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L’interdiction de publicité trompeuse

2. L’encadrement normatif canadien

2.1 La Loi sur les aliments et drogues et son règlement

2.1.2 L’interdiction de publicité trompeuse

L’article 9.1 LAD aborde la publicité d’une manière moins générale que l’article 3(1) puisqu’il se trouve dans la première partie de la Loi, à la section 3 intitulée DROGUE. Ainsi, contrairement à l’article 3(1), l’article 9.1 ne vise pas les aliments, les cosmétiques et les instruments médicaux. L’article protège la santé publique en régissant la présentation des drogues aux différentes étapes de leur développement, de la production à la consommation :

Il est interdit d’étiqueter, d’emballer, de traiter, de préparer ou de vendre une drogue – ou d’en faire la publicité – d’une manière fausse, trompeuse ou mensongère ou susceptible de créer une fausse impression quant à sa nature, sa valeur, sa quantité, sa composition, ses avantages ou sa sûreté.

Le libellé de l’article est très explicite quant aux effets ou résultats auxquels le consommateur doit s’attendre quand on lui présente une drogue : en aucun cas, il n’est

269 « Impuissance : Incapacité pour l’homme d’accomplir un acte sexuel complet, due à une malformation

physique du pénis ou à une absence d’érection ». Jacques QUEVAUVILLIERS (dir.), Dictionnaire médical, 5e édition, France, Eisevier Masson, 2007; Le Larousse médical, à la définition d’impuissance, renvoie à la

permis de faire usage de mensonge, de tromperie ou de fausser la réalité. Il est très clair que l’objectif de l’article 9.1 est de protéger le consommateur en lui assurant la présentation d’un produit la plus objective possible et en ne créant pas d’attentes irréalistes dans un moment de potentielle vulnérabilité.

À la lecture de cet article, il est intéressant de faire certaines observations. Tout d’abord, le libellé contient manifestement un non-interdit de publicité quand on le lit a contrario. Ce qui est interdit, ce n’est pas la publicité comme telle, mais bien la publicité fausse, trompeuse ou mensongère. Ce que le législateur cherche ici à protéger, c’est la qualité du message reçu et les attentes que le public cible doit avoir face à celui-ci. Cela laisse sous- entendre que l’on reconnait certains aspects positifs à la publicité, mais nous savons que celle-ci ne doit pas viser les médicaments d’ordonnance. C’est pour cette raison que l’interdiction totale de publicité sur ce sujet précis se retrouve plus loin dans la législation. Dans un autre ordre d’idées, il est bon de souligner que la protection de qualité qui est ici offerte vise le concept large de publicité : on ne spécifie pas qu’il s’agit de publicité directe aux consommateurs; les professionnels de la santé peuvent donc eux aussi bénéficier de la protection. Finalement, notons que selon le libellé de l’article, les étapes d’étiquetage, d’emballage, de traitement, de préparation et de vente ne font pas partie du concept de « publicité » proprement dit.

La Direction des produits thérapeutiques de Santé Canada spécifie que l’information contenue dans la publicité d’un médicament, afin de respecter l’article 9(1) LAD, doit correspondre aux conditions d’autorisation de la vente du produit. Ces conditions sont stipulées dans l’Avis de conformité, dans la monographie ou dans toute autre autorisation de commercialisation du médicament270.

maintenir une érection et, de ce fait, d’avoir un rapport sexuel satisfaisant.» Jean-Pierre WAINSTEN (dir.),

Larousse médical, édition 2009, Paris, 2009.

270 SANTÉ CANADA, « Énoncé de politique de la Direction des médicaments : Responsabilités du CCPP et

de Santé Canada en matière d'examen de la publicité et consultations réciproques à ce sujet », 1996, Direction générale des produits de santé et des aliments, p.3.

Le Celebrex271 et le Synthroïd272, deux médicaments très connus, ont tous deux fait l’objet d’un dépôt de recours collectifs en matière civile basés sur la fausse représentation et la publicité trompeuse. Ces recours ont été pilotés par des associations de consommateurs. Le Synthroïd est un médicament traitant l’hypothyroïdie qui a toujours eu très peu de concurrents. En effet, son fabricant, Boot Pharmaceutical, a déclaré pendant des années qu’il n’existait aucun médicament bioéquivalent même si une étude menée de 1979 à 1990, à la demande de Boots, a démontré qu’il en existait plusieurs273. Le fabricant a autorisé la publication de l’étude seulement en 1997. Avant cette date, il avait prétendu à maintes reprises être le seul de sa catégorie lors de la mise en marché et la publication de matériel relié au Synthroïd. Une requête en autorisation d’exercer un recours collectif a été déposée en 1997 afin de réclamer le montant payé en trop pour le produit. Malgré le fait que Boots estimait ne pas être responsable des réclamations alléguées, les parties ont convenu d’une Transaction en 2001 afin d’obtenir une résolution finale de toutes les réclamations. Une somme de 550 000 $ a été versée en règlement274.

Quant au Celebrex, c’est un médicament traitant l’arthrose et la polyarthrite rhumatoïde; en 2001, plus de 3,3 millions d’ordonnances ont été émises pour le Celebrex au Canada275. En

septembre 2002, l’Union des consommateurs a déposé une demande d’autorisation d’exercer un recours collectif contre Pfizer Canada, fabricant du Celebrex. L’Union des consommateurs avance que la publicité visant ce produit était trompeuse puisqu’elle présentait une absence presque totale d’effets secondaires à l’estomac et à l’intestin, soit un

271 Union des consommateurs c. Pfizer Canada Inc., recours collectif No : 500-06-00182-028 C.Q. 2002, en

ligne : http://www.bextracelebrexsettlement-

fr.ca/uploads/8/7/0/1/8701363/requete_presentation_de_la_transaction.pdf (page consultée le 16 janvier 2012).

272 Option Consommateurs c. Boots Pharmaceuticals Inc., « MÉDICAMENT SYNTHROID », recours

collectif No : 500-06-000045-977 C.Q., 2001, en ligne : http://www.recours-collectifs.ca/?Docs=112 / (page consultée le 3 janvier 2012).

273 Id. 274 Id.

avantage majeur face aux médicaments concurrents. L’association réclamait le remboursement de la portion non assurée du prix de même que des dommages exemplaires de 10 millions de dollars. Le 9 janvier 2012, une entente de règlement a été acceptée par la Cour supérieure du Québec. Celle-ci prévoit le versement par Pfizer d’une somme de 12 millions de dollars pour tout le Canada276.