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E. EN FINIR AVEC L’HOSPITALO-CENTRISME EN DÉVELOPPANT

3. Un meilleur accompagnement des stages

« Quand [les étudiants en médecine] se déplacent pour effectuer leur stage, ils sont mal accueillis : manque de logements, pas d’indemnités de déplacement pour des stages pourtant obligatoires. Cela fait qu’ils n’ont pas envie d’y retourner ». Tel est le constat sans appel dressé lors de son audition par le vice-président de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), M. Samuel Valero.

Pourtant, une instruction de la direction générale de l’offre de soins du 17 mars 2011 prévoit que « le cahier des charges des maisons de santé en zones isolées et bénéficiant de financements pluri-partenariaux peut intégrer l’organisation matérielle du logement des étudiants ». Et un arrêté du 4 mars 2014 a fixé à 130 euros brut par mois le montant de l’indemnité forfaitaire de transport pour les internes qui accomplissent un stage ambulatoire à plus de 15 km du CHU et du domicile.

De nombreux témoignages recueillis en audition montrent que cela ne suffit pas et que, pour reprendre la formule du président de la CSMF, M. Jean-Paul Ortiz, « il faut repenser l’accompagnement des stages, y compris sur le plan financier, pour le déplacement et l’hébergement, surtout en zone sous-dense, et aussi indemniser les surcoûts que subiront les étudiants pour effectuer ces stages ».

Le Gouvernement s’est engagé en ce sens, comme l’illustre le Plan d’égal accès aux soins qui, présenté par la ministre des Solidarités et de la Santé, Mme Agnès Buzyn en octobre 2017, ambitionne de « favoriser les stages ambulatoires des professionnels de santé en formation », « en développant les

(1) Ibidem, p. 134.

(2) Ibidem, p. 135.

aides et en améliorant leurs conditions d’hébergement et de transport », ce qui devrait passer par un travail de coordination de leur accueil « avec les collectivités territoriales, les facultés et les agences régionales de santé » et « si ce n’est pas le cas, une aide aux transports ou à l’hébergement de 200 euros », à compter de novembre 2018 (1).

Bien avant ces annonces, les collectivités territoriales avaient déjà entrepris d’améliorer l’accueil et l’accompagnement des stagiaires en médecine, comme le montre un rapport publié par le CNOM en décembre 2016 qui recense un certain nombre d’initiatives réussies, que ce soit :

– dans les Alpes de Haute-Provence, où le conseil de l’Ordre des médecins a, avec d’autres partenaires, créé une aide à l’installation pour les stagiaires (internes et externes) ;

– dans la Manche, où le conseil départemental propose, avec l’aide des collectivités et de l’ARS, des indemnités de déplacement pour les internes ainsi qu’une aide au logement si le stage est supérieur à quinze jours consécutifs ;

– en Bretagne, où le conseil régional de l’Ordre des médecins a conclu, en partenariat avec le département du Finistère et 42 pôles ou maisons de santé, une convention visant à favoriser et simplifier l’installation des médecins généralistes libéraux dans la région, en promouvant les stages en médecine générale libérale, notamment dans les zones rurales déficitaires en offre de soins, ce qui passe par la prise en charge des frais de déplacement des externes pour les stages effectués à plus de quinze kilomètres du lieu de formation et par un accompagnement auquel est dédié un attaché territorial de médecine générale rattaché à la faculté de médecine de Rennes (2).

Au-delà de ces initiatives locales, le rapporteur souhaite mettre en exergue une proposition qui a été formulée par plusieurs organisations d’étudiants en médecine et déjà expérimentée avec succès dans certains territoires : la création d’externats et d’internats ruraux.

Proposition n° 26 : généraliser les externats et internats ruraux.

Partant du constat que les stages ambulatoires en zones sous-denses « sont mal vécus par l’interne qui est loin de ses attaches [et qui] n’aura donc pas envie, ensuite, d’aller y exercer », le président de l’ISNAR-IMG, M. Maxence Pithon, a, lors de son audition, vanté les mérites de « l’internat rural, lieu de vie partagé par des étudiants en santé dans un même territoire, […] qui fonctionne bien [et]

permet de rompre l’isolement social, de commencer à développer un réseau professionnel et de s’ancrer dans un territoire ».

(1) Arrêté du 3 juillet 2018 fixant le montant d’une indemnité forfaitaire d’hébergement des étudiants du troisième cycle des études de médecine, d’odontologie et de pharmacie.

(2) CNOM, Améliorer l’offre de soins : initiatives réussies dans les territoires, rapport de mission du Dr François Arnault, délégué général aux relations internes, décembre 2016, pp. 15 et s.

Il y a quelques mois, l’ISNAR-IMG, qui a, au demeurant, élaboré un « kit du bon accueil » des stagiaires en médecine, avait déjà préconisé de « privilégier les lieux de vie partagés avec d’autres internes, un conjoint, d’autres étudiants en stage, des remplaçants, avec la possibilité d’inviter des personnes extérieures : les internats ruraux » (1).

Les recommandations formulées par l’Intersyndicale nationale des internes (ISNI), dans la contribution écrite qu’elle a fournie à la commission, vont dans le même sens : « il faut que le stage soit un excellent moment pour l’interne.

Un maillage territorial de maisons de santé universitaires adossées à un internat rural doit être créé ».

L’ANEMF, dans sa contribution, a fait savoir à la commission qu’elle aussi « milite pour la création d’internats/externats ruraux ou semi-ruraux intergénérationnels et pluri-professionnels pour combattre l’isolement social et permettre l’envoi d’étudiants dans ces structures ».

Plusieurs territoires se sont déjà dotés d’internats ruraux, comme en atteste le tableau suivant.

TOURS Chateauroux, Indre 6 (2 appartements F4 en colocation)

Établissement Blanche de Fontarce.

Loyer mensuel de 150 €interne (charges, électricité et eau compris)

TOURS Bourges, Cher 4 (1 appartement. F5 en colocation)

Conseil général. Loyer mensuel 150 €interne

TOULOUSE Tarbes 1 (logement en ville annexe à l'internat du

CH) Centre Hospitalier

MARSEILLE Manosque, Luberon 2 internes Centre Hospitalier MARSEILLE Apt, Vaucluse 4 internes Centre Hospitalier

ROUEN Le Havre 4 (1 appartement. F5

Subdivision Ville/département Nombre d’internes logés

Financement (Conseil départemental, Conseil

régional, ARS…) LYON cf Roanne

RENNES Bréhan, Morbihan 6 (maison

individuelle) mairie CAEN projets en cours, Manche

Source : Propositions de l’ISNAR-IMG sur l’accessibilité des terrains de stages ruraux (janvier 2018)

Parmi ces différents internats ruraux, celui du Roannais pourrait servir d’inspiration dans la perspective d’une éventuelle généralisation de ce type de structures à l’ensemble du territoire.

L’exemple de la villa des internes du Roannais

En 2011 est née la villa des internes du Roannais, grâce à un partenariat entre l’association, les élus (le Pays Roannais, syndicat de territoire) et le centre hospitalier de Roanne. Les habitants ont également été impliqués, participant à meubler et aménager la villa. Elle accueille quatre internes de médecine générale, deux de la subdivision de Lyon et deux de Saint-Étienne.

La villa a modifié le regard des internes sur ce territoire souffrant d’une mauvaise image de désert médical et a permis de le dynamiser. Des jeunes médecins s’installent au sein des maisons de santé pluri-professionnelles sur le territoire, qu’ils aient été ou non hébergés à la villa. Ils apprécient la présence de ce lieu de rencontre avec des internes, des médecins généralistes installés ou remplaçants.

L’association relaie les informations relatives à la formation des médecins et des internes, organise des temps conviviaux pour créer du lien entre les professionnels de santé, notamment en début de semestre. Ces temps sont ouverts à tous, résidents ou non à la villa.

Des rencontres avec les départements de médecine générale (DMG) des facultés locales ont contribué à faciliter le recrutement des MSU et d’en augmenter le nombre malgré les départs à la retraite.

Par ailleurs, la villa a permis de soutenir des internes en difficulté lors de leur cursus et de les réconcilier avec la pratique de la médecine générale.

Source : Propositions de l’ISNAR-IMG sur l’accessibilité des terrains de stages ruraux (janvier 2018)

Un consensus a émergé au sein de la commission autour des mesures favorisant un développement massif des stages en dehors des murs des CHU, susceptible de susciter chez les étudiants en médecine une diversification des aspirations en termes de spécialisations, de modes d’exercice et de zones d’installation, tout comme la réforme de la PACES et du numerus clausus sont propices à une diversification des profils de ces étudiants.

En revanche, le rapporteur regrette que pareil consensus n’ait pu se dégager s’agissant d’une mesure qui ne concerne pas à proprement parler la formation médicale initiale, mais plutôt l’issue de celle-ci et la phase d’installation des médecins fraîchement diplômés, à savoir le conventionnement sélectif.

F. ÉTENDRE LE DISPOSITIF DE CONVENTIONNEMENT SÉLECTIF AUX