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L’interdiction générale de publicité

2. L’encadrement normatif canadien

2.1 La Loi sur les aliments et drogues et son règlement

2.1.1 L’interdiction générale de publicité

L’article 3(1) de la loi, figurant parmi les dispositions générales, interdit la publicité dans certaines circonstances précises. L’interdiction vise les médicaments relatifs aux conditions que l’on trouve à l’annexe A.

La prohibition de l’article 3(1) et son complément, l’annexe A, ont été ajoutés à la loi dès 1934. À l’époque, les Canadiens avaient besoin de telles mesures de protection de la santé pour trois raisons majeures. Premièrement, décourager l’autotraitement pouvant retarder ou remplacer le traitement des maladies se trouvant à l’annexe A. Deuxièmement, inciter la population à consulter spécifiquement un professionnel de la santé, plutôt que des amis ou des membres de la famille, avant d’entreprendre un traitement pour une maladie grave, et troisièmement, favoriser la prise de médicaments ou le suivi de traitements reconnus par le monde médical262. En 1953, l’article 3 a été scindé en deux afin de bien établir que la vente d’un médicament n’était pas nécessaire pour que l’interdiction de la publicité demeure263. Bien que l’interdiction de publicité que l’on retrouve à l’article 3(1) viole la liberté d’expression garantie par la Charte canadienne des droits et libertés264, il a été jugé que cette violation était justifiée dans une société libre et démocratique265.

262 Résumé de l’étude d’impact de la réglementation du Règlement modifiant l'annexe A de la Loi sur les

aliments et drogues et le Règlement sur les instruments médicaux (projet 1539), DORS/2007-289 (Gaz. Can.

II), p.4, en ligne : http://www.gazette.gc.ca/archives/p2/2007/2007-12-26/html/sor-dors288-fra.html (page consultée le 18 janvier 2012)

263 Id.

264 Charte Canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, [annexe B de la Loi

de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.)]

265 R. c. Compagnie Easy-Ac Product & Services Ltd., J.E. 91-1109, (appel des accusés rejeté et appel de la

Couronne accueilli, (C.S. 1991-06-07), 550-36-000003- 911, appel rejeté (C.A. 1993-09-27), no 500-10- 000307-916, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (1994-03-31), 23874, demande de ré-examen de la requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (1994-09-08), 23874).

Dans sa forme actuelle, le libellé de l’article 3(1) laisse peu de doute quant à la portée générale de l’interdiction de la publicité :

Il est interdit de faire, auprès du grand public, la publicité d’un aliment, d’une drogue, d’un cosmétique ou d’un instrument à titre de traitement ou de mesure préventive d’une maladie, d’un désordre ou d’un état physique anormal énumérés à l’annexe A ou à titre de moyen de guérison.

À la lecture, on constate qu’il vise à la fois les aliments, les drogues, les cosmétiques et les instruments. Dans un même ordre d’idées, l’article décrit le contenu de l’annexe A de manière à laisser bien peu de place à l’interprétation puisqu’il fait référence à des maladies, des désordres et des états physiques anormaux énumérés à l’annexe A. Jusqu’à très récemment, on y retrouvait 39 maladies. À la création de l’annexe A, il n’existait pas de critères établis afin d’inclure ou non une condition pathologique; certaines s’y sont trouvées parfois pour des raisons historiques et sociologiques, mais pas nécessairement scientifiques.

L’annexe A a été modifiée à la fin de 2007266. Le Groupe de travail externe sur l’annexe A, mis sur pied en 2003 à cette seule fin, était composé de représentants du gouvernement, d’associations professionnelles, de groupements de défense des consommateurs, du monde publicitaire, des médias et de l’industrie des aliments, des produits de santé et des matériels médicaux. Suite à un travail de consultation, le Groupe a recommandé à Santé Canada de solliciter des experts scientifiques afin d’établir des critères et revoir la liste des maladies de l’annexe A, ce qui a été fait en 2005. Suite à ces travaux, de la liste des 39 maladies

266 Résumé de l’étude d’impact de la réglementation du Règlement modifiant l'annexe A de la Loi sur les

figurant à l’annexe A, 17 ont été supprimées, 6 ont été modifiées et 6 ont été ajoutées267. Les critères de sélection établis et alors utilisés sont les suivants268 :

1. « La pathologie ou la maladie présente de graves risques pour les personnes et exige généralement un diagnostic, un traitement et une prise en charge par un professionnel de la santé.

2. La maladie est susceptible de se propager au sein de la population et pourrait constituer un risque pour la santé publique en l’absence de traitement approprié. 3. Une situation d’urgence existe pour laquelle l’autotraitement ne convient pas ou est

impossible.

4. La gravité de la maladie limite la capacité de la personne de prendre des décisions relatives à sa santé.

5. L’état morbide n’a été reconnu que récemment par la médecine et on ne sait pas si l’autotraitement est approprié.

6. La maladie ou la pathologie rend la personne particulièrement vulnérable aux effets nuisibles. »

Santé Canada juge que l’application de ces critères est un mécanisme transparent pour établir de manière constante quelles doivent être les maladies mentionnées à l’annexe A. L’élaboration de ces critères et les modifications qu’ils ont entrainées ont levé l’interdiction de la PDMO pour les produits visant des maladies ne se trouvant plus à l’annexe A. Toutefois, cela ne modifie en rien l’interdiction de publicité si le médicament en cause figure à l’annexe F, tel que nous le remarquerons sous peu. Par ailleurs les changements apportés à l’annexe A permettent, dans certains cas, d’éviter la création de nouvelles maladies afin de contourner l’interdiction de l’article 3(1). Par exemple, la compagnie

267 Id., p. 6. Les 6 maladies ajoutées sont les suivantes : Affections hématologiques hémorragiques, Démence,

Dépendance (sauf toxicomanie à la nicotine), Hépatite, Syndromes respiratoires infectieux aigus et Troubles psychotiques aigus. Pour la liste complète des retraits et des modifications à l’annexe A, veuillez consulter la page internet suivante : http://canadagazette.gc.ca/archives/p2/2007/2007-12-26/html/sor-dors289-fra.html

Pfizer a fait connaitre au public canadien la dysfonction érectile qui peut être traitée par son médicament-vedette, le Viagra. La « dysfonction érectile » est clairement la même condition que l’ « impuissance sexuelle »269, mais cette expression a l’avantage de ne pas être mentionnée à l’annexe A… Les maladies et conditions qui sont présentement énumérées à l’annexe A sont assez graves et précises pour être identifiées uniquement par leur nom. Nous pouvons espérer que n’est pas encore constituée la compagnie pharmaceutique qui trouvera un synonyme aux maladies telles que le cancer ou le diabète.