 2 millions d’euros par promotion et par an.

Le rapporteur rappelle que c’est l’un des vingt engagements de la Conférence des doyens que celui de « proposer des mesures incitatives dès le 2ème cycle pour favoriser des projets professionnels d’installation dans des zones défavorisées en développant le CESP et d’autres modalités d’accompagnement en collaboration avec les collectivités par divers moyens d’attractivité ».

Proposition n° 21 : favoriser un déploiement maximal du dispositif du contrat d’engagement de service public (CESP), notamment en revalorisant de 25 % (de 1 200 à 1 500 euros) l’allocation mensuelle versée à ses bénéficiaires, au moins à titre temporaire, pour surmonter le grave déficit en offre médicale annoncé pour les dix prochaines années.

Le rapporteur observe que, d’après une note qui lui a été transmise par la DREES, dans les pays comme l’Australie et le Canada où des aides financières à la formation (bourses d’études, prêts à conditions préférentielles, etc.) ont été mises en place en contrepartie de l’installation des médecins nouvellement diplômés dans les zones déficitaires pour une période déterminée à l’avance (de quatre à six années en général) « l’effet semble positif à court terme » (1).

Au-delà du court terme, la commission entend esquisser des pistes de réformes qui, concernant la première année commune des études de santé (PACES), le numerus clausus et les stages effectués notamment au cours des premier et second cycles, sont susceptibles de produire des effets à plus long terme.