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L’Organisation mondiale de la santé

F. Tenir compte du contexte canadien : la politique en matière d’information transmise doit tenir compte des pratiques internationales, mais elle doit être

2.3 L’apport de l’autoréglementation

2.3.3 L’Organisation mondiale de la santé

Il aurait pu être intéressant de se tourner vers les standards internationaux afin de chercher une protection supplémentaire au cadre normatif canadien visant la PDMO. Toutefois, si ceux-ci sont de bonne inspiration, ils ne fournissent malheureusement aucune mesure coercitive. Nous examinerons tout de même les standards internationaux proposés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans les prochains paragraphes.

L’OMS dirige et coordonne, dans le domaine de la santé, les travaux ayant un caractère international au sein du système des Nations Unies428. Elle est l’autorité pour diriger l’action sanitaire mondiale, définir les programmes de recherche en santé, fixer des normes et des critères, présenter des options politiques fondées sur des données probantes, fournir un soutien technique aux pays et suivre et apprécier les tendances en matière de santé publique. Ses membres comprennent bien les enjeux complexes entourant la PDMO429. D’un côté, il faut s’assurer que les patients reçoivent des médicaments pour améliorer leur état de santé de façon optimale, et de l’autre, il faut reconnaître que les compagnies pharmaceutiques sont des entreprises qui ont des produits à vendre. L’OMS résume la situation de la manière suivante : « an inherent conflict of interest between the legitimate business goals of manufacturers and the social, medical and economic needs of providers and the public to select and use drugs in the most rational way »430.

C’est dans cette optique que l’OMS a abordé la question de la promotion des médicaments d’ordonnance qu’elle décrit comme étant « toute activité d'information et d'incitation menée par les fabricants et les distributeurs pour faire prescrire, acheter et/ou utiliser des

427 M. GAGNÉ, préc., note 259, p. 55.

428 Organisation mondiale de la santé, site internet, en ligne : http://www.who.int/about/fr/

429 Dans la présente section, nous parlerons de PMO, et non pas de PDMO, puisque l’OMS a analysé de

manière globale la publicité des médicaments d’ordonnance sans se concentrer uniquement sur la publicité directe.

médicaments »431. Suite à maintes consultations avec des gens du domaine de la santé, des organismes de surveillance des médicaments, des patients et divers intervenants du secteur pharmaceutique, l’OMS a développé des Critères éthiques applicables à la promotion des médicaments, qui ont été adoptés à l’Assemblée mondiale de la santé de 1986432. Ce document contient un ensemble de lignes directrices internationales applicables, entre autres, à la publicité ciblant les professionnels de la santé et le public en général, à la promotion des médicaments exportés, aux études de contrôle suivant la mise en marché d’un produit pharmaceutique, aux rencontres et conférences scientifiques, à l’emballage et à l’étiquetage des produits ainsi qu’à la pertinence de l’information transmise aux patients. L’OMS s’est donc intéressée de façon large aux différentes problématiques entourant la PDMO.

L’article 14 vise la publicité des médicaments sous toutes ses formes s'adressant au grand public :

14. Les annonces publicitaires s'adressant au grand public devraient aider les gens à prendre des décisions rationnelles sur l'usage des médicaments pouvant être réglementairement obtenus sans ordonnance. Tout en tenant compte du désir légitime des gens d'être informés sur leur propre santé, elles ne devraient pas profiter indûment de l'inquiétude qu'éprouvent les gens pour ce qui touche à leur santé. En général, elles ne devraient pas être autorisées pour les médicaments délivrés sur ordonnance ni pour promouvoir des médicaments indiqués dans certaines maladies graves qui ne peuvent être traitées que par des praticiens de santé qualifiés et pour lesquelles certains pays ont établi des listes. Étant donné la nécessité de combattre la toxicomanie et la pharmacodépendance, les stupéfiants et médicaments psychotropes placés sous contrôle ne devraient pas faire l'objet d'annonces publicitaires s'adressant au grand public. S'il est hautement souhaitable de faire bénéficier les enfants d'une éducation pour la santé, la publicité pharmaceutique ne devrait pas s'adresser à eux. Les annonces

431 Organisation mondiale de la santé, Critères éthiques applicables à la promotion des médicaments, adoptés

en mai 1986 par la Trente-neuvième Assemblée mondiale de la Santé dans sa résolution WHA39.27., en ligne : http://archives.who.int/tbs/promo/whozip07f.pdf (page consultée le 18 janvier 2012)

publicitaires ne devraient faire valoir qu'un médicament peut guérir, prévenir ou soulager un trouble que si cela peut être prouvé. Elles devraient aussi indiquer, le cas échéant, les limites appropriées de l'usage de ce médicament.

L’article 15 spécifie le degré de vulgarisation acceptable et le ton devant être employé :

15. Lorsqu'un langage courant est utilisé, l'information devrait être conforme à la fiche d'information scientifique approuvée ou à toute autre documentation scientifique requise par la loi aux fins d'enregistrement du médicament. Le langage utilisé ne devrait pas être de nature à engendrer la crainte ou le désarroi.

Finalement, les Critères éthiques applicables à la promotion des médicaments décrivent, à l’article 16, le type de renseignements qui devraient être contenus dans les annonces publicitaires ayant pour sujet les médicaments :

16. La liste ci-après illustre le type d'informations que devraient contenir les annonces publicitaires s'adressant au grand public, en tenant compte du média employé :

• nom(s) de la (des) substance(s) active(s) désignée(s) par la

dénomination commune internationale (DCI) ou le nom générique approuvé du médicament;

• nom de marque;

• principale(s) indication(s) d'emploi;

• principales précautions, contre-indications et mises en garde; • nom et adresse du fabricant ou du responsable de la mise sur le

marché.

• Le prix de vente devrait être indiqué de façon précise et honnête.

Même si le principe de base des critères émis par cette organisation est toujours des plus actuels, soit « soutenir et d'encourager l'amélioration des soins de santé par l'usage rationnel des médicaments »433, on doit malheureusement constater qu’à ce jour, ces critères ont été

très peu respectés par les États membres de l’OMS, dont le Canada. En cette matière, l’Organisation ne produit pas de lignes directrices ou d’avis contraignants pour ses membres et le respect des normes proposées est une obligation morale. Même s’il s’agit d’une manière de procéder bien intentionnée, nous nous devons de constater que présentement, dans le cas précis de la PDMO au Canada, les résultats ne sont pas ceux espérés par l’OMS.

La présence de normes internationales visant la PDMO démontre bien qu’il s’agit d’une problématique mondiale. Malheureusement, ces normes ne fournissent pas d’outils concrets et il faut compter uniquement sur les États pour assurer une protection contre la PDMO. Actuellement, il n’y a que deux pays qui permettent ce type de publicité sur leur territoire, soit les États-Unis434 et la Nouvelle-Zélande435. Des études ont également été réalisées du

côté de l’Europe où l’interdiction a été maintenue dans tous les pays de l’Union Européenne436. L’Australie et l’Afrique du Sud ont également entrepris de réviser leurs lois concernant la PDMO. Il faudra voir dans les prochaines années si la tendance de l’interdiction se maintiendra mondialement.

Conclusion de la partie 2

L’encadrement normatif canadien que nous venons d’étudier est constitué de sources nombreuses et variées. Il est cependant à déplorer qu’aucune de ces normes ne réussisse à atteindre l’objectif fixé, soit le respect de l’interdiction totale de la PDMO. Nous avons constaté que comme plusieurs pays occidentaux, le gouvernement canadien a mis en place des normes législatives afin de protéger les consommateurs de médicaments. La Loi sur les

434 Les États-Unis se servent de la Federal Food, Drug and Cosmetic Act 21 USCA, de son règlement et de

directives émises par la United States Food and Drug Administration (USFDA).

435 La Nouvelle-Zélande utilise différentes lois dont la Commerce Act, la Fair Trading Act, la Consumer

Guarantees Act et la Medicines Act et les règlements applicables.

436 Graham DUKE, « Direct-to-consumer advertising of prescription medecines – a review of legislation and

policies in the developed world. », Université d’oslo, Novège, juin 2006, p.14, en ligne : http://www.whp- apsf.ca/pdf/health_can/HCDukesbkgrnd.pdf (page consultée le 10 janvier 2012).

aliments et drogues, aux articles 3 et 9.1, et son règlement, à l’article C.01.044 présentent des protections qui semblent très avantageuses pour ceux que la loi est sensée protéger.

Malheureusement, l’application du cadre normatif visant la PDMO n’a pas les effets escomptés. Santé Canada, qui devrait être un joueur de premier plan dans l’amélioration de l’état de santé des Canadiens selon le mandat et les responsabilités qui lui sont confiés, interprète largement la législation en place en permettant les annonces de rappel et de recherche d’aide. Cette situation ouvre une porte à l’industrie pharmaceutique qui diffuse de la PDMO en misant sur les zones grises de cette interprétation. L’ambigüité qui en résulte nourrit les visions conflictuelles, comme c’est le cas avec la contestation juridique de CanWest. Cependant, la norme de contrôle C.01.044 RAD n’a pas encore été évaluée par les tribunaux, néanmoins, des études en doctrine nous permettent de penser que les tribunaux favoriseront probablement le maintien et l’application de l’interdiction totale de la PDMO. Le lobbyisme des différents groupes de pression en faveur ou non de la PDMO est également une partie intégrale de l’application du cadre normatif et le fait que la législation n’ait pas été amendée récemment n’est pas garant du futur.

Comme mentionné, la voie suivie par le gouvernement canadien afin d’encadrer activement la PDMO est celle de l’autoréglementation. Cette façon de procéder, même si elle comporte certains avantages, est loin de protéger les citoyens des effets de la PDMO. En effet, puisque le Conseil consultatif de publicité pharmaceutique et les Normes canadiennes de la publicité, les organismes indépendants impliqués dans l’application de la loi, sont liés par l’interprétation ministérielle, ils ne peuvent qu’appliquer un cadre normatif défectueux. Le fait que ces organismes profitent de leur position stratégique afin de proposer leurs services d’expertise visant la PDMO à l’industrie pharmaceutique est peut-être anecdotique, mais il demeure tout de même révélateur des failles du système choisi.

Entre temps, puisque l’interprétation et l’application de l’encadrement normatif sur lequel les Canadiens peuvent s’appuyer sont assez faibles, il est opportun de constater quels sont

les effets de la légalisation de la PDMO sur un territoire donné. Les États-Unis permettent la PDMO intégrale depuis plusieurs années déjà et l’impact de cette mesure est observable à plusieurs niveaux. Dans la prochaine partie, nous exposerons le cadre juridique de la PDMO en vigueur aux États-Unis. Nous décrirons par la suite les effets de cette publicité sur la santé des Américains pour ensuite examiner ces effets économiques sur la société américaine.

3. Les effets de la publicité directe des médicaments