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René Maheu, une personnalité charismatique.

Dans le document L'UNESCO de 1945 à 1974 (Page 123-131)

Première partie Problèmes structurels.

1. Des conceptions changeantes au fil des dirigeants.

1.4. Evans (1953-58) et Veronese (1958-61) : une période de transition ?

1.5.1. René Maheu, une personnalité charismatique.

La formation d’une personnalité correspondant à l’idéal de l’Unesco, à travers un itinéraire atypique.

René Maheu, né à Saint-Gaudens en 1905, est un exemple d’ascension sociale méritocratique ; ses parents étaient instituteurs, et ses grands-parents étaient illettrés3. Il entre

à l’Ecole Normale Supérieure où il est le condisciple de Jean-Paul Sartre. Il se caractérise alors par un esprit individualiste affirmé. Ainsi, Delavenay relate qu’au sein du « Groupe d’études socialistes des quatre ENS », Maheu, âgé d’une vingtaine d’années, se fait remarquer par une intervention intitulée « Pourquoi je suis individualiste »4. Simone de Beauvoir, dans ses Mémoires d’une jeune fille rangée, évoque Maheu sous le personnage de Herbaud, et écrit : « L’ascétisme chrétien lui répugnait. Il ignorait délibérément l’angoisse métaphysique. Antireligieux, anticlérical, il était aussi antinationaliste, antimilitariste. Il avait horreur de toutes les mystiques »5. Dans Les Mots, Sartre décrit Maheu comme un « écorché vif », rebelle à toute autorité et à tout conformisme6. Lecteur à l’université de Cologne de 1931 à 1933, Maheu assiste en Allemagne à la montée du fascisme. Il quitte l’Allemagne le jour de

1 Lien-Link n°85 : nécrologie de Paul Lengrand par Pierre Henquet : la femme de Lengrand, Lucienne Lengrand,

avait travaillé pour l’Unesco avant son mari, à la division de la jeunesse ; elle a comme lui travaillé à l’association « Peuple et culture ».

2

Lien-Link n°83 : « De Bucarest à Abidjan : un itinéraire atypique », par E.R. Arrivé de Bucarest à Paris en 1957, ayant fui la Roumanie socialiste, il fait divers petits métiers à Paris, puis rencontre à Saint-Germain-des- Prés un jeune administrateur américain qui l’invite à rejoindre l’Unesco.

3 12 C/INF/12, 16 novembre 1962 : discours de Maheu lors de son entrée en fonctions, p. 3 : il évoque « le

souvenir de mes grands-parents paternels avec qui s’est écoulée mon enfance et qui étaient illettrés. Ils ne savaient ni lire ni écrire ». Biogr. Maheu, notice biographique « R. Maheu ».

4 E. Delavenay, « René Maheu, cinquante ans de souvenirs », in René Maheu. Portrait-souvenir …, op. cit., p.

59-62., p. 59.

5

Simone de Beauvoir, Mémoires d’une jeune fille rangée, p. 436-439, cité par E. Delavenay, « René Maheu, cinquante ans de souvenirs », article cité, p. 59. C’est Maheu qui a fait connaître Sartre à Beauvoir, cousine de sa femme.

6 J.-P. Sartre, Les Mots, Paris, Gallimard, 1963, p. 162-164. « Nizan et Maheu savaient qu’ils feraient l’objet

l’incendie du Reichstag, le 28 février 1933. De son propre témoignage, il a été très marqué par son observation du développement du nazisme dans la société allemande, et cela a contribué à renforcer son internationalisme et son pacifisme1. Son fils confirme cet élément, témoignant qu’en 1948, alors qu’il était âgé de dix-sept. ans, son père lui a dit :

« Jean, je t’envoie en Allemagne. Bien sûr pour améliorer ton allemand, mais surtout pour connaître ce pays et te lier avec des jeunes de ta génération. La nôtre a failli, elle n’a su éviter ni le nazisme, ni la guerre. L’Allemagne est aujourd’hui un monceau de ruines, matérielles et morales. Je t’y envoie en mission. Tu dois tisser des liens, des amitiés avec les jeunes allemands, pour travailler activement, avec ceux de ta génération, à la nécessaire réconciliation franco-allemande »2.

Il enseigne ensuite au lycée français de Londres ; il fait à cette occasion connaissance avec Julian Huxley. Au moment de la Seconde Guerre Mondiale, il est professeur au Maroc, au lycée français de Rabat, puis à Fez. Dès le débarquement américain de novembre 1944, il est intégré par le journaliste résistant Paul-Louis Bret dans l’agence d’information francophone France-Afrique, puis il entre dans les services du gouvernement d’Alger ; il est attaché au cabinet civil du résident général de la France au Maroc, Gabriel Puaux puis son successeur Erick Labonne ; il y est chargé des questions de réforme de l’enseignement. Sa période passée au Maroc a orienté durablement son intérêt vers le Tiers Monde, et lui a dès cette époque fait prendre conscience de la nécessité pour ces pays d’obtenir l’indépendance, de parvenir au développement économique, et de pouvoir développer leur culture. Il se trouve alors en désaccord avec Erick Labonne sur l’orientation à donner à la politique française au Maroc. Comme il l’affirme dans une interview donnée en 1973,

« A la suite de conversations très franches [avec Labonne], nous avons constaté que nous n’étions pas d’accord. […] Labonne donnait un primat aux questions économiques. Son raisonnement était que, dans ce Maroc pays pauvre, il fallait s’attacher à découvrir des ressources et que le mieux-être qui pouvait en résulter ferait disparaître les problèmes politiques. Ainsi niait-il complètement les revendications nationalistes des Marocains. […] En 1946, je disais à Labonne : ‘Si j’étais à votre place, je demanderais au gouvernement d’annoncer l’indépendance du Maroc pour dans dix ans et, d’ici là, on préparerait les élites qui seraient appelées à prendre en main le pays.’ Le résident général n’a évidemment rien voulu entendre et nous nous sommes séparés à l’amiable»3.

Il entre alors à l’Unesco grâce à son ancien camarade de l’ENS Jean Thomas4.

Ainsi, le parcours de René Maheu avant son entrée à l’Unesco a été original et atypique, les diverses expériences qu’il a faites ont contribué à cimenter ses convictions, qu’il a ensuite mises au service de l’Unesco : son séjour dans l’Allemagne pré-nazie a consolidé sa certitude de l’importance de l’éducation à la paix et à la compréhension internationale ; son séjour au Maroc l’a sensibilisé à l’aspiration à l’indépendance des pays du Tiers Monde, à leur besoin de développement économique, et à leur volonté de reconnaissance culturelle.

Ses conceptions ont évolué au fil des années, entre l’époque de sa jeunesse et celle à laquelle il devient directeur général de l’Unesco. Son opposition au nationalisme et au militarisme demeure et se renforce, trouvant à s’incarner dans son culte de la paix, mais son individualisme, son anticléricalisme, sa haine de la mystique, s’atténuent, au profit de

1

Journée d’hommage à René Maheu, Cahier I, op. cit., p. 17-20 : article de Jean Musitelli.

2 Ibid., p. 62-75 : article de Jean Maheu : « Son fils et sa petite-fille se souviennent ».

3 René Maheu. Portrait-souvenir …, op. cit. Mirèse Akar, interview de Maheu, L’Orient-Le Jour, 6-12 janvier

1973, doc. cité, p. 13.

4

conceptions universalistes et spiritualistes1. Sa pensée évolue de plus en plus vers une propension à la synthèse2.

Employé par l’Unesco dès le début de son fonctionnement en 1946, il y accomplit toute sa carrière, gravissant rapidement les échelons. C’est en 1961 qu’il accède au plus haut niveau, celui de directeur général, assurant l’interim de Veronese. L’année suivante, le conseil exécutif le désigne à l’unanimité comme candidat au poste de directeur général. Ce fait apparaît comme une « surprise » et est jugé « remarquable » et « exceptionnel » par la presse française, étant donné que plusieurs tours avaient été nécessaires pour la désignation de ses prédécesseurs3. Elu de manière triomphale, Maheu apparaît dès le départ comme un leader fédérateur. Cela s’explique par l’idéalisme qu’il nourrit pour l’Unesco.

Un idéalisme immense.

Lors de son entrée en fonction, Maheu exprime son « intime et indélébile fierté » d’être à la tête de l’Unesco, tâche qui, pour lui, fait « la justification d’une vie »4. Aucun directeur général avant lui n’avait exprimé en termes si forts la fierté de se retrouver à la tête de cette organisation. Il se donne pour but de faire reconnaître l’Unesco comme « le cœur du système des Nations Unies », estimant que « sans l’Unesco, les Nations Unies n’ont point d’âme »5. Il veut faire de l’Unesco une organisation plus cohérente, plus efficace, plus puissante6. Jean Maheu, son fils, témoigne de l’immense ambition de Maheu pour l’Unesco, une ambition qui, dit-il, allait presque « jusqu’à l’excès »7.

Cet idéalisme de Maheu peut s’expliquer par sa vision profondément optimiste, positiviste, de l’histoire. Maheu, qui se déclare « profondément imbu d’historicisme »8, conçoit l’histoire comme un cheminement vers le progrès. « Homme de l’espérance »9, il voit dans l’Unesco l’« Organisation de l’espoir », et affirme que « la raison d’être de l’Unesco, c’est l’espérance »10. Jusqu’à la fin de sa carrière, il affirme inlassablement, dans ses discours et dans ses articles, les « convictions profondes » qu’il nourrit pour cette organisation11, et proclame « la dimension éthique » de l’entreprise de l’Unesco, et « les multiples et vastes possibilités, encore à peine explorées, qu’elle offre à la pensée et à l’action morales »12. Il affirme que l’Unesco, « qui a pour mission de lutter contre les aliénations de l’homme par l’homme, doit croire à la réalité de la liberté »13. En 1973, il déclare que « les organisations

1 Ibid., article de J.-B. de Weck, p. 70 : « Il était l’ami de toutes les cultures, il respectait les valeurs spirituelles

et religieuses ».

2 « L’homme est un être des lointains. Il tend constamment à l’horizon de lui-même ». Discours de R. Maheu, 4

novembre 1966, en séance plénière de la conférence générale. Cf. aussi Alberto Wagner de Reyna (délégué permanent du Pérou auprès de l’Unesco), Idée et historicité de l’Unesco, Paris, Unesco, 1968, p. 21 : il faut « penser l’Unesco à la lumière d’Aristote ». « En plein accord avec Aristote, l’Unesco fait naître la paix extérieure de la paix intérieure ou éthique ».

3 RP, 14 sept. 1962 : Le Monde, Le Figaro, L’Aurore, Le Parisien libéré, France soir, Paris Presse. 4 12 C/INF/12, 16 novembre 1962, doc. cité, p. 1.

5

Journée d’hommage à René Maheu, Cahier II, op. cit., p. 91-95 : Ricardo Diez-Hochleitner, « La passion de l’action ». Il cite des paroles que Maheu lui a dites.

6 Encyclopedia Universalis, 1976, p. 503-504 : article « René Maheu » par Jean Thomas. 7 René Maheu. Portrait-souvenir …, op. cit., p. 14.

8

Interview radiophonique de René Maheu, France Culture, 22 janvier 1974. INA.

9 Jean Maheu, « Son fils et sa petite fille se souviennent », article cité.

10 Discours de Maheu le 13 nov. 1964, sur Shakespeare. Cité dans : Journée d’hommage à René Maheu, Cahier I, op. cit., p. 62-75 : Jean Maheu : « Son fils et sa petite-fille se souviennent ».

11

Biogr. Maheu, allocution de Maheu au personnel, 14 novembre 1974 ; « ces convictions se sont renforcées, n’ont cessé de se renforcer tout au long de ces années ».

12 R. Maheu, « Le cardinal Daniélou et l’Unesco », Revue des deux mondes, juillet 1974.

13 ODG/DG/699/2203, 22 mars 1971 : allocution de Maheu à l’ouverture du cycle de conférences sur la question

internationales sont devenues une des caractéristiques de notre temps », et que leur importance ne cessera de croître dans l’avenir1.

Les fonctionnaires de l’époque, et Maheu lui-même, observent l’intrication étroite entre sa propre personnalité et l’Unesco2. Maheu a affirmé lui-même à plusieurs reprises avoir « fusionné [s]a vie avec celle de l’organisation »3 ; « peu à peu j’ai confondu ma vie avec la sienne, au point qu’aujourd’hui il m’est difficile de dissocier celle-là de celle-ci »4. Dès lors, dans les interviews, il refuse d’évoquer sa vie antérieure à son entrée à l’Unesco : « J’ai passé vingt-six ans de ma vie à l’Unesco et c’est tout ce qui compte pour moi aujourd’hui. (…) c’est de cela seulement que j’aimerais parler »5. Son fils, Jean Maheu, témoigne : « L’Unesco était sa vie. Ce n’était pour lui ni un poste, ni une position, ni un travail, mais un sacerdoce. Il se sentait, il se voulait consacré au monde, à travers une politique planétaire de promotion de l’humain par l’éducation, la science et la culture »6. Gérard Bolla affirme : « René Maheu avait un credo : il croyait intensément, je dirais même passionnément, en l’Unesco à laquelle il consacrait toutes ses pensées et des efforts de tous les moments. »7. Tilly Bravery évoque la « foi (…) sans limites » de Maheu en l’Unesco, et souligne « la ferveur et la ténacité que personne ni rien n’auraient pu parvenir à éteindre ou abréger »8. Sorin Dumitrescu souligne « sa passion pour l’Unesco »9. Michel Doo-Kingué affirme que « René Maheu ne vivait réellement que pour l’Unesco »10. Tous les témoignages concordent pour souligner son immense idéalisme envers l’Unesco11. Torres Bodet, dans ses Mémoires, rend hommage à l’« aspiration de justice internationale » et au « noble désir de placer les idéaux de l’Unesco au-dessus des ambitions nationalistes » qui ont caractérisé l’attitude de Maheu à l’Unesco12.

Ses anciens collaborateurs témoignent aussi de sa grande intelligence administrative et de son dévouement total à son travail. Il est décrit par Jean Larnaud comme un « homme extrêmement intelligent », « le plus grand homme de l’Unesco », une « forte personnalité » 13, par Asher Deleon comme une « personnalité hors du commun »14. Huxley, dans ses

Mémoires, fait également l’éloge de Maheu, « Français brillant et infatigable, profondément

intéressé à chaque aspect du programme polymorphe de l’Unesco »15. Les diplomates britanniques observent les « dons intellectuels considérables », les « dons intellectuels typiquement français » de Maheu, et admirent son attitude d’« authentique fonctionnaire

1 Interview de Maheu par Mirèse Akar, doc. cité, p. 14. 2

René Maheu. Portrait-souvenir …, op. cit., texte de M. Barbey, p. 4. « L’Unesco a contribué directement à la formation de sa personnalité et c’est elle qui a inspiré sa vocation ».

3 Discours de William Benton, en novembre 1963 à Chicago, à une conférence de la commission nationale

américaine (cité dans Congrès, vol. 109, 88e congrès, 1e session, 9 janv.-30 déc. 1963 : 4 déc. 1963, Senate, p. 23225-23226 : « Report on recent Unesco developments » : M. Ribicoff, Connecticut). Dans ce discours, Benton rapporte que Maheu lui aurait dit : « little by little, I have merged my life with that of the organization ».

4 René Maheu, La civilisation de l’universel, Paris, R. Laffont, 1966, p. 24. 5 Interview de Maheu par Mirèse Akar, doc. cité, p. 13.

6

Jean Maheu, « René Maheu, la pensée en action », in René Maheu. Portrait-souvenir …, op. cit., p. 11-19.

7 René Maheu. Portrait-souvenir …, op. cit., p. 47. Interview Bolla. 8 René Maheu. Portrait-souvenir …, op. cit., p. 51.

9 S. Dimitrescu, « Autorité et ouverture d’esprit », in René Maheu. Portrait-souvenir …, op. cit., p. 87-90, p. 87. 10

Ibid., p. 84.

11 André Chakour, « Finance et confiance », René Maheu. Portrait-souvenir …, op. cit., p. 55-56.

12 J. Torres Bodet, Memorias III, op. cit., p. 18 : « René Maheu, en quien sempre adverti una aspiracion de

justicia internacional y un noble deseo de colocar los ideales de la Unesco por encima de las ambiciones nacionalistas ».

13 Interview Larnaud. 14 interview Deleon.

15 J. Huxley, Memories II, op. cit., p. 67 : Maheu : « a brilliant and indefatigable Frenchman, deeply interested in

international »1. Jean Thomas observe qu’il a donné « le meilleur de lui-même à une institution pour y accomplir le meilleur de sa vie » ; il souligne son « ardeur », sa « patience inlassable », sa « foi » en l’Unesco, et observe : « on a rarement vu un homme s’identifier à ce point avec sa fonction »2. Pour Jean d’Ormesson, Maheu a, à la tête de l’Unesco, mené « une sorte de dictature morale », une « lutte épuisante », il serait « une espèce d’aventurier des temps modernes »3. Il convient bien sûr d’être prudent dans l’appréciation de ces éloges a

posteriori de la part de ses collaborateurs.

Cependant, ces éloges ne sont pas seulement prononcés a posteriori, mais aussi sur le moment. Ainsi, en octobre 1967, les membres du conseil exécutif, réunis en séance privée pour l’élection du nouveau directeur général, observent que Maheu ne s’est jamais « abandonné à la routine » depuis cinq ans qu’il dirige l’Unesco, mais a au contraire manifesté toujours sa « liberté d’esprit »4. Ils ne tarissent pas d’éloges à son égard, vantant la « véritable mutation » qu’il a imprimée à l’Unesco5, le fait que « l’extrême complexité du système des Nations Unies n’a pas de secret pour M. Maheu »6, affirmant qu’il a été « un des plus féconds et des plus créateurs » des directeurs généraux et s’est distingué par « son humanisme et sa sollicitude pour les peuples en détresse »7, et enfin qu’il est « une grande figure intellectuelle, culturelle et humaine »8. Tous s’accordent pour le réélire, ce qui est le signe de sa grande popularité9. C’est alors la première fois qu’un directeur général de l’Unesco est réélu. C’est même la première fois qu’un directeur général ne démissionne pas avant la fin théorique de son mandat.

Si Maheu quitte l’Unesco en 1974, renonçant à briguer un troisième mandat, ce n’est qu’à regret, se sachant condamné à court terme par la maladie. À son départ, le conseil exécutif lui rend hommage, soulignant dans une résolution « sa conception clairvoyante de la mission de [l’Unesco], sa perception aiguë des problèmes du monde contemporain, son humanisme dynamique », « son inlassable dévouement aux grandes causes de l’humanité », les « progrès considérables » qu’il a fait faire à l’Unesco, et le « rayonnement sans précédent » qu’il lui a donné10. De même, l’association du personnel crée alors le « prix René Maheu de la fonction publique internationale »11. Durant les quelques mois qui lui restent à vivre après son départ de l’Unesco, Maheu se consacre à écrire des articles pour la presse, dans lesquels il affirme, à propos des problèmes politiques et sociaux du monde d’alors, son indéfectible foi en les Nations Unies pour faire face aux conflits qui déchirent les hommes et pour faire évoluer la société dans un sens meilleur12. Il s’éteint en 1975. René Maheu,

1 RU, PREM 11/5185 : « Visit of Maheu, record of meeting with Prime Minister », 10 avril 1964, note

confidentielle intitulée : « considerable intellectual gifts. He has a ready grasp of complex problems and situations, and the ability to present his ideas lucidly » ; « his characteristically French intellectual gifts » ; « a genuinely international civil servant ».

2 Encyclopedia Universalis, 1976, p. 503-504 : article « René Maheu », par Jean Thomas.

3 Le Figaro, 15 nov. 1974, article « Un Africain à la tête de l’Unesco. Amadou M’Bow : de la cause du petit

paysan ouolof au Palais dela Culture », article de Jean d’Ormesson.

4 77 EX/PRIV/SR.1 (prov.), 16 avril 1968, p. 4-5. Propos de Barbey. 5 Ibid. Propos de Wagner de Reyna.

6 Ibid., p. 4, Barbey. 7

Ibid., p. 5, Carneiro.

8 Ibid., Hampâté Bâ, p. 5. 9 Ibid., Barbey, p. 4.

10 Décision adoptée par acclamation, le 8 octobre 1974, à la 95e session du conseil exécutif. 11

Le prix René Maheu de la fonction publique internationale a pour but de « promouvoir le prestige de la fonction publique internationale au service de la coopération internationale, conformément à l’esprit de la Charte des Nations Unies et de l’Acte constitutif de l’Unesco ». (Association du personnel, STA/74/66, 14 octobre 1974).

12

« homme de foi, dont la religion était l’humain »1, comme l’affirme son fils Jean Maheu, a véritablement confondu sa vie avec celle de l’Unesco. Son enthousiasme idéaliste pour cette organisation s’est durant ses deux mandats transmis aux membres du personnel et des délégations.

Un enthousiasme qui se transmet au personnel et aux délégués.

Maheu transmet son idéalisme, son énergie, son dévouement, son enthousiasme pour l’Unesco au personnel et aux délégués. La période de Maheu apparaît dans la mémoire collective des contemporains comme l’âge d’or de l’Unesco. C’est une période qui, par l’enthousiasme et l’espoir qu’elle a véhiculés, rappelle la période de sa création, mais qui, par le pouvoir et l’envergure que l’Unesco a alors acquis, par la capacité de réalisations concrètes qu’elle a atteint, fait d’elle une institution beaucoup plus crédible que ce qu’elle était à ses débuts. Son nouvel objectif de porter assistance au Tiers Monde lui confère une mission urgente, concrète, et d’importance2.

Cette idée d’ « âge d’or » est très nette dans les esprits des fonctionnaires de l’époque, qui témoignent de leur idéalisme et de leur attachement affectif pour l’Unesco pendant les années 1968-743. Ils évoquent la « réussite surprenante »4, la « période riche » 5, « l’âge d’or »6, le « summum de l’Unesco »7, l’époque « où le prestige de l'Unesco culminait »8 , l’époque où « l’organisation était à son zénith » et avait gagné « une réputation excellente »9 ; une époque « passionnante »10, pendant laquelle le personnel était plein d’idéalisme11 ; l’Unesco de cette période est comparée à une « ruche bourdonnante de projets et d’espoirs », et Maheu est considéré comme « le directeur général de tous les espoirs, qui incarne l’Unesco de la réusssite »12. Henry Cassirer est représentatif de cet idéalisme ; dans son ouvrage intitulé

Un siècle de combat pour un monde humaniste, il souligne qu’il ne s’est « jamais senti un

homme d’appareil », mais que son engagement à l’Unesco a « été toujours été orienté envers

Dans le document L'UNESCO de 1945 à 1974 (Page 123-131)