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d’une évaluation précise du coût global des nombreux dispositifs de rééquilibrage territorial de l’offre de soins, les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny ont tenté, l’an dernier, d’établir leur propre estimation approximative de ce coût, à partir de données de 2015 et 2016 (1).

D’après eux, si l’on met de côté les aides qui sont versées sous diverses formes par les collectivités territoriales et qui ne sont pas recensées par le ministère chargé de la Santé, les aides fiscales, les aides conventionnelles de l’assurance-maladie, les aides contractuelles (PTMG, etc.), le CESP et les aides versées aux centres et maisons de santé (y compris au titre des nouveaux modes de rémunération), coûteraient chaque année environ 125 millions d’euros à la collectivité nationale…

Si l’on utilise des données plus récentes fournies au rapporteur par la DGOS et la DGFiP et présentée dans le tableau ci-dessous, alors le coût annuel des aides fiscales, conventionnelles et contractuelles visant à rééquilibrer la distribution territoriale de l’offre de soins approche 225 millions d’euros… alors que les aides fiscales sont d’une efficacité toute relative, que les aides conventionnelles présentent plus d’effets d’aubaine que de réel impact, que les aides contractuelles sont de portée très modeste et que le CESP peine à monter en charge.

(1) Quelques mois après la publication du rapport de ces deux sénateurs, la Cour des comptes a fourni une estimation du coût, pour l’État et l’assurance-maladie, des aides financières à l’installation des professionnels de santé libéraux, qu’elle évalue, pour l’année 2015, à 86,9 millions d’euros (Cour des comptes, L’avenir de l’assurance-maladie : assurer l’efficience des dépenses, responsabiliser les acteurs, novembre 2017, p. 125).

COÛT DES DISPOSITIFS EN FAVEUR DU RÉÉQUILIBRAGE TERRITORIAL s’ajoutent les unes aux autres sans vision consolidée des coûts en résultant », que

« ces initiatives dispersées ont conduit, depuis le début des années 2010, à une forme de fuite en avant, sans évaluation ni de l’efficacité globale, ni du rapport coût/avantage qui en résulte » et que « ces dispositifs timides et partiels de régulation à l’installation, qui jouent quasi exclusivement sur des incitations financières, ne sont manifestement pas à la hauteur des enjeux » (1) .

Et pourtant, à en croire M. Denis Morin, président de la 6e chambre de la Cour des comptes, il faudrait en rester là. Alors que la Cour des comptes a, en

(1) Cour des comptes, L’avenir de l’assurance-maladie : assurer l’efficience des dépenses, responsabiliser les acteurs, novembre 2017, p. 126.

2014 comme en 2017, recommandé d’étendre aux médecins des dispositifs contraignants comme le conventionnement sélectif (1), M. Denis Morin a lancé un

« appel à la stabilité » et exhorté la commission d’enquête à ne surtout rien entreprendre d’aussi coercitif dans l’attente du complet déploiement et de l’évaluation des politiques publiques mises en œuvre au cours des dernières années pour lutter contre les inégalités d’accès aux soins.

La même logique attentiste semble animer le directeur général de la CNAMTS, M. Nicolas Revel, pour qui la cessation du conventionnement des médecins qui s’installeraient à l’avenir dans des zones surdotées n’aurait pas les effets escomptés – alors même que le même Nicolas Revel a, lors de son audition, expliqué à la commission qu’une régulation coercitive avait été globalement efficace pour les autres professionnels de santé.

Cette logique, de nombreux élus, de tous bords, l’ont au contraire refusée, depuis plus d’une décennie. Sous la XIIIe législature, l’ancien sénateur Jean-Marc Juilhard, avait évoqué, dès 2007, la possibilité de recourir à un conventionnement sélectif dans les zones surmédicalisées (2).

Un an plus tard, l’ancien député Marc Bernier, en conclusion des travaux d’une mission d’information sur l’offre de soins sur l’ensemble du territoire (3), avait recommandé, « sans remettre en cause le principe de la liberté d’installation des médecins libéraux, [de] mettre des freins à l’installation de professionnels de santé dans les zones déjà sur-dotées en offre de soins, dans un premier temps par des mesures “désincitatives” comme, par exemple, une modulation de la prise en charge de leurs cotisations sociales par l’assurance maladie ».

En février 2011, les anciens députés Jean-Marc Ayrault et Marisol Touraine, alors dans l’opposition, cosignèrent une proposition de loi pour l’instauration d’un bouclier rural au service des territoires d’avenir ( 4 ), dont l’exposé des motifs insistait sur la nécessité de « revoir sans tabou le dogme de la liberté d’installation des praticiens médicaux » et appelait la représentation nationale à prendre ses responsabilités à l’égard des populations dépourvues d’accès aux soins. Ce texte fut rejeté par l’Assemblée nationale… comme la proposition de loi visant à garantir un accès aux soins égal sur l’ensemble du territoire, que le rapporteur et plus d’une cinquantaine de ses collègues de la majorité de l’époque déposèrent en novembre 2011 (5).

(1) Cour des comptes, Rapports sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale, 2014 et 2017, p. 256.

(2) Rapport d’information n° 14 (session ordinaire 2007-2008) fait, au nom de la commission des Affaires sociales, sur la démographie médicale, par le sénateur Jean-Marc Juilhard, p. 32.

(3) Rapport d’information n° 1132 (XIIIe législature), fait, au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, sur l’offre de soins sur l’ensemble du territoire, par le député Marc Bernier.

(4) Proposition de loi n° 3158 (XIIIe législature).

(5) Proposition de loi n° 3914 (XIIIe législature).

Sous la XIVe législature, les initiatives parlementaires se sont multipliées, émanant aussi bien de l’opposition que de la majorité.

Le rapporteur et plusieurs de ses collègues du groupe Union des démocrates et indépendants (UDI) défendirent à nouveau des propositions de loi visant à garantir un accès aux soins égal sur l’ensemble du territoire (1). Elles furent rejetées, en novembre 2012 comme en novembre 2016.

Le même sort s’abattit sur l’amendement de l’ancienne députée socialiste Annie Le Houerouqui proposait un dispositif de conventionnement sélectif des médecins libéraux dans les zones « sur-dotées » et qui, adopté par la commission des Affaires sociales, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2017 ( 2 ), se heurta en séance publique à l’opposition du Gouvernement d’alors…

Le fait est qu’en dépit de toutes les solutions qui leur ont été proposées par des élus de tous horizons politiques, les gouvernements successifs se sont ingéniés, les uns après les autres, à multiplier les dispositifs incitatifs plutôt que d’envisager, pour les médecins, l’éventualité de dispositifs plus contraignants – comme le conventionnement sélectif – qui ont pourtant montré leur utilité pour les