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La rencontre avec le professionnel de la santé comme source d’information supplémentaire

1. Les acteurs de la publicité directe des médicaments d’ordonnance

1.3 Les professionnels de la santé

1.3.1 La rencontre avec le professionnel de la santé comme source d’information supplémentaire

Un élément commun à la grande majorité de la PDMO est une référence au professionnel de la santé. Elle prend différentes formes telles : « parlez-en à votre médecin », « consultez votre spécialiste » ou « n’oubliez pas d’apporter ce questionnaire lors de votre prochaine visite chez le médecin ». Aux États-Unis, cette référence répond à une obligation réglementaire208; dans les autres pays dont le Canada, il s’agit d’un incitatif pour faire

prescrire le médicament. L’objectif à atteindre en utilisant ces refrains est double. Dans un premier temps, on suggère au consommateur d’aller chercher un complément d’information auprès d’un professionnel compétent. Un diagnostic doit être posé, le professionnel doit déterminer qu’il s’agit du bon traitement thérapeutique pour ce patient et celui-ci doit avoir la possibilité de poser toutes les questions relatives à son état de santé. La PDMO n’explique pas tout et l’industrie pharmaceutique se fie beaucoup à la visite chez le professionnel de la santé afin de s’assurer que le consommateur ait toute l’information nécessaire. Dans un deuxième temps, le « parlez-en à votre médecin » vise le rapprochement physique : le consommateur, maintenant patient, doit obtenir une ordonnance afin d’acquérir le produit publicisé. Ces deux objectifs d’information et d’obtention d’ordonnance ne sont atteignables que si le consommateur consulte directement un professionnel de la santé.

207 Pharmaceutical Advertising Advisory Board, « PAAB Update », octobre 1999, p.3, en ligne :

http://www.paab.ca/local/files/en/newsletter//agmrept99_2_en.pdf (page consultée le 29 juin 2011); B. MINTZES, R. BARALDI, préc., note 67.

208 U.S. DEPARTMENT OF HEALTH AND HUMAN SERVICE, FOOD AND DRUG

ADMINISTRATION, « Guidance for Industry - Consumer-Directed Broadcast Advertisements », 2002, en ligne : http://www.fda.gov/RegulatoryInformation/Guidances/ucm125039.htm (page consultée le 13 décembre 2011)

Mais cette tactique de rapprochement fonctionne-t-elle vraiment? Une étude américaine de la Fondation Henry J. Kaiser Family209, diffusée en 2001, a évalué que, suite au visionnement d’une PDMO, le pourcentage de consommateurs qui posent des questions relatives à cette PDMO à un professionnel de la santé lors d’une visite est de l’ordre de 30%. Un rapport d’Ipsos PharmTrends210, daté de 2002, établit ce nombre à 20%. Dans l’étude de la Fondation Henry J. Kaiser Family, comme l’illustre la figure 8, la question a été posée de façon anticipée; 37% des gens qui avaient vu une PDMO disaient souhaiter consulter un professionnel afin d’en discuter alors que 40% souhaitaient discuter de la condition ou de la maladie spécifique associée à la PDMO211.

Figure 8.

209 « Understanding the Effects of Direct-to-Consumer Prescription Drug Advertising », préc., note 176, p. 3. 210 Ipsos PharmTrends®Reports, « Prescription Drug Ads Prompt Consumers to Seek More information from

Deux études menées aux États-Unis au début des années 2000 ont révélé que la PDMO avait un effet minime sur l’augmentation du nombre de consultations avec un professionnel de la santé212. En effet, la grande majorité des répondants à l’étude, soit 84% des personnes, ont affirmé avoir posé des questions au sujet d’une PDMO dans le cadre d’un rendez-vous médical de routine pris d’avance213. À l’opposé, seulement 4% des répondants ont indiqué que leur dernière visite chez un professionnel de la santé avait été motivée uniquement par une PDMO214.

Le fait de consulter un professionnel de la santé demeure un élément positif dans la quête de guérison du consommateur, peu importe l’élément déclencheur. Même lorsque ce déclencheur est de la PDMO, la visite chez le professionnel de la santé répond à un besoin d’information du patient et à son désir de jouer un plus grand rôle dans le traitement ou la prévention de sa condition. Mais de manière générale, cette consultation n’entraîne pas que des retombées positives.

Ces visites chez les professionnels de la santé coûtent cher puisqu’elles mènent à une utilisation accrue du système de santé dont les budgets sont étirés au maximum. À cet égard, le Docteur Micheal Wyman, l’ancien président de l’Association médicale de l’Ontario, a soulevé le point suivant « Advertising that encourages patients to contact physician if they want more information about a drug will raise utilization rates during a time of fixed budgets »215. Ce ne sont pas tant les visites supplémentaires qui feront

211 « Understanding the Effects of Direct-to-Consumer Prescription Drug Advertising », préc., note 176, p. 5. 212 John E. CALFEE, « Public Policy Issues in Direct-to-consumer Advertising of Prescription Drugs », juillet

2002, « A National Survey of Consumer Reactions to Direct to-Consumer Advertising » (1999) et « International Survey on Wellness and Consumer Reactions to DTC Advertising of Rx Drugs » (2000), p. 33, en ligne : http://www.ftc.gov/ogc/healthcare/calfeedtcjppm.pdf (page consultée le 28 juin 2011)

213 Id. 214 Id.

215 Patrick SULLIVAN, « CMA calls for controls on prescription-drug advertising aimed at patients », 1996,

154, Canadian Medical Association Journal, p.1890 en ligne : http://epe.lac-

bac.gc.ca/100/201/300/cdn_medical_association/cmaj/vol-154/1889.htm (page consultée le 27 septembre 2011).

augmenter les coûts, car celles-ci sont peu nombreuses, mais bien le fait que les visites chez le médecin dureront plus longtemps. Cela signifie que les professionnels de la santé sont ceux qui assument le coût de la prestation du service supplémentaire216.

Durant ces visites pendant lesquelles le patient se renseigne au sujet d’une PDMO, le professionnel de la santé doit exposer ce que les PDMO n’expliquent pas. Il doit préciser le message publicitaire, qui est souvent imparfait, et informer le consommateur tant au sujet de sa condition médicale que du médicament; c’est-à-dire les symptômes du problème de santé du patient et les effets secondaires, les risques potentiels, les contre-indications, etc. du produit thérapeutique annoncé. Il doit également rendre réalistes les attentes du consommateur face aux résultats découlant de la prise du médicament, d’ailleurs souvent exagérés dans la PDMO. Tout cela est bien le rôle du professionnel de la santé, mais la question se pose tout de même : est-ce là la meilleure utilisation du temps du professionnel? En prenant le temps de rectifier l’information, le professionnel de la santé peut passer outre d’autres problématiques visant la condition de son patient217. La PDMO peut distraire celui qui doit poser le diagnostic et ainsi fermer la porte à une discussion axée sur les symptômes, les autres options de traitements et les modifications au style de vie telles l’alimentation et l’exercice.

Finalement, il est possible que le professionnel de la santé ne possède pas toute l’information nécessaire pour répondre à un patient qui se renseigne au sujet d’une PDMO. Les nouveaux produits pharmaceutiques sont les plus publicisés et un patient qui pose des questions au tout début d’une campagne publicitaire, ou même au sujet d’un médicament provenant d’un autre pays, n’est pas assuré que son professionnel connaitra le nouveau produit ou ait eu accès à l’information pertinente et complète. Il est aussi possible qu’il

216 Id., p. 1891.

217 Joel LEXCHIN, Barbara MINTZES, «Direct-to-Consumer Advertising of Prescription Drugs: The

Evidence Says No», Journal of Public Policy & Marketing, 2002 Vol.21(2), p. 197, en ligne : http://www.jstor.org/pss/30000726 (page consultée le 11 octobre 2011)

existe peu de données à propos de l’efficacité et des effets à long terme et que le professionnel ne puisse pas répondre aux questions de manière satisfaisante218.

Il reste maintenant à savoir si cette rencontre avec le professionnel de la santé pour obtenir de l’information complémentaire se traduit relativement aux ordonnances émises par ces mêmes professionnels de la santé. C’est ce que nous examinerons dans la prochaine sous- section.

1.3.2 L’influence de la publicité directe des médicaments d’ordonnance sur