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Afin d’inciter les étudiants et internes en médecine à s’orienter vers les zones du territoire déficitaires en offre de soins, la loi dite « HPST » du 21 juillet 2009 (3) a créé, en s’inspirant des indemnités d’étude et de projet professionnel versées par certaines collectivités territoriales, des contrats d’engagement de service public (CESP) permettant à un étudiant ou à un interne de bénéficier d’une bourse en contrepartie de son engagement à s’installer dans une zone sous-dotée.

En effet, ces contrats proposent aux étudiants et internes en médecine, en sus des rémunérations auxquelles ils peuvent prétendre du fait de leur formation, une allocation mensuelle de 1 200 euros, à partir de la deuxième année ou plus tardivement, et jusqu’à la fin de leurs études médicales (4). En contrepartie, les étudiants et internes s’engagent à exercer leurs fonctions, à titre libéral ou salarié, dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou des difficultés dans l’accès aux soins, et à appliquer les tarifs conventionnels du secteur 1 – et ce à compter de la fin de leur formation et pendant une durée qui est équivalente à la durée de versement de l’allocation et qui ne peut être inférieure à deux ans (5).

Il faut cependant noter que les médecins ou les étudiants ayant signé un CESP peuvent se dégager de leur obligation d’exercice moyennant le paiement

(1) Article L. 1435-4-5 du code de la santé publique.

(2) Réponses de la DGOS au questionnaire qui lui a été adressé.

(3) Loi n° 2009-879 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

(4) Ce dispositif, piloté au niveau national, est financé par des crédits initialement issus du fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins (FIQCS) de l’assurance maladie, et désormais prélevés sur son enveloppe « fonctionnement ».

(5) Article L. 632-6 du code de l’éducation. Il faut préciser que l’engagement à exercer en zone sous-dotée porte sur la seule activité de soins, les activités de recherche ou d’enseignement pouvant, elles, être menées sur l’ensemble du territoire.

d’une indemnité dont le montant dégressif égale au plus les sommes perçues au titre de ce contrat, majorées d’une pénalité (« clause de rachat »).

Néanmoins, ils peuvent, depuis 2013, être dispensés de pénalité en cas de rupture du contrat lorsque la zone indiquée dans le projet professionnel qu’ils ont communiqué à l’ARS n’est plus identifiée en tant que zone sous-dotée.

Initialement conçu pour les seuls étudiants et internes en médecine, le dispositif du CESP a été étendu aux étudiants en odontologie par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013.

L’engagement n° 2 du « pacte territoire santé n° 2 » présenté en 2015 par Mme Marisol Touraine visait un objectif de 1 700 CESP d’ici 2017 (1).

Entre 2010-2011 et 2014-2015, sur un total de 2 134 CESP proposés aux étudiants et internes en médecine, 1 141 contrats ont été signés (soit un peu plus de la moitié des contrats offerts), au profit de 743 étudiants et de 398 internes. En 2017-2018, sur près de 650 contrats offerts, 85 % ont été signés (549 exactement).

Au total, d’après la DGOS, depuis la mise en place du dispositif en 2010, plus de 2 800 CESP ont été conclus et seuls 69 ont été rompus, étant précisé qu’aucun allocataire n’aurait bénéficié de la dispense de pénalité introduite en 2013.

Selon les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny, « si les entrées dans le dispositif des étudiants se sont faites de façon globalement équilibrée entre les deuxième et sixième années, ce sont dans une large majorité les internes en médecine générale qui ont signé le CESP (plus de 89 % des contrats signés par les internes), le plus souvent dès la première année d’internat » (2).

(1) Voir le lien suivant : http://solidarites-sante.gouv.fr/archives/pts/les-10-engagements-du-pacte-territoire-sante/article/engagement-2-faciliter-l-installation-des-jeunes-medecins-dans-les-territoires

(2) Rapport d’information n° 686 précité, p. 98.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE CESP OFFERTS ET SIGNÉS PAR ANNÉE UNIVERSITAIRE (EN MÉDECINE PUIS EN MÉDECINE ET ODONTOLOGIE À COMPTER DE 2013-2014)

Source : CNG au 14 juin 2018

Le coût du dispositif de CESP est passé de 8,5 millions d’euros en 2013 à 33 millions d’euros en 2018.

COÛT DU DISPOSITIF DE CESP (EN CUMULÉ PAR AN)

(en millions d’euros)

Année Coût

2013 8,5

2014 12,9

2015 18,0

2016 23,0

2017 29,5

2018 (prévisionnel) 33,0 Source : DGOS

Si la montée en charge du dispositif du CESP a été poussive, c’est notamment parce qu’il repose sur le volontariat et qu’il est trop peu connu par le public visé.

Aujourd’hui encore, bien des étudiants et internes en médecine rechignent à s’engager dans des CESP, dans la mesure où, avant d’avoir passé les épreuves classantes nationales (ECN), ils ne savent pas encore quelle sera leur spécialité, ni quel sera leur lieu de formation en troisième cycle, ni, a fortiori, quelle pourra être leur région d’exercice.

On note du reste que les ruptures de contrat interviennent principalement au moment du choix du poste d’interne. Selon le président de l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG), M. Maxence Pithon, « entre 2010 et 2015, 35 contrats ont été rompus, dont un bon tiers au moment de la sixième année, avant les ECN, pour des questions de choix de la spécialité. Les étudiants avaient choisi en deuxième année une spécialité dans laquelle, au moment de leur arrivée en sixième année, aucun poste n’était ouvert, de sorte qu’ils ont décidé de rompre leur contrat ».

Par ailleurs, les zones sous-dotées dans lesquelles ils devront obligatoirement exercer ne sont pas exactement connues au moment où ils contractent, car le zonage évolue. Les étudiants sont donc réticents à s’engager alors qu’ils ne connaissent ni les postes ciblés ni les lieux d’exercice potentiels.

Preuve en est, selon M. Maxence Pithon, qu’alors qu’« entre 2010 et 2015, 1 509 CESP ont été signés, 229 médecins ne sont pas encore installés. Si la grande majorité d’entre eux n’ont pas fini leur thèse, 26 internes sont concernés par un report de leur installation [car] ils attendent les zonages ARS. Ils ne peuvent donc s’engager sur un projet professionnel tant qu’ils ne sauront pas quelles zones feront partie de la liste ».

Pour rendre les CESP plus attractifs et éviter les déconvenues, les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny ont donc proposé l’an dernier « de mieux cibler, dès la signature du contrat, les zones d’activité [afin] de donner aux étudiants et internes une meilleure visibilité quant à la portée de leur engagement » (1).

En outre, l’origine sociale de bon nombre d’étudiants en médecine, de plus en plus issus de milieux favorisés et urbains, contribue au relatif insuccès du dispositif qui, selon le sénateur Hervé Maurey, « semble surtout conçu comme une aubaine pour certains étudiants qui ont déjà, pour des raisons personnelles, un lien d’attache avec un territoire bien précis » (2).

De l’aveu d’un représentant du CNOM entendu par la commission, « le succès est modeste, et variable d’une faculté à l’autre ».

Selon Myriam Garnier, secrétaire générale du Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes (CNOCD), « le CESP fonctionne pour les étudiants en dentaire, pas forcément pour la médecine. D’ailleurs, ils ne sont pas tous pourvus »… si peu pourvus, du reste, que, dans sa contribution écrite, le CNOCD suggère de redistribuer aux étudiants en chirurgie dentaire les CESP non pourvus par les étudiants en médecine.

(1) Rapport d’information n° 686 précité, p. 100.

(2) Rapport d’information n° 335 précité, p. 38.

6. L’absence persistante de dispositif de régulation pour les médecins