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B. DES DISPARITÉS TERRITORIALES COMPENSÉES PAR DES

I. DÉCLOISONNER NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ

Comme l’a parfaitement résumé M. Gérard Raymond, vice-président de l’Union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé France

Assos Santé, l’accès aux soins pour tous impliquera « une véritable réorganisation du système de premier recours qui offre à chaque acteur la possibilité de jouer un rôle de prévention, d’accompagnement, d’information et de communication auprès du patient. Il faut également redéfinir le rôle de l’hôpital, ainsi que la liaison entre l’hôpital, la ville et le domicile. Cette réorganisation du système de premier recours est indispensable pour garantir l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire ».

En effet, pour garantir l’accès à des soins de qualité sur tout le territoire, la solution ne peut être que dans la coopération et la recherche de complémentarités entre chacun des acteurs de notre système de santé.

Pour cela, c’est d’abord la complémentarité entre différentes professions de santé qu’il faudra organiser, en sortant du système de soins médico-centré qui s’est progressivement imposé en France : les autres professionnels de santé peuvent et doivent jouer un rôle majeur dans l’accès aux soins sur tout le territoire (A). La télémédecine sera amenée à fortement contribuer à ce décloisonnement au cours des années à venir (B). Mais le défi le plus grand qui attend notre système de soins sera probablement la mise en place d’une véritable coopération entre la ville et l’hôpital, prônée par tous les acteurs du système mais qui continue à se faire attendre. (C)

Comment envisager ce décloisonnement si nous ne disposons pas d’outils basiques de coordination ?

Un exemple est très révélateur : alors que la transmission des informations entre professionnels de santé avant et après l’hospitalisation est obligatoire, (1) ce qui semble évident et essentiel n’est toujours pas appliqué dans la pratique.

L’immense retard pris par la France dans la mise en place d’un dossier médical partagé devrait normalement être rattrapé avec le déploiement de cet outil à l’automne, mais faut-il encore rappeler que la mise en place d’un « dossier médical personnel » avait déjà été instituée par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004, et qu’elle n’a pas encore vu le jour ?

(1) Décret n°2016-995 du 20 juillet 2016 relatif à la lettre de liaison.

Le dossier médical partagé

La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, complétée par le décret n° 2016-914 du 4 juillet 2016 relatif au dossier médical partagé, a fait évoluer le dispositif, notamment en le transférant à la CNAMTS. Ce transfert à la CNAMTS a permis la relance du projet, avec, selon la Cour des comptes, « de premiers résultats non négligeables » (1) (40% de créations de plus qu’en 2012 pour un périmètre de déploiement beaucoup plus restreint).

Après avoir été expérimenté depuis un an dans neuf régions, le DMP devrait donc, en principe, être progressivement généralisé par l’assurance-maladie d’ici la fin de l’année (2).

Facultatif, le DMP pourra être créé soit en ligne – la mise au point d’une application mobile étant prévue, avec des modes d’authentification très sécurisés –, soit en pharmacie d’officine, soit à l’accueil d’un établissement de santé, soit lors d’une consultation médicale – sous réserve que le médecin dispose des outils informatiques adaptés.

Il pourra contenir les comptes-rendus hospitaliers et radiologiques, les résultats d’analyses de biologie, les antécédents et allergies, les actes importants réalisés et les médicaments qui ont été prescrits et délivrés au patient.

Par souci de préservation du secret médical, le DMP ne sera accessible qu’au patient et aux professionnels de santé qui y auront été autorisés par ce dernier, étant précisé qu’en cas d’urgence, les professionnels de santé ainsi que le médecin régulateur du SAMU – Centre 15, pourront accéder au DMP, sauf si le patient a préalablement et expressément manifesté son opposition à un tel accès en pareilles circonstances. Le médecin traitant aura accès à l’ensemble des données du DMP.

Plusieurs des personnes entendues par la commission ont déploré que l’architecture du DMP ait été « transformée en usine à gaz », pour reprendre la formule de Mme Agnès Ricard-Hibon, présidente de la Société française de médecine d’urgence (SFMU). À ses yeux, « le dispositif doit être simplifié, le partage des informations médicales va aider l’orientation dans la bonne filière de soins ainsi que dans la sécurisation du maintien à domicile et de la limitation du recours à la ressource médicale lorsque cela n’est pas nécessaire ». Or, selon M. Karim Tazarourte, « à l’heure où, sans vergogne, on n’hésite pas à divulguer sur Facebook énormément de données ultraconfidentielles, la pusillanimité portant sur les données médicales nous met en défaut au regard de notre besoin de savoir, qui n’est pas assumé ».

Ce « besoin de savoir » a notamment été exprimé par les représentants de la Fédération SOS Médecins France, dont le secrétaire général, M. Serge Smadja, a expliqué que « SOS Médecins doit pouvoir accéder au dossier médical partagé » en cas d’urgence.

(1) Cour des comptes, Rapport annuel 2018.

(2) Voir les liens suivants : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F10872 ; http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/fiche_28.pdf et http://www.dmp.gouv.fr/

L’audition de la ministre des Solidarités et de la Santé, Mme Agnès Buzyn, a permis de clarifier ce point : « toutes les structures y auront accès, y compris SOS Médecins ou les plateformes de régulation ».

Certains syndicats d’infirmiers ont aussi fait valoir ce « besoin de savoir ».

C’est notamment le cas du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (SNIIL) qui, dans la contribution écrite qu’il a fournie à la commission, fait remarquer que « les infirmières et infirmiers libéraux récupèrent en sortie d’hospitalisation des patients sur lesquels ils n’ont aucune information, ni diagnostic, ni antécédents, ni pronostic, ni plan de soins. D’où l’obligation de contacter le médecin traitant pour avoir les informations, lui faisant ainsi perdre du temps… De l’autre côté, hospitalier cette fois, cette situation engendre une difficulté supplémentaire à identifier clairement les professionnels de santé habituels du patient ». Pour ces raisons, la présidente du SNIIL, Mme Catherine Kirnidis, a revendiqué, lors de son audition, « que les infirmiers puissent avoir un large accès aux données de santé des patients via le DMP ».

Regrettant d’avoir « eu à prendre en charge un patient atteint du sida sans en avoir été informée », Mme Ghislaine Sicre, présidente du syndicat Convergence infirmière, a elle aussi dénoncé, lors de son audition, « un sérieux problème lié à l’absence totale de fiches de liaison », et prôné « la création d’un outil sécurisé comportant des indicateurs de suivi du patient et d’amélioration de la prise en charge » et permettant « d’extraire des fiches à inclure dans le DMP, qu’il est impossible [selon elle] de rendre accessible en permanence à tous les acteurs qui interviennent autour du patient – au risque de disposer d’une bibliothèque gigantesque dont nul ne saurait se servir ».

Il est indispensable que tous les professionnels de santé aient bien accès aux informations dont ils ont besoin au sein du DMP, par exemple en recourant à des codes cryptés avec des modes dégradés permettant une différenciation des modalités de consultation par catégorie de professionnels (médecins, infirmiers, biologistes médicaux, etc.). Il faudra également veiller à ce que chaque patient ait accès à son propre dossier via un système ergonomique, par exemple sur un support magnétique comme la carte Vitale.

Proposition n° 7 : permettre à tous les professionnels de santé d’avoir accès aux informations dont ils ont besoin au sein du dossier médical partagé, en recourant à des codes cryptés avec des modes dégradés permettant une différenciation des modalités de consultation par catégorie de professionnels.

● Au-delà de l’outil informatique, c’est évidemment la tarification des soins qu’il faudra faire évoluer pour parvenir à un tel décloisonnement. La tarification à l’acte, qui prévaut aujourd’hui en ville comme à l’hôpital, n’incite pas à développer ces logiques de complémentarité et conduit plutôt à une mise en concurrence des acteurs et entre professionnels.

Déjà, des rémunérations collectives et au parcours de soins se développent timidement. Lors de son audition, la ministre des Solidarités et de la Santé, Mme Agnès Buzyn, a d’ailleurs affirmé travailler à une tarification promouvant la coopération, et a annoncé que des propositions en ce sens seraient annoncées d’ici la fin de l’été.

● Si cette nécessité d’une meilleure coordination et coopération entre professionnels de santé semble aujourd’hui faire consensus, le risque est grand d’en rester au stade de l’incantation, bloquée par des « modes de financement inadaptés, mais aussi par des attitudes parfois corporatistes, des verrous ordinaux, et par le manque d’interopérabilité des systèmes d’information », comme l’a souligné M. Albert Lautman, directeur général de la Mutualité française. Une volonté politique forte sera indispensable pour faire sauter ces verrous.

A. LA COOPÉRATION ENTRE PROFESSIONNELS DE SANTÉ, PUBLICS