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1. Les acteurs de la publicité directe des médicaments d’ordonnance

1.2 Les consommateurs

1.2.2 La réception du message

Les consommateurs perçoivent et intègrent l’information contenue dans la PDMO de différentes façons. D’ailleurs, l’argument populaire le plus souvent invoqué en matière de justification de la PDMO est son potentiel éducatif : elle peut améliorer la santé publique en faisant connaître des maladies et des traitements thérapeutiques et en transmettant des connaissances générales au sujet de la santé. Les consommateurs sont de plus en plus en contact avec la PDMO. De 2000 à 2008, le pourcentage de consommateurs américains ayant visionné ou entendu de la PDMO est passé de 76% à 91%173. En 2008, ces mêmes

171 « Questions on US growth charity », Scrip. 10 août 1994, 1960, p. 19.

172 J. COSTE, M. LETRAIT, J. CAREL, et al., « Long term results of growth hormone treatment in France in

children of short stature: population, register based study », British Medical Journal, 1997, 315, p.708-13.

173 « Public and Physician Views of Direct-to-Consumer Prescription Drug Advertising » 2008, The Henry J.

consommateurs américains ont indiqué croire, dans une proportion de 53%, que la PDMO était principalement une bonne chose174. De plus, dans une proportion de 67%, ils considèrent que la PDMO informait les gens sur les traitements disponibles et les encourageait à aller chercher de l’aide pour des conditions médicales qu’ils ignoraient peut- être avoir175. L’accès à l’information médicale est au cœur de la polémique entourant la PDMO, mais encore faut-il que l’information transmise soit impartiale, complète et utile aux consommateurs qui visionnent ces publicités.

La Fondation Henry J. Kaiser Family a mené une étude exhaustive sur les effets de la PDMO aux États-Unis en 2001176. Dans sa façon de procéder, elle a regroupé les gens qui

avaient vu de la PDMO au cours de la dernière année et ceux à qui l’on venait tout juste de monter une telle publicité. Les résultats étaient étonnamment différents d’une catégorie de gens à l’autre, mais ne variaient pas d’une PDMO à une autre. 64% de ceux qui venaient de visionner une PDMO affirmaient avoir confiance en l’information sur la santé contenue dans la publicité, alors que seulement 33% de ceux qui en avaient vu au cours de la dernière année affichaient le même degré de confiance. En ce qui a trait au médicament annoncé, 62% de ceux qui venaient de visionner une PDMO ont affirmé avoir confiance en l’information sur le médicament contenue dans la publicité contre 46% de ceux qui l’avaient vue dans la dernière année.

http://kff.velir.com/spotlight/rxdrugsconsumer/upload/Rx_Drugs_DTC_Ads.pdf (page consultée le 19 novembre 2011)

174 40% ont dit que c’était principalement une mauvaise chose, 4% ont dit que c’était aucun ou les deux, et 2%

ont répondu ne pas savoir. « Public Views on Direct-to-Consumer Prescription Drug Advertising », préc., note 15, p. 10.

175 31% ne croyait pas à cela, et 1% ne le savait pas. Id.

176 « Understanding the Effects of Direct-to-Consumer Prescription Drug Advertising », The Henry J. Kaiser

Family Foundation, novembre 2001, en ligne : http://www.kff.org/rxdrugs/upload/Understanding-the-Effects- of-Direct-to-Consumer-Prescription-Drug-Advertising-Report.pdf (page consultée le 29 avril 2011)

Ces chiffres semblent toutefois changer légèrement avec le temps. La même Fondation a mené une étude comparative du pourcentage de confiance envers les publicités produites par les compagnies pharmaceutiques entre 1997 et 2005177 comme l’illustre la figure 3.

Figure 3.

On constate donc qu’en 2005, 18% des consommateurs américains interrogés ont dit croire « Presque tout le temps » ce que les compagnies pharmaceutiques avançaient dans leurs publicités. Près de la moitié (47%) ont affirmé croire les compagnies la « Plupart du temps » alors que près du tiers (34%) ont dit qu’ils ne croyaient « Presque jamais » ou

« Jamais » le contenu de ces publicités178. On peut se demander si des facteurs tels

l’augmentation du niveau de scolarité, la banalisation des produits pharmaceutiques ou la grande quantité de PDMO émise peuvent expliquer que les consommateurs aient de moins en moins une confiance aveugle en l’information qui est transmise dans ce type de publicité.

Quand on s’interroge sur les connaissances acquises par les consommateurs grâce à la PDMO, il faut tenir compte de l’information que ceux-ci connaissent antérieurement. Plusieurs consommateurs ont de bonnes connaissances de leur état de santé et ils s’investissent davantage quand ils ont une condition ou une maladie qui requiert un traitement. Par exemple, à l’été 2001, on a demandé à des consommateurs américains si les brûlures d’estomac et les reflux gastro-œsophagiens pouvaient conduire à des problèmes d’estomac plus sérieux. 79% des gens ayant tout juste visionné une publicité du médicament Nexium, traitant ces conditions, ont répondu que oui, alors que 68% des gens ne l’ayant pas visionnée ont également obtenu la bonne réponse179. Quand on a demandé à ces mêmes consommateurs s’ils croyaient qu’il existait un médicament pouvant aider à abaisser le taux de cholestérol, 93% de ceux qui venaient de visionner la publicité de Lipitor ont dit oui, comme 82% de ceux qui ne l’avaient pas vue. Toutefois, quand on a posé des questions plus poussées au sujet de Lipitor, la différence était plus prononcée. 34% de ceux qui avaient regardé la publicité savaient que ce médicament n’était pas reconnu pour prévenir les problèmes cardiaques, contre 5% chez ceux qui ne l’avaient pas vue180. Quand les gens interrogés ont autoévalué les connaissances acquises lors du visionnement de la publicité, 70% de ceux-ci ont indiqué qu’ils avaient appris aucune ou peu d’information à propos de la maladie ou de la condition visée en regardant la publicité. En ce qui concerne le médicament en tant que tel, 59% de ces consommateurs ont affirmé

178 « Public and Physician Views of Direct-to-Consumer Prescription Drug Advertising, préc., note 173, p.10. 179 Understanding the Effects of Direct-to-Consumer Prescription Drug Advertising », préc., note 176, p.6. 180 Id.

n’avoir appris aucune ou peu d’information à propos du médicament visé en regardant la même publicité181.

En ce qui a trait au pouvoir de rétention de l’information contenue dans la PDMO, l’étude précitée de la Fondation Henry J. Kaiser Family nous permet d’établir clairement la différence entre la perception de l’information transmise par les consommateurs qui ont tout juste vu une PDMO et ceux qui en ont vu une dans la dernière année. Les pourcentages suivants expriment « un bon ou excellent » travail de transmission d’informations182 :

• au sujet de la condition traitée par le médicament Visualisation récente : 84%

Visualisation dans l’année : 58% • au sujet des bénéfices potentiels

Visualisation récente : 72% Visualisation dans l’année : 60%

• au sujet des personnes qui devraient consommer le médicament Visualisation récente : 66%

Visualisation dans l’année : 47%

• au sujet des personnes qui ne devraient pas consommer le médicament Visualisation récente : 55%

Visualisation dans l’année : 41%

• au sujet des questions à poser au médecin à propos du médicament Visualisation récente : 55%

Visualisation dans l’année : 34% • au sujet des effets secondaires possibles

Visualisation récente : 52% Visualisation dans l’année : 30%

• au sujet de l’usage recommandé du médicament Visualisation récente : 47%

181 Id., p.7. 182 Id., p.11.

Visualisation dans l’année : 18%

La différence de rétention de l’information entre le visionnement récent et lointain n’est pas très étonnante. La PDMO est mieux perçue quand elle vise un message publicitaire visionné récemment : il est logique qu’une transmission d’informations récente semble plus précise et efficace. Ceci dit, en plus de justifier l’accroissement de la fréquence des PDMO par les compagnies pharmaceutiques, les résultats cette étude sont inquiétants car ils illustrent que l’information transmise par la PDMO est principalement retenue à court terme par les consommateurs. Près de 50% des gens ayant vu ces publicités jugent que les effets secondaires reliés au médicament ainsi que l’usage recommandé du médicament n’y ont pas été bien expliqués. De plus, près de 40% de ces consommateurs n’ont pas compris à qui est destiné le produit publicisé. Une autre étude menée par la Fondation Henry J. Kaiser Family, en 2008, démontre que l’information spécifique transmise par la PDMO est de moins en moins bien assimilée par les consommateurs, comme l’illustre d’ailleurs la figure 4183.

Figure 4.

Ces chiffres indiquent bien que même si les consommateurs sont de plus en plus en contact avec la PDMO et qu’ils jugent majoritairement que l’information transmise a un effet positif, ceux-ci restent critiques quant au réel potentiel éducatif de la PDMO. 45% des consommateurs interrogés affirment que de manière générale, la PDMO identifie d’une manière passable ou mauvaise la condition ou la maladie que le produit est censé traiter et plus de la moitié (53%) disent que les effets secondaires potentiels sont expliqués de façon passable ou mauvaise.

Cependant, si les compagnies pharmaceutiques justifient l’utilisation de la PDMO en arguant éduquer les consommateurs, elles doivent tenir compte des réponses de ceux-ci. En effet, les publicités ne sont pas une source d’information très prisée par les

consommateurs : seulement 4% des consommateurs disent beaucoup compter sur celles-ci comme source d’information précise. La figure 5 démontre bien que la PDMO se classe au dernier rang des sources d’information, après le médecin, les agences gouvernementales, la famille et amis et même l’internet184.

Figure 5.

Comme nous venons de le constater, certains consommateurs savent trier l’information pertinente et repérer les arguments de vente de façon à se faire une idée équilibrée du contenu de la PDMO. Cependant, les consommateurs de médicaments restent

majoritairement vulnérables puisqu’ils sont confrontés à la maladie. Nous allons maintenant étudier comment ces derniers sont parfois manipulés par une industrie qui ne se prive pas pour jouer sur leurs peurs.