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C. FAIRE SAUTER LES VERROUS ENTRE VILLE ET HÔPITAL, PUBLIC

1. Des Groupements hospitaliers de territoire (GHT) aux Groupements de santé

La loi de modernisation de notre système de santé de 2016 impose à tous les hôpitaux publics de coopérer au sein de groupements hospitaliers de territoire (GHT). Ces GHT doivent normalement permettre la mise en place

« d’une stratégie de prise en charge commune du patient » grâce à la définition d’un « projet médical partagé » et d’un « projet de soins partagé », mais également permettre la mutualisation de certaines fonctions supports, en premier lieu les achats.

Selon les informations transmises par le ministère de la Santé, 135 GHT ont été créés et sont opérationnels à ce jour. Il est difficile, pour le moment, de faire un bilan de leur impact en termes d’égal accès aux soins sur tout le territoire, bien que certaines personnes auditionnées, aient mis en garde la commission

(1) Dr Patrick Bouet, Santé : explosion programmée, Editions de l’Observatoire, 2018.

d’enquête contre le risque que ces GHT ne se transforment en « pompes aspirantes » pour les plus petites structures.

Ainsi, M. Michel Antony, président de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités, prédit que les GHT « vont transformer les petits centres hospitaliers en annexes où l’on puisera la main d’œuvre nécessaire au fonctionnement des grands centres ». M. Frank Hilton, de l’Association nationale des centres hospitaliers locaux et des hôpitaux de proximité (ANCHL), a quant à lui souligné que « le phénomène de concentration existe dans presque tous les domaines de la société, mais il est un peu antinomique avec notre souhait d’ouverture et de lutte contre les déserts médicaux. Comment les centres hospitaliers locaux peuvent-ils être la tête de pont pour endiguer les difficultés ? Normalement, les GHT devraient consolider l’offre de centres hospitaliers locaux. En réalité, les chiffres montrent qu’il y avait 307 centres hospitaliers locaux en 2013, contre 227 en 2017. Cette fermeture des centres hospitaliers locaux nous semble antinomique avec la volonté de lutter contre les déserts médicaux ».

Au-delà de ce risque que font peser les GHT sur les hôpitaux de proximité, les GHT font craindre le repli sur soi de l’hôpital public, peu ouvert aux structures privées et à la médecine de ville, empêchant la création de parcours de soins que tous les acteurs de la santé appellent aujourd’hui de leurs vœux.

La Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif (FEHAP), dans une contribution transmise à la commission, a très justement souligné les risques induits par les GHT sur l’organisation de l’offre de soins : « le démarrage des réflexions et travaux autour des GHT, en excluant le secteur privé, a induit une certaine méfiance dans le secteur privé, en raison de la moindre place accordée aux coopérations et partenariats qui existaient et fonctionnaient correctement auparavant. La complexité de cette réforme, liée à son propre contenu et aussi au fait que les GHT n’ont pas de personnalité juridique, avec multiplication des instances, renforce l’hospitalo-centrisme et les difficultés à une ouverture vers la ville ».

Ce recentrage sur les hôpitaux publics était probablement une première étape nécessaire, mais il est aujourd’hui temps de la dépasser.

M. Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France, s’est prononcé en faveur d’une telle ouverture vers les territoires à terme : « dans un premier temps, les GHT regroupent des hôpitaux publics ; dans un second temps, quand cette synergie aura eu lieu, quand chaque établissement membre d’un GHT ne pensera plus son avenir entre ses quatre murs mais en coopération dans son territoire, il serait logique et souhaitable que les GHT s’ouvrent au secteur privé dans toutes ses composantes : cliniques et tous établissements, et aussi médecine de ville. Ainsi construira-t-on le projet médical de territoire avec toutes les forces de santé qui y sont présentes. ». Il a été rejoint en cela par Mme Cécile Courrèges, directrice générale de l’offre des soins : « Nous devons

maintenant passer à une autre étape : celle de l’ouverture de groupements hospitaliers régionaux sur leurs territoires. Il était indispensable que, pendant deux ans, les GHT travaillent beaucoup entre eux parce qu’ils avaient des choses à régler. Mais l’hôpital public ne peut pas se concevoir seul, isolé de ce qui l’entoure. L’enjeu est donc aujourd’hui celui de l’ouverture à d’autres acteurs présents dans le territoire ».

Cette ouverture vers les acteurs privés et vers la médecine de ville est déjà possible, puisque la loi prévoit, de manière relativement floue, que « les établissements privés peuvent être partenaires d’un groupement hospitalier de territoire ». Le GHT « Rhône Nord Beaujolais Dombes », par exemple, a déjà formalisé des conventions de partenariat avec une clinique privée et un établissement de santé privé à but non lucratif.

Il faut toutefois aller beaucoup plus loin dans cette intégration du secteur privé aux GHT. C’est ce qu’a fait de manière exemplaire le GHT des Deux-Sèvres, qui a inscrit la coopération ville-hôpital au cœur de ses missions, et qui a fait preuve d’innovation dans sa gouvernance en créant un « comité de partenaires », dont le président siège au Comité stratégique.

Pour le rapporteur, cet exemple doit être dupliqué et devenir la norme. Dès aujourd’hui, les partenaires du GHT doivent associer les autres acteurs de l’offre de soins : CPTS, médecins libéraux, cliniques privées, EPIC tels que les centres de lutte contre le cancer... Cela rejoint l’une des recommandations du rapport du HCAAM précité, qui considère qu’« une position claire doit être prise pour répondre à la critique de l’ouverture insuffisante des GHT vers la ville » et que

« la réponse la plus appropriée pour faire droit à cette préoccupation se trouve dans le développement de conventions sur les sujets les plus importants : coordination de la sortie d’hospitalisation et du retour à domicile, organisation des urgences et des soins non programmés, système d’information partagé, formations ».

À terme, pour le rapporteur, les GHT devraient se fondre dans des

« groupements de santé de territoire » regroupant l’ensemble de ces acteurs du système de santé au sein d’une organisation commune, développant des projets de santé qui soient de véritables projets de territoire.

Proposition n° 17 : transformer les groupements hospitaliers de territoire en

« groupements de santé de territoire » regroupant l’ensemble des acteurs publics et privés du système de santé, au sein d’une organisation commune, et en définissant une stratégie de santé à partir des territoires.

2. Développer les consultations avancées